une spécialiste nous explique les avantages de la réutilisation des eaux usées encouragée par la Région Paca

une spécialiste nous explique les avantages de la réutilisation des eaux usées encouragée par la Région Paca

Avec son plan “Or bleu”, la Région Paca-Sud propose de développer la réutilisation des eaux usées pour faire face à la sécheresse. Encore pratiquée au compte gouttes, la “REUT” est-elle une solution viable et à quelles conditions ? Réponse en 5 points d’une spécialiste.

À l’heure où le Var et Bouches-du-Rhône figurent dans la liste des cinq départements placés en alerte renforcée pour cause de sécheresse, le Président de la Région Paca-Sud devance l’annonce des arrêtés préfectoraux en cours d’élaboration. Rencontré dans les allées du Salon international de l’agriculture à Paris ce mardi, Renaud Muselier a annoncé le lancement d’un plan “Or Bleu” pour développer la réutilisation des eaux usées sur le territoire régional, “comme cela se fait à hauteur de 25 % en Espagne ou de 80 % en Israël.”

La Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT) a fait son apparition en France dans les années 80 et, bien encadrée par des textes réglementaires, elle permet localement de s’adapter aux tensions saisonnières sur l’eau.

Dans son ouvrage, Catherine Franck-Néel, référente REUT au Ceremadresse, un panorama français de cette pratique. Cette spécialiste de la gestion résiliente des hydrosystèmes répond aux questions de France 3 Provence-Alpes.

  • Comment s’opère la REUT ?

Catherine Franck-Neel : L’idée est de donner un nouvel usage à de l’eau douce déjà captée et déjà utilisée avant son rejet dans le milieu. Cette REUT peut-être directe, quand la réutilisation de l’eau se fait en sortie de station d’épuration. Par exemple, Disneyland à Marne-la-Vallée utilise l’eau de sa station d’épuration pour l’arrosage des espaces verts ou l’alimentation des bassins d’agrément dans le parc. Cette REUT peut aussi être indirecte : l’eau est rejetée directement dans le sol  et ensuite repompée dans la zone de rejet, ce qui est pratiqué par de nombreux golfs.

  • Pourquoi cette pratique est-elle aussi peu répandue en France ?

Tout simplement parce que jusqu’ici on n’en ressentait pas vraiment le besoin ! Certaines filières réalisent aujourd’hui, après deux années de sécheresse en 2018 et 2022, que cela permet de continuer à irriguer en période de restriction des usages de l’eau. D’autant que cela se fait dans d’autres pays et qu’on a pu constater que cela ne posait aucuns problèmes sanitaires. Par exemple, la quasi-totalité des oliviers de Tunisie, deuxième exportateur mondial d’huile d’olive, est irriguée par des eaux retraitées depuis la fin du 20e siècle.

“La REUT ne peut se faire au détriment de la sobriété. L’objectif n’est pas de consommer davantage d’eau mais de rendre son utilisation plus efficiente. De leur coté, les agriculteurs doivent adapter leurs pratiques de manière durable.”

Catherine Franck-Néel, référente REUT au Cerema

à France 3 Paca

  • Des exemples dans notre région ?

La REUT a démarré dans les zones littorales du grand ouest et dans les îles et presqu’îles françaises comme Porquerolles dans les années 90. Les lagunes paysagées de la presqu’île de Hyères permettent de faire du zéro rejet. Mais cette solution est apparue comme indispensable, parce qu’il fallait combler le besoins en eau douce de l’agriculture et qu’il n’y avait pas la ressource.

La viticulture pourrait s’inspirer de ce qui se fait  tout à coté dans l’Hérault avec le vignoble des Listels irrigué par les eaux usées de la station d’épuration de Marseillan.

Attention, il y a tout de même des freins en zones littorales. Les réseaux d’assainissement doivent être de bonne qualité, car ne faut surtout pas que de l’eau salée pénètre dans la station d’épuration, ce serait rédhibitoire pour le sol qui risquerait d’être salinisé et dégradé. Il faut bien sûr respecter le milieu et l’environnement.

  • Est-ce que la REUT requiert  des investissements importants ?

C’est au cas par cas localement : de petits systèmes robustes, bien qu’anciens, ne vont pas nécessiter de changements et de plus grandes installations devront être refaites à grands frais pour intégrer la REUT dans leur fonctionnement. L’idéal est de profiter des opportunités : quand des investissements doivent faits pour des remises aux normes d’installations, c’est le moment de se poser la question de comment réutiliser l’eau derrière. Il faut mettre en rapport investissement et amortissement.

“La REUT n’est pas faite pour répondre à une urgence mais s’envisage sur le long terme.”

L’idée n’est pas de faire porter les efforts financiers aux seules collectivités mais aussi de faire participer les bénéficiaires. Par exemple, dans le cas d’une coopération entre un golf et un agriculteur, on peut créer une symbiose industrielle ou un consortium comme cela se fait à l’étranger pour que chacun y trouve son compte.

  • Comment la REUT est-elle encadrée par la loi ?

Il y a un important suivi règlementaire pour répondre à des exigences sanitaires. La réglementation qui encadre la REUT est posée depuis 2010 en France et depuis 2020 un règlement européen s’applique à tous les nouveaux projet dans le domaine de l’agriculture.

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