#1 Les élections sénatoriales en Val-de-Marne : une ambiance de “baron noir” à gauche.

#1 Les élections sénatoriales en Val-de-Marne : une ambiance de “baron noir” à gauche.

La sénatoriale est un scrutin discret, qui se joue entre quelques milliers de grands électeurs dans chaque département concerné. Pour rappel, en effet, les sénateurs exercent un mandat de six ans mais les sièges sont remplacés par moitié tous les trois ans, en fonction des départements. Cette élection n’en est pas moins stratégique. Le Sénat est l’une des deux chambres parlementaires et prend toute sa part dans l’élaboration de la loi. Mais les places sont rares et chères, encore plus qu’à l’Assemblée nationale. Le Val-de-Marne, qui compte 1,4 million d’habitants, dispose de 6 sièges de sénateurs contre 11 de députés. La course n’en est que plus âpre. Le mode de scrutin, surtout, est très différent, puisqu’il ne s’agit pas d’un suffrage universel. Seuls votent les grands électeurs : parlementaires, conseillers régionaux, départementaux et représentants de conseils municipaux*. Ces derniers représentent 95% des appelés à voter, faisant des élections municipales une première étape déterminante des sénatoriales. Il s’agit par ailleurs d’un scrutin de liste.

*Concernant les conseillers municipaux et délégués communaux, la règle est la suivante. Dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués communaux comme grands électeurs, en plus des conseillers municipaux, à raison d’un conseiller pour 800 habitants au-dessus des 30 000). Ceci pour assurer une représentativité comparable des habitants par rapport aux plus petites communes. La proportion de conseillers par habitant est, en effet, beaucoup plus importante dans les petites communes. Dans les communes de moins de 9 000 habitants en revanche, tous les conseillers municipaux ne peuvent pas voter et doivent désigner des représentants. Les élections des délégués et représentants se tiendra le 9 juin.

Dans le Val-de-Marne, qui compte environ 2 000 grands électeurs, les municipales de 2020 ont changé la donne, avec la prise de plusieurs bastions communistes (Champigny-sur-Marne, Valenton, Villeneuve-Saint-Georges, Choisy-le-Roi) par la droite qui n’a perdu que Villejuif. Le PCF, qui comptait deux sénateurs dans la mandature sortante, reste en principe assuré d’en faire élire un, mais pas deux. La gauche, de manière globale, peinera à conserver ses trois sièges. La droite, en revanche, peut prétendre en emporter un quatrième. Tout dépendra de leur stratégie. Pour les partis et parlementaires sortants : deux équations sont possibles : soit l’union avec des partenaires du même bord, pour créer une dynamique et rafler un maximum de sièges, soit une présentation en solo, avec sa propre liste, pour faire le plein des voix d’abord acquises et faire élire un champion.

Repère : les 6 sénateurs sortants (par ordre alphabétique)

  1. Daniel Breuiller (EELV) (élu suite à la démission de Sophie Taillé-Polian, ex-PS devenue Génération.S, élue députée en juin 2022)
  2. Christian Cambon (LR)
  3. Laurence Cohen (PCF)
  4. Laurent Lafon (UDI)
  5. Catherine Procaccia (LR)
  6. Pascal Savoldelli (PCF)

Mâle dilemme

À gauche, on chante l’union sur tous les tons, se rappelant qu’en 2011, elle avait permis de gagner un quatrième siège, faisant place à l’écologiste Esther Benbassa. Un siège qui avait contribué à la bascule historique à gauche du Sénat pendant trois ans. Mais si l’air est connu, les paroles sont loin d’être écrites. Le PCF, qui reste en tête des grands électeurs (environ 200 selon un observateur averti), doit en principe mener la tête de liste. Le PS, qui compte un peu moins de grands électeurs (autour de 160), viendrait en deuxième, suivi des écologistes. Le troisième siège ne serait pas acquis mais jouable, grâce à la dynamique de gauche unie. Sur l’ordre du tiercé, les trois alliés sont d’accord. Reste le casting. Alors que la loi prévoit une alternance de sexe dans les listes, le genre de chaque candidat est déterminé par le premier ou la première de liste, en l’occurrence le candidat communiste.

Pour l’heure, celui-ci n’a pas été désigné officiellement mais un seul des deux sénateurs sortants, Pascal Savoldelli, s’est mis à la disposition de son parti pour repartir. La coutume voudrait donc que le sortant ait la priorité, d’autant qu’il n’a pas négligé son mandat, présent sur de nombreux sujets et auteur de plusieurs propositions de lois comme celle relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail. Disponible, ce dernier rappelle que “toutes les fois où le PCF a tiré une liste, ce n’était pas au détriment des forces de gauche” et appelle à une liste qui concilie “unité, solidité et ouverture”.

Une telle configuration obligerait par conséquent le PS à présenter une femme. Or, ce n’est pas du tout ce qui est prévu. Le premier fédéral du PS 94, Jonathan Kienzlen a, en effet, pris les devants en faisant élire, dès la semaine dernière, la liste qu’il entend mener. (À noter que la liste concurrente était aussi menée par un homme) Et pour lui, il n’est pas question de céder. “Le PS a déjà désigné une femme derrière le PCF en 2017”, rappelle le secrétaire départemental, également conseiller régional. À l’époque, il s’agissait de Sophie Taillé-Polian, passée ensuite chez Génération.S et qui a quitté son siège après son élection à la députation en 2022, le laissant à Daniel Breuiller (EELV) suivant sur la liste. “Il n’y aura pas de liste d’union si le PCF place Pascal Savoldelli en première position”, prévient Jonathan Kienzlen. Voilà qui a le mérite d’être clair.

Nouveau rapport de force au PCF

Reste à voir comment les partis suivront. Au PS, on n’est jamais à l’abri d’un parachutage, “par exemple d’une sénatrice sortante”, pointe malicieusement un connaisseur du dossier, glissant le nom de la nordiste Laurence Rossignol…

Au PCF, fracturé depuis plusieurs années entre deux courants, celui de l’actuel premier secrétaire national Fabien Roussel et celui de l’ancien, Pierre Laurent, lequel était encore majoritaire dans le Val-de-Marne il y a quelques années, les récentes élections internes ont modifié le rapport de force. Dans le département, la ligne Roussel l’a emporté à 52 contre 48. Or, les sénateurs sortants étaient dans la ligne de l’ancien secrétaire, qui était celle de l’ancien président du département Christian Favier. Localement, d’autres noms, dans la ligne Roussel, circulent désormais pour la sénatoriale, comme celui de Carine Delahaie à Arcueil. À Vitry-sur-Seine, le maire, Pierre Bell-Lloch (ligne Roussel), qui l’a emporté à la hussarde sur l’ancien maire (ligne Laurent) lors de la séance d’installation du conseil municipal de juillet 2020, indique pour sa part qu’il votera le candidat désigné par le parti avec discipline, mais ne cache pas qu’il apprécierait que ce soit une femme “pour ne pas perdre une sénatrice communiste”.

Chez EELV, pas problème de genre

Du côté des écologistes, Daniel Breuiller, sénateur écologiste sortant, bien que disponible pour repartir, suggère de mettre tout le monde d’accord en proposant une candidate EELV en deuxième position, ce qui permettrait à Pascal Savoldelli et Jonathan Kienzlen de se positionner avant et après. Pour l’élu, l’important est de faire l’union pour créer une dynamique à gauche, favorable à l’écologie. Resterait à s’accorder sur la candidature féminine alors que deux noms circulent en particulier, celui de la conseillère régionale Annie Lahmer et celui de l’adjointe gentilléenne Nadine Herrati. Un scénario non recevable côté PS.

Ces petits partis qui peuvent faire l’appoint

Faute d’union, les listes partiront séparées, cherchant chacune à rallier les partenaires de gauche, citoyens non encartés ou petits partis. Au MRC, qui estime son poids à une quinzaine de grands électeurs, on discute pour l’instant avec le PCF comme le PS, et “cela se passe bien”, commente Esteban Piard. Le secrétaire départemental plaide absolument pour une liste d’union et attend de ses partenaires qu’ils trouvent “une voie de passage” pour y arriver. Le parti de Jean-Luc Laurent aimerait aussi être sur la liste, “sur la base d’un programme”.

Au PRG, allié traditionnel du PS, Myriam Gaye, représentante pour le 94, ne cache pas sa proximité avec le parti à la rose, et indique que son mouvement doit faire le point ce dimanche.

Du côté de la France Insoumise en revanche, présente dans plusieurs majorités de gauche, ce n’est pas du côté PS que la balance devrait pencher.

Les non encartés : la grande inconnue de 2023

Restent les nombreux conseillers municipaux de gauche non encartés, qui feront bien ce qu’ils voudront dans le secret de l’isoloir. Un nombre d’élus qui augmente à chaque élection, notamment dans des villes comme Ivry-sur-Seine où Philippe Bouyssou (PCF) avait fait place à un tiers de citoyens non encartés sur sa liste en 2020. Ceux-là, faute d’union sur un programme attractif, il faudra aller les chercher à la pince à épiler.

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