Le mythe de D’Artagnan imprègne la France convulsée de Macron | Culture

Le mythe de D’Artagnan imprègne la France convulsée de Macron |  Culture

2023-04-23 06:25:00

Et soudain, en ce printemps convulsé de manifestations et de colère sociale en France contre l’impopulaire réforme des retraites, d’Artagnan et les mousquetaires reviennent. Ils le font avec un nouveau film réalisé par Martin Bourboulon, le numéro 46 inspiré du roman d’Alexandre Dumas. Et la preuve : il y a des Français qui continuent de voir dans ces personnages et dans leurs aventures quelque chose au plus profond d’eux-mêmes.

“Il y a des traits de caractère qui traversent les siècles”, explique l’historien populaire et spécialiste des monarchies Stéphane Bern, qui a sorti un documentaire télévisé sur le royal d’Artagnan. “C’est cette volonté de défier en permanence le pouvoir et les vérités établies et la tentative de s’élever au-dessus de leur stature. C’est très français.”

Chaque pays a sa mythologie, le miroir légendaire dans lequel il aime se regarder ou dans lequel d’autres identifient ses vertus et ses défauts. L’Espagne a Don Quichotte. La France en compte plusieurs. Bern fait référence à Astérix, le personnage de bande dessinée créé par Gosciny et Uderzo. Mais, surtout, D’Artagnan, ce « Don Quichotte de 18 ans » : c’est ainsi que Dumas le présente dans son roman de 1844, le jeune homme qui au printemps 1625 quitte sa Gascogne natale pour servir de mousquetaire à Louis XIII.

Les trois Mousquetaires C’est une histoire du XVIIe siècle : les intrigues du cardinal de Richelieu, les guerres de religion, un monde médiéval qui n’est pas encore mort et le monde moderne qui fait ses premiers pas. Et c’est une histoire du XIXe siècle, à commencer par la figure du garçon de province qui monte dans la capitale pour se faire un nom. Aussi un mythe actuel ?

Athos, Porthos, Aramis et D’Artagnan représentés dans une illustration.BIBLIOTHÈQUE D’IMAGES DEA (De Agostini via Getty Images)

“Les mousquetaires sont un mythe qui imprègne l’imaginaire français”, observe le journaliste Sébastien Le Fol, auteur du récent En bande organisée. Mitterrand, le pacte secret (En bande organisée. Mitterrand, le pacte secret). Ce livre est la chronique d’une bande d’amis qui, comme D’Artagnan et les mousquetaires Porthos, Athos et Aramis, ont accompagné François Mitterrand, président de la République entre 1981 et 1994, tout au long de sa vie XIII et celle d’Emmanuel Macron il y a coïncidences, selon Le Fol : « Nous avons un pays qui continue d’être un pays inflammable, éruptif, combattant, divisé. Les terres agricoles dans lesquelles les mousquetaires ont grandi au XVIIe siècle n’ont pas beaucoup changé.”

“Le mythe dépasse la France”, dit Claude Schopp, le biographe de Dumas. « Son universalité est très masculine : l’image de l’amitié masculine, avec une idée sous-jacente : si nous avons le droit de nous faire justice par nous-mêmes, comme dans Le conte de Montecristo», ajoute-t-il en référence à l’autre célèbre roman de l’auteur des « Trois Mousquetaires ». Lorsqu’on demande à ce spécialiste si Dumas a des héritiers dans la littérature actuelle, il ne cite aucun français : « Le véritable descendant d’Alexandre Dumas est Arturo Pérez-Reverte, l’auteur de le club dumas”.

Ce qui est spécifiquement français, dans le mythe des mousquetaires, c’est une série de clichés sur le caractère autochtone. Le plus cité parmi les personnes interrogées pour cette chronique est le panache: le courage, la fougue mêlés à une fierté un peu inconsciente. Cyrano de Bergerac a panache. d’Artagnan aussi.

« C’est une notion un peu surfaite, une façon d’être, un peu révolutionnaire, explique Schopp. “Dans les manifestations de nos jours, il y a quelque chose des mousquetaires, un manque de bon sens.”

Berne précise : “Il y a chez les mousquetaires une camaraderie et une fidélité au roi et à un principe, bien qu’en même temps ils soient libres, farceurs, turbulents.”

Vincent Cassel et Eva Green dans 'Les Trois Mousquetaires : D'artagnan'.
Vincent Cassel et Eva Green dans ‘Les Trois Mousquetaires : D’artagnan’.

Macron, se plaignant il y a quelques années de la réticence des Français à accepter les réformes économiques, a parlé des “Gaulois réfractaires”. Il pensait sûrement à Astérix, mais, selon Bern, il y a aussi chez les mousquetaires “ce côté un peu bravade qui défie l’autorité, tout en étant fidèle à certaines valeurs”.

Il y a du mousquetaire dans les manifestants mais aussi chez Macron, un président qui, comme il l’a avoué à Javier Cercas en janvier dans une conversation pour EL PAÍS, considère qu’au fond, la littérature “seule ce qui compte”. Lui, comme d’Artagnan ou les Balzaciens Rastignac ou Rubempré, c’est aussi un garçon qui débarque à Paris avide de monde et de pouvoir. C’était quelqu’un qui, comme l’écrit Dumas de Monsieur de Tréville, le chef des mousquetaires et lui-même d’origine provinciale, pouvait dire : « Son insolente bravoure, sa joie encore plus insolente même à un moment où les coups tombaient comme la grêle, en haut de ce difficile escalier qu’on appelle la faveur de la cour, et dont il avait gravi les marches quatre à quatre.

Berne, proche du couple Macron, voit dans le président à la fois des traits de Richelieu et de D’Artagnan. Macron-Richelieu, selon Berne : « C’était un personnage brillant et éminent, calculateur. Macron a quelque chose de lui.” Macron-D’Artagnan : « C’est le côté tyran, presque provocateur. “Si tu ne m’aimes pas, je m’en fous.” Tout le monde n’est pas capable de ne pas avoir besoin d’être aimé. D’Artagnan ne cherchait pas non plus à être populaire.

Il y a un trait essentiel de D’Artagnan qui, selon le journaliste Le Fol, manque à Macron : il lui manque une bande, quelques mousquetaires qui l’ont accompagné dans ses combats. Du moins, ils ne sont pas connus. Le noyau de son équipe, c’est lui et sa femme, Brigitte.

Mitterrand a dit un jour au journaliste Jean Lacouture : « Vous devriez savoir que la politique est une histoire de gangs. Le Fol cite la phrase au début de son livre sur Mitterrand et ses amis d’enfance et de jeunesse Pierre de Bénouville, François Dalle et André Bettencourt. C’était une véritable bande de mousquetaires, quatre bourgeois de province qui ont flirté avec l’extrême droite dans les années trente, qui ont connu les ambiguïtés du futur président pendant les années d’occupation et de résistance, et qui, sans jamais rompre le pacte de loyauté qu’ils ont lié eux, ils l’ont aidé à conquérir Paris et le pouvoir en tant que premier chef d’État socialiste de la Ve République. “Dans chaque bande de mousquetaires il y a un patron, et le patron c’était Mitterrand : ils l’ont tous défendu contre les attaques à cause de son passé, parce qu’ils connaissaient ses secrets”, dit l’auteur. “Mon idée était d’expliquer comment un leader politique en France écrit son histoire et construit sa légende.”

L’histoire de Mitterrand est la preuve que le mythe des mousquetaires perdure et détermine la manière dont la politique et l’histoire sont vécues dans ce pays. Bien que les temps changent. Aujourd’hui peut-être un d’Artagnan ou un Mitterrand n’iraient-ils pas à Paris.

“Avant, si on voulait réussir, il fallait conquérir Paris”, résume Le Fol. « Aujourd’hui, les jeunes provinciaux en quête de réussite ne vont pas forcément à Paris. Ils iront dans la Silicon Valley. Ou à Madrid ».

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