L’ancien milieu de Niort, Marseille ou Nice, s’imaginait embrasser une carrière de professeur de gymnastique. Sept saisons de suite à la tête du Clermont Foot, cinq en Ligue 2 puis deux dans l’élite, la seconde achevée dans le top 10, classent aujourd’hui Pascal Gastien parmi les entraîneurs reconnus. Il faisait d’ailleurs parti des cinq nommés pour le titre de meilleur entraîneur de Ligue 1 pour les trophées UNFP, contrairement à Christophe Galtier…
À bientôt 60 ans, Pascal Gastien a, toutefois, décidé d’arrêter dans un an. Humble et disert, il s’en explique et se confie, aussi, sur l’actualité d’un sport auquel il voue, toujours, un sincère attachement.
Deux ans après son accession, Clermont finira au pire 9e de Ligue 1, Ça raconte quoi ?
PASCAL GASTIEN. Pour un club comme le nôtre, la performance est exceptionnelle. On nous prédisait, à juste titre au regard de notre budget, (l’avant-dernier de l’élite devant l’AC Ajaccio)une saison très délicate conclue par quatre rétrogradations. On a déjoué les pronostics.
La ville a toujours vibré pour le rugby. Il est compliqué d’exister dans l’ombre des Jaunards ?
Ça a pu l’être en L 2. Petit à petit, on a commencé à ressentir un frémissement. On a seulement eu la malchance de monter l’année du Covid sans supporteurs (2020-2021). Depuis l’accession, on joue quasiment à guichets fermés à chaque rencontre. Je crois qu’on rend des gens heureux et c’est pour ça que j’aime le foot. Nos dirigeants sont en passe de tenir le pari d’ancrer le club dans la ville. Ils sont là pour s’inscrire dans la durée. Pas pour gagner de l’argent et s’en aller.
À titre personnel, vous étiez nommé parmi les 5 meilleurs entraîneurs de L 1, après avoir remporté à deux reprises le Trophée UNFP en L 2. Est-ce important la reconnaissance de vos pairs ?
Important, non. Flatteur, oui, car on a tous notre part d’ego. À travers ma nomination, on salue le travail d’un staff. Je ne suis pas seul.
Vous avez compris l’absence dans ce quinté de Christophe Galtier pourtant champion de France avec le PSG ?
Même s’il s‘agit d‘un vote démocratique, j’ai été surpris. Clairement, il méritait d’y être comme beaucoup de coachs de L 1, d’ailleurs, aux moyens moins importants. Il est partie prenante dans le titre du PSG. Ce n’est pas un trophée au rabais. Je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter.
À l’été 2021, vous aviez échangé avec Stéphane Moulin à l’aube de découvrir l’élite, puis avec Antoine Kombouaré. Vous êtes le seul des 3 à être assuré d’un banc en août. Ça montre la précarité de ce métier ?
Bien sûr. Tout va très vite dans ce métier plein d‘émotion et de conviction où l’on sert de premier fusible. On dépend en grande partie des joueurs. Michel (Le Zakarian) rencontrait des difficultés à Brest au moment de son éviction à l’automne 2022. Depuis son retour à Montpellier, ses résultats plaident pour lui.
L’enfer du banc, est-ce une légende urbaine ou une réalité ?
Il serait mal venu d’utiliser le mot enfer par rapport, notamment, à tous mes collègues actuellement au chômage. On parle d’un beau métier, mais c’est compliqué. On a des responsabilités, la responsabilité des personnes, d’emplois au club… On est la locomotive du club et si on ne réussit pas, il y a des gros enjeux. Tous les entraîneurs en ont conscience. Il faut être costaud mentalement pour affronter la pression extérieure. Avec Christophe (Galtier)par exemple, on ne fait pas tout à fait le même métier. Quand je vois ce qu’il s’est passé autour de lui cette saison, je me demande si j’aurais été capable de résister à tout ça. Il a beaucoup souffert. Il a été fort. Je lui tire mon chapeau.
Vous ne semblez pas lassé d’entraîner. Est-ce seulement l’envie de profiter davantage de votre famille qui a dicté ce choix de prendre votre retraite à l’été 2024 ?
Tout à fait. Je suis bien ici, entouré de gens bienveillants. Libre de mes actes. Ressentir et procurer des émotions : c’est ce qui m’intéresse. Après, mes petits-enfants grandissent, et mes parents vieillissent aussi. Jusqu’à présent mes deux sœurs s’occupaient d’eux. Je vais assumer ma part. J’ai envie d’être auprès d’eux jusqu’à la fin. C’est toujours mieux de choisir le moment de dire stop plutôt que de se voir dicter le tempo par d’autres personnes. En toute honnêteté, il y a, aussi, des choses que j’ai de plus en plus de mal à accepter.
Lesquelles ?
Voir des joueurs faire la gueule car ils ne jouent pas ou pas assez à leur goût m’est devenu insupportable. Je fais mes choix en mon âme et conscience. La plus grosse difficulté dans ce métier est de retenir 11 joueurs pour débuter le match du week-end. J’essaie juste de bâtir la meilleure équipe pour gagner des matchs. Que les remplaçants vivent mal leur statut, je le sais. Ils n’ont pas besoin de le montrer et encore moins devant l’ensemble du groupe. C’est arrivé ponctuellement cette saison. J’ai alors dû procéder à des mises au point. Heureusement, la très grande majorité des gars me donnent envie d’être avec eux au quotidien. Tout coach aspire à les voir arriver le matin à l’entraînement avec le sourire.
Joueur, vous viviez mal vos passages sur le banc ?
Il m’est arrivé une seule fois d’aller voir mon entraîneur pour lui demander des explications. Il m’a dit : « Je considère que l’équipe est meilleure avec untel qu’avec toi ». Le message est passé et je suis sorti de son bureau.
Ça fait quoi de savoir que dans un an tout s’arrêtera après seulement 3 ans au plus haut niveau ?
Je me concentre sur le court terme avec, déjà, ce dernier déplacement au Parc. Je m’attelle, aussi, à préparer la saison prochaine où il s’agira, une fois de plus, de se maintenir. On ne peut pas parler d’autre chose quand on est à Clermont. Je ne pense pas à l’après. Ça me tombera dessus certainement comme ça. Ça ne m’empêche pas de dormir.
Avec la promulgation de la réforme des retraites en avril, vous avez la garantie de pouvoir vous arrêter en juin 2024 ?
Je n’en suis pas encore sûr. Je vais donc faire comme tout un chacun, je vais me renseigner. S’il faut continuer, je le ferai, mais sinon je ne reviendrais pas en arrière.
Vous n’appréhendez pas le premier jour du reste de votre vie sans le football, ce fil conducteur depuis votre adolescence ?
Des proches me promettent de grosses difficultés. J’ignore encore comment ça va se passer. Je devrais sans doute me trouver une occupation, parce qu’être sur le pont 12 heures par jour aujourd’hui et le lendemain plus rien, c’est un changement important dans une vie.
Puisqu’on parle de la famille. Vous diriez qu’avoir dirigé son fils Johan a été un privilège ou parfois une épreuve en raison de l’inévitable qu’en dira-t-on ?
Plus un privilège. Je l’ai eu avec moi au centre de formation à Niort. Chez les pros ensuite. On se connaît par cœur. Dans la sphère privée, on ne parle pratiquement jamais du club, ni des joueurs. Je fais en sorte de ne pas le mettre en porte-à-faux vis-à-vis de ses partenaires. Il fait sa vie, mène sa carrière. Il me paraît toujours performant. Et tant mieux car ça évite des discussions sur le bien-fondé de sa titularisation. Je ne lui ai jamais fait de cadeaux ni, à l’inverse, cherché des problèmes. J’essaie d’être juste.
Il semble impossible pour un pro d’être défaillant mentalement. Le préparateur mental a-t-il désormais toute sa place dans un club de football ?
On travaille avec un préparateur depuis la saison 2021-2022. J’encourage mes joueurs à le consulter. Au départ la démarche n’est pas simple, car ils le considèrent, davantage, comme un psychologue. Or vous les connaissez : dans leur tête aller en voir un équivaut, presque, à un aveu de faiblesse. Ils n’aiment pas ça. Je fais en sorte d’inverser les choses. Ça ne marche pas trop mal. Si à mon époque j’avais pu y avoir recours, j’aurais certainement été meilleur. Je le leur ai dit. C’est une chance pour eux.
Vous aviez réagi avec virulence à l’éviction de Corinne Diacre en mars en fustigeant l’attitude des frondeuses et le pouvoir qui leur avait été octroyé. Près de trois mois après, la colère est retombée ?
Je ne le digère pas. Ce qu’il s’est passé avec Corinne Diacre est infect et scandaleux. Et je pèse mes mots. Tout le monde s’en fiche peut-être que je sois en colère, mais ce n’est pas un bon exemple à montrer. C’est grave pour la suite, pour notre métier. J’en ai voulu aux personnes qui ont validé cette éviction. La Fédération française a montré de la faiblesse. On jugera dans le futur du bien-fondé ou pas de cette décision. Je ne parle pas de la Coupe du monde. En Espagne, les dirigeants ont été beaucoup plus forts dans une situation analogue. J’ai défendu Corinne comme j’aurais soutenu n’importe lequel de mes collègues en pareil cas. Je lui ai succédé ici en 2017. On a passé notre DEPF ensemble. Elle est devenue une amie.
2023-06-03 11:09:00
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