Découverte d’un circovirus impliqué dans l’hépatite humaine

Découverte d’un circovirus impliqué dans l’hépatite humaine

Des scientifiques de l’Institut Pasteur, de l’Hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), de l’Inserm de l’Institut Imagine, de l’Université Paris Cité et de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA) ont identifié une espèce de circovirus jusqu’alors inconnue, provisoirement nommée circovirus humain 1 ( HCirV-1). Les circovirus sont une famille de petits virus à ADN très résistants qui ont été initialement identifiés en 1974 chez diverses espèces animales, où ils peuvent provoquer des problèmes respiratoires, rénaux, dermatologiques et reproductifs. HCirV-1 est un nouveau virus éloigné des circovirus animaux connus. Il a été démontré qu’il était impliqué dans les dommages au foie d’un patient subissant un traitement immunosuppresseur. Cette découverte du premier circovirus chez l’homme, lié à l’hépatite, a été publiée dans la revue Maladies infectieuses émergentes le 3 janvier 2023.

Bien que la transmission de virus animaux à l’homme soit régulièrement rapportée dans la littérature scientifique, il est rare qu’un nouveau virus soit identifié chez un patient en Europe. Mais dans le cadre d’une étude récente, des scientifiques et des médecins ont identifié le premier circovirus impliqué dans l’hépatite humaine. « La patiente avait une hépatite chronique inexpliquée, avec peu de symptômes. Elle avait reçu une greffe cœur-poumon 17 ans plus tôt et était suivie régulièrement depuis. Nous avons eu accès à un grand nombre de prélèvements sur plusieurs années et avons donc pu identifier ce roman. virus, ce qui était totalement inattendu », explique Marc Eloit, dernier auteur de l’étude, responsable du laboratoire Pathogen Discovery de l’Institut Pasteur et professeur de virologie à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA). Son laboratoire est spécialisé dans l’identification des agents pathogènes chez les patients suspectés d’infection grave de cause inconnue.

En mars 2022, en collaboration avec le service de microbiologie clinique de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), les prélèvements tissulaires pathologiques de cette patiente de 61 ans sous traitement immunosuppresseur, dont l’hépatite n’avait pas de cause identifiable, ont été séquencés rechercher des séquences microbiennes. Les séquences d’ARN (acide ribonucléique) extraites des tissus ont été analysées et comparées à celles de microbes connus. « Le but est d’identifier des séquences d’intérêt parmi toutes les séquences obtenues, ce qui revient à chercher une aiguille dans une botte de foin ! poursuit le scientifique Marc Eloit. Ces milliers de séquences d’ARN ont été analysées en parallèle à l’aide de techniques de séquençage à haut débit mNGS (séquençage métagénomique de nouvelle génération) et d’algorithmes sophistiqués. Après avoir exclu les étiologies communes, l’analyse a conduit à l’identification d’une espèce de circovirus jusque-là inconnue, provisoirement nommée circovirus humain 1 (HCirV-1). Aucune autre séquence virale ou bactérienne n’a été trouvée.

L’implication du HCirV-1 dans l’hépatite a ensuite été démontrée par l’analyse d’échantillons prélevés sur la patiente les années précédentes dans le cadre de son traitement post-greffe. Les résultats ont montré que le génome viral HCirV-1 était indétectable dans les prélèvements sanguins de 2017 à 2019, puis que sa concentration a culminé en septembre 2021. La réplication virale dans les cellules hépatiques a été mise en évidence (2 à 3 % des cellules hépatiques étaient infectées), pointant au rôle du HCirV-1 dans les lésions hépatiques : une fois que le virus a utilisé les ressources de la cellule hépatique pour se répliquer, il détruit la cellule.

A partir de novembre 2021, suite à un traitement antiviral, les enzymes hépatiques du patient sont revenues à des niveaux normaux, indiquant la fin de la cytolyse hépatique.

Le diagnostic d’hépatite d’étiologie inconnue reste un défi majeur, comme le montrent les cas d’hépatite aiguë rapportés chez des enfants au Royaume-Uni et en Irlande en avril dernier et signalés par l’OMS. « Il faut connaître la cause de l’hépatite, et surtout si elle est virale ou non, pour pouvoir proposer un traitement adapté et suivre efficacement les patients. L’identification de ce nouveau virus pathogène pour l’homme, et la mise au point d’un test réalisable par n’importe quel laboratoire hospitalier, offre un nouvel outil de diagnostic et de suivi des patients atteints d’hépatite », souligne Anne Jamet du service de microbiologie clinique de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), également rattaché à l’Inserm et co-dernier auteur de l’étude.

Bien que certains circovirus soient pathogènes pour les animaux et que des vaccins puissent être administrés, notamment chez le porc, il s’agit du premier circovirus connu pathogène pour l’homme. Les symptômes du patient sont restés légers; le virus a pu être identifié car elle était étroitement surveillée suite à sa greffe combinée. L’origine du virus – qu’il circule chez l’homme ou d’origine animale – n’est pas encore identifiée et la source de l’infection (contact, alimentation, etc.) reste inconnue. Suite à leur découverte, les scientifiques ont développé un test PCR spécifique désormais disponible pour le diagnostic étiologique des hépatites d’origine inconnue. Un test sérologique est également en cours de développement.

“Ces résultats montrent l’intérêt de ce type d’analyse de séquençage pour identifier des pathogènes nouveaux ou inattendus. Il est toujours important pour les cliniciens de savoir si une infection est virale ou non afin qu’ils puissent adapter le traitement en conséquence. Il est également crucial de pouvoir d’identifier un nouvel agent pathogène lorsqu’une infection reste inexpliquée et de développer un test diagnostique, car tout nouveau cas d’infection humaine par un agent pathogène émergent peut potentiellement signaler le début d’une épidémie », conclut Marc Eloit. Le test est disponible pour la communauté médicale et peut maintenant être facilement réalisé pour d’autres cas d’hépatite inexpliquée.

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