L’actrice Isabelle Huppert fête ses soixante-dix ans

L’actrice Isabelle Huppert fête ses soixante-dix ans

ÜOn a tant parlé de son impassibilité, de son impénétrabilité, de l’intrigant mystère de son visage, qu’il faudrait peut-être commencer par une scène où cette impassibilité est brisée. C’est la fin du film de Michael Haneke “The Piano Player”. Erika Kohut attendait dans le foyer du Conservatoire de Vienne que son élève de piano Walter Klemmer le poignarde.

Mais quand il passe devant elle dans une foule, son courage lui fait défaut. Puis elle plonge le couteau dans sa propre poitrine d’un mouvement saccadé. Son visage se tord en une grimace grotesque et enfantine, déchirée par la haine de soi et l’apitoiement sur soi. Isabelle Huppert a raconté plus tard comment elle avait dû répéter la scène pour Haneke plus de cinquante fois avant qu’il ne soit satisfait. Il lui était si difficile de sortir de la perfection qui caractérise toutes ses performances – et ainsi d’être plus parfaite que jamais.

Isabelle Huppert n’est pas seulement la meilleure actrice du cinéma européen, elle est aussi la plus maîtrisée. Jouer avec la perte de contrôle, qui n’arrive alors jamais tout à fait, fait partie de l’aura de ses rôles. Elle a incarné la faiseuse d’anges Marie, la parricide Violette, la suicidaire Emma Bovary, la Nathalie abandonnée, la Michèle violée, la Thérèse kidnappée et d’innombrables autres femmes, sans jamais apparemment atteindre leurs limites.





série d’images



stations d’une carrière
:


Les multiples facettes d’Isabelle Huppert

Quelque chose d’autre semble toujours sommeiller dans ses personnages, un résidu inutilisé, un surplus, et c’est précisément ce surplus qui entraîne le spectateur dans son jeu. Vous voulez savoir comment ça marche : la femme qui quitte son mari pour toujours dans “Gabrielle” de Patrice Chéreau pour revenir le soir même ; la postière Jeanne, qui assassine de sang-froid une famille dans Les Bêtes de Claude Chabrol ; la veuve qui traque les jeunes femmes dans “Greta” de Neil Jordan à New York. Mais on ne sait jamais avec certitude. Les fictions du cinéma gardent leur secret comme les personnages dans la vraie vie. Sa vérité réside dans ce caractère impénétrable, tout comme la vérité de l’actrice Isabelle Huppert réside dans le fait qu’elle est à la fois dans ses personnages et à côté d’eux. De cette façon, pendant que nous regardons, elle peut parler aux personnes avec qui elle joue en même temps. Personne dans sa profession ne peut faire ça.

Difficile de croire que cette femme a soixante-dix ans, car surtout dans ses rôles les plus récents, elle semble plus intemporelle qu’au début de sa carrière. Dans “Elle” de Paul Verhoeven, son dernier très grand film, elle est femme d’affaires, ex-femme, fille, amante, victime d’abus et intrigante de sang-froid, et dans chacune de ces métamorphoses elle montre un visage différent, de vieille femme à la jeune fille. Elle a dit un jour que c’était la spontanéité, l’immédiateté du sentiment, qui l’attirait au cinéma, mais derrière cette spontanéité, il y a un instinct indubitable à l’œuvre, aiguisé au fil des décennies devant la caméra, qui l’a toujours attirée vers le meilleur. réalisateurs parce qu’il ne se retrouvait qu’avec eux. “Ce n’est pas une vie différente. C’est ma vie.” Elle reste donc fidèle à elle-même dans ses transformations. Son soixante-dixième anniversaire, qu’elle fête aujourd’hui, est une fête pour nous tous.

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.