Yvonne Choquet-Bruhat : La physique mathématique qui a prouvé que l’avenir de l’univers est bien défini | Science

Yvonne Choquet-Bruhat : La physique mathématique qui a prouvé que l’avenir de l’univers est bien défini |  Science
La mathématicienne française Yvonne Choquet-Bruhat, dans une image prise en 2006.Renate Schmid

Philosophe espagnol José Ortega y Gasset déclaré: “Être surpris, être surpris… c’est commencer à comprendre.” La même idée poussée de l’enfance à Yvonne Choquet-Bruhat vouloir “percer quelques-uns des secrets de l’étrange univers dans lequel nous vivons, et le rôle que les êtres humains y jouent”, comme il l’exprime dans son autobiographie. Le scientifique français, qui a eu 96 ans le 29 décembre, a toujours cru que la physique et les mathématiques pourraient nous aider à mener à bien cette entreprise. Ses contributions, fondamentalement encadrées dans le domaine de la relativité générale, ont fait d’elle une figure de proue dans le domaine de la physique mathématique du XXe siècle.

Yvonne Choquet-Bruhat – elle a acquis le patronyme « Choquet » lors de son second mariage avec Gustave Choquet – est née à Lille (France) dans une famille cultivée. Son père, Georges Bruhat (1887-1945), était professeur de physique à l’université de Lille, et sa mère, Berthe Hubert (1892-1972), professeur d’art, de lettres et de philosophie dans plusieurs lycées français. Dès son plus jeune âge, Choquet-Bruhat fait preuve d’un grand talent pour la physique et les mathématiques. À l’âge de dix-huit ans, il remporte une médaille d’argent au « Concours général », concours national récompensant les meilleurs élèves du pays. En 1943, il commence ses études de mathématiques à l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres, en banlieue parisienne, dont il sort diplômé trois ans plus tard.

C’est alors qu’il a commencé son activité de recherche au prestigieux Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS pour son acronyme en français), sous les conseils du célèbre physicien mathématicien André Lichnerowicz. Il a fait sa thèse sur le soi-disant problème de la valeur initiale (ou Le problème de Cauchy) dans le cadre de la relativité générale, où l’on étudie l’existence de solutions aux équations proposées par Albert Einstein, lorsqu’elles remplissent certaines conditions de départ. Dans le cadre cosmologique, la question déterminerait si l’avenir de l’univers est bien défini alors que nous ne disposons d’informations à son sujet qu’à un “instant précis”, ce que l’on appelle les données initiales du problème.

Choquet-Bruhat a pu prouver, par l’étude d’équations différentielles complexes et de techniques géométriques, que si l’on part d’une donnée initiale qui répond à certaines contraintes physiques plausibles, il n’y a qu’un seul avenir possible pour l’univers.

Choquet-Bruhat a pu prouver, par l’étude d’équations différentielles complexes et de techniques géométriques, que si l’on part d’une donnée initiale qui répond à certaines contraintes physiques plausibles, il n’y a qu’un seul avenir possible pour l’univers. Son travail de doctorat, intitulé “Théorème d’existence pour certains systèmes d’équations aux dérivées partielles non linéaires”, révèle le caractère déterministe de la théorie d’Einstein, puisque l’avenir de l’univers est fixé par l’information qui le décrit en un instant de temps.

En 1949, Choquet-Bruhat est nommé assistant de recherche au CNRS, puis associé. En 1951, il accepte un contrat postdoctoral au Princeton Institute for Advanced Study aux États-Unis où il a l’occasion de rencontrer Einstein, à qui il peut expliquer dans son bureau, avec une combinaison de français et d’anglais, les principales réalisations de sa thèse. Le génie allemand la félicita pour le travail accompli et l’invita à lui rendre visite dans son bureau quand elle le souhaitait.

La solution au problème de Cauchy a soutenu, entre autres domaines de recherche, l’étude de la stabilité des solutions des équations d’Einstein, qui analyse la variation des univers résultant de légères perturbations des données initiales. Obtiendriez-vous un univers légèrement différent de celui que vous aviez prédit, ou au contraire cela n’aurait presque rien à voir avec cela ? D’autre part, ce travail a facilité l’utilisation de techniques numériques et analytiques pour approximer les solutions des équations d’Einstein, car elles sont généralement très difficiles à calculer explicitement. Par ailleurs, au-delà de leur importance au sein de la théorie de la relativité générale, les travaux de Choquet Bruhat ont posé les bases pour l’étude d’autres théories physiques telles que l’hydrodynamique relativiste, la théorie de la jauge non abélienne ou la supergravité.

Entre autres mérites, il convient de noter qu’elle a été la première femme élue à faire partie de l’Académie française des sciences.

La trajectoire scientifique fructueuse de la physique mathématique a donné lieu à un total de sept livres et trois cents articles, qui l’ont rendue digne d’importants prix et récompenses nationaux et internationaux. Entre autres mérites, il convient de noter qu’elle a été la première femme élue à l’Académie française des sciences, le 14 mai 1979.

Dans les dernières lignes de son autobiographie, la scientifique française évoque une réflexion du philosophe Blaise Pascal, dans laquelle il avoue avoir “une formidable ignorance de tout”. Bien que Choquet-Bruhat reconnaisse le nombre énorme de questions qui restent sans réponse, ses contributions ont signifié des progrès scientifiques considérables.

Après une vie consacrée à la recherche, Yvonne Choquet-Bruhat a pu voir son rêve d’enfant se réaliser : éclairer certains des mystères de l’univers dans lequel nous vivons.

Alberto Soria Il est chercheur postdoctoral à l’Institut des sciences mathématiques (ICMAT) et professeur à l’Université catholique d’Ávila

Café et théorèmes est une section dédiée aux mathématiques et à l’environnement dans lequel elle est créée, coordonnée par l’Institut des sciences mathématiques (ICMAT), dans laquelle chercheurs et membres du centre décrivent les dernières avancées de cette discipline, partagent des points de rencontre entre les mathématiques et d’autres expressions sociales et culturelles et se souvenir de ceux qui ont marqué leur développement et ont su transformer le café en théorèmes. Le nom évoque la définition du mathématicien hongrois Alfred Rényi : « Un mathématicien est une machine qui transforme le café en théorèmes ».

Édition et coordination : Agate Timon (ICMAT).

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