Top 12 F : Kaylia Nemour prend son mal en patience

Top 12 F : Kaylia Nemour prend son mal en patience

Elle virevolte d’une barre à l’autre. Défiant la gravité. Se jouant de la pesanteur. Le corps tendu des bras à la pointe des pieds, le visage figé par la concentration, elle enchaîne les difficultés, mêlant vitesse et amplitude sans jamais perdre le contrôle. Quand elle s’envole au-dessus d’une barre, la lâchant pour mieux s’y raccrocher ensuite, Kaylia Nemour semble aussi légère qu’une plume. Comme si, pendant les trente secondes que dure son mouvement, elle n’avait plus le moindre poids sur les épaules.

Son affinité pour les barres n’est plus un secret, mais la capacité de Kaylia Nemour à les dompter semble pourtant relever du mystique quand elle déroule ses éléments avec grâce et dynamisme, comme elle l’a fait lors du match de Top 12 de son clubAvoine-Beaumont, face à Hyères, samedi 25 février. Avec une facilité apparente mais forcément trompeuse. Le résultat d’heures et d’heures de travail acharné.

Record battu avec une note de 14,8 aux barres

Lequel a payé, samedi. Car si elle avait « loupé » son mouvement à Combs-la-Ville, deux semaines avant (6,4 de difficulté, 13,966 note finale), Kaylia Nemour l’a cette fois réussi (6,5 de difficulté). « Ma plus belle note était 14,7, j’ai battu mon record avec un 14,8. Je suis contente, même s’il y avait encore quelques erreurs. »

« C’est une satisfaction de la voir réussir ce mouvement, sourit son entraîneur, Marc Chirilcenco. Il manque juste une liaison à deux dixièmes, donc elle a entre les mains une note de 15 qui doit lui ouvrir les portes de toutes les finales des grandes compétitions. »

Écartée des plus grandes compétitions jusqu’en juillet

Mais le problème est bien là. Ce poids invisible sur les épaules de Kaylia Nemour, celui qui disparaît quand elle tourbillonne au-dessus des barres mais qui noircit son quotidien. De par son changement de nationalité (de française à algérienne), réalisé le cœur lourd en raison du conflit entre son club d’Avoine-Beaumont et la Fédération française de gymnastiquela jeune fille de 16 ans ne peut prendre part aux compétitions dites « FIG », c’est-à-dire sous l’égide de la Fédération internationale de gymnastique, pendant l’année qui suit ce changement, soit jusqu’au 20 juillet 2023. Or, les compétitions FIG, ce sont tout simplement les plus grandes épreuves internationales. « Il reste encore près de cinq mois à attendre. C’est long, cinq mois, souffle-t-elle. Ça m’énerve un peu. »

Kaylia Nemour ne peut donc pas prendre part aux championnats d’Afrique, en mai prochain, lesquels sont qualificatifs pour les championnats du monde. Lesquels peuvent eux-mêmes donner un ticket pour les Jeux olympiques 2024… Une situation d’autant plus frustrante que, d’après sa mère, Stéphanie Nemour (également présidente du club), et son entraîneur, il suffirait d’un courrier du président de la FFGym à la FIG pour la libérer de cette clause restrictive.

« Kaylia reste une jeune de 16 ans qui travaille dur et qui ne demande qu’à vivre son rêve au même titre que toutes les autres athlètes. Elle a déjà été contrainte de dire adieu à celui de représenter la France… », rappelle Stéphanie Nemour.

Une pétition pour faire fléchir la FFGym

C’est pourquoi la mère de Kaylia a lancé une pétition en ligne (1), pour tenter de persuader la FFGym de rédiger ce courrier. Laquelle avait recueilli près de 4.000 signatures, ce mardi 28 février. « Je me suis dit qu’il fallait que tout le monde sache ce qu’il se passe et montrer à la FFGym que Kaylia est soutenue. Il faut que l’on se batte pour elle parce qu’elle le mérite vraiment. Moi, elle m’épate tous les jours. Elle a une force de caractère assez incroyable pour tenir à un tel niveau tout en ne pouvant pas vraiment s’exprimer en compétition. »

En attendant, Kaylia Nemour fait contre mauvaise fortune bon cœur. « Je suis contente car je peux matcher en Top 12. Et puis, je me sens soutenue par tout le monde. J’espère que la pétition va continuer à grandir pour pouvoir faire les championnats d’Afrique. »

« Cette contrainte est devenue un atout »

Son coach aussi tente de tirer du positif d’une situation forcément difficile à vivre pour la jeune fille. « C’est compliqué de répéter à une enfant d’être patiente. D’autant qu’elle va manquer de bonnes étapes dans sa préparation. Mais son objectif reste les JO de 2024 et on a appris à être résilients, à prendre le temps. Parce que finalement, le temps joue en notre faveur : il nous permet de travailler de nouveaux éléments. Cette contrainte est devenue un atout. Il lui manquera un peu d’expérience, mais ça ne m’inquiète pas trop, car sur la prise en main, elle est assez exceptionnelle. »

C’est aussi le temps qui dira si le monde entier aura la chance de pouvoir admirer Kaylia Nemour virevolter au-dessus des barres lors des Jeux olympiques de Paris.

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