Critique : Roman passionnant et sensible sur Karin Lannby

Critique : Roman passionnant et sensible sur Karin Lannby

romain

Lennart Hagerfors

“Pas de retour en arrière. Un roman sur Karin Lannby : rebelle, poétesse, espionne”

Weiler, 304 pages

“La combinaison de la conviction idéologique et du sens de l’aventure – parfait !” Jan Guillou a l’air d’un enfant de cinq ans heureux lorsqu’il arrive à prononcer les mots sur Karin Lannby, dans la série documentaire “La guerre mondiale des agents – Jan Guillou raconte”. Il se blottit : « C’est un idéal agent, le meilleur qui soit. Karin est la meilleure des meilleures!”

Lennart Hagerfors n’est pas Guillou. Son style est plus calme, moins emphatique et plus attentionné. Au début du roman, nous rencontrons Karin Lannby dans un appartement de banlieue parisienne. Elle est vieille maintenant et repense à sa vie. On entrevoit les possibilités de la forme mémoire : « par l’écrit, refaire le chemin de ma vie. C’est le seul moyen de retour. »

Mais, comme le roman comme le titre l’indique, il n’y a vraiment pas de retour en arrière. Cette certitude, à la fois mélancolique et douce-amère, plane comme un léger brouillard sur le roman documentaire de Hagerfors. Il laisse Lannby raconter sa vie, dès l’âge de seize ans. Au lieu, comme presque tout le monde de nos jours, d’utiliser le présent historique pour créer une tension dans la prose, Hagerfors s’en tient au passé. C’est-à-dire qu’il écrit : « Je me suis assis sur le sol en ciment, appuyé contre le mur de la cellule et j’ai attendu ce qui allait arriver. Non : “Je suis assis sur le sol en ciment, appuyé contre le mur de la cellule et j’attends ce qui va se passer.”

La prise crée de la distance, mais aussi de la liberté. Dans le débat en cours sur l’authenticité, la fiction et l’utilisation de destins humains réels dans les romans, je pense que Hagerfors maintient un niveau éthique respectueux. Lorsque Lannby, via la fiction de Hagerfor, raconte des parties de sa vie vraiment dramatique, elle fait ce que j’imagine qu’une diva vieillissante ferait. Avec un peu de plaisir pharisaïque, un peu d’épissage peut-être et une perspective rétrospective sur les événements traumatisants.


Karin Lannby est née à Stockholm en 1916 et décédée à Paris en 2007. Suivre l’histoire de sa vie, c’est comme traverser les moments les plus importants du XXe siècle.

Déjà adolescente, elle s’engage dans la lutte antifasciste. Elle entre rapidement dans le cercle intime de la jeune Clarté socialiste. S’installe à Barcelone, crée des réseaux, lance des actions. A dix-neuf ans (!), elle assiste à un congrès d’écrivains à Paris et rencontre, entre autres, “Brecht, Musil, les frères Mann, Gide, Malraux, Ehrenburg et Breton”. L’année suivante, elle obtient un recueil de poèmes accepté à Norstedt.

Elle participe à la guerre civile espagnole, construit des hôpitaux de campagne et affronte la mort sous toutes ses formes. De retour chez elle, elle écrit des articles culturels, traduit de plusieurs langues, travaille sans cesse. Le réalisateur Luis Buñuel lui rend visite, elle reçoit une formation d’espionne, est envoyée au Pays basque, jetée en prison. S’enfuit en France. Est récupérée par la mère qui la place à l’hôpital psychiatrique de Långbro. Lorsqu’elle est libérée, la Seconde Guerre mondiale commence.

Le talent social de Lannby, sa compétence multilingue, sa disposition intrépide et son éducation de la haute société en font un caméléon magistral. Elle peut s’infiltrer dans la plupart des contextes et est bientôt contactée par “C-byrån”, le service de renseignement de l’état-major de la défense militaire suédois.

Comme si non suffirait, elle se lie avec un jeune Ingmar Bergman, qui rompt ses fiançailles pour elle.

Énumérer toutes les sensations de la vie de Karin Lannby prendrait trop de place, je tiens tout de même à mentionner qu’elle a été active comme comédienne tant au théâtre qu’au cinéma. Elle s’est mariée une première fois avec un marin russe, la deuxième fois avec un “prêtre ouvrier” catholique français et a pris son deuxième prénom comme prénom tout au long du mariage. Quand elle est morte, c’était marqué Maria Bouyer sur le passeport.

La rencontre entre Karin Lannby, “rebelle, poète, espionne”, et le prosateur discret Lennart Hagerfors, qui énonce honorablement ses sources à la fin, aboutit à un roman capricieux qui s’achève dans une paix harmonieuse. C’est une dramaturgie bien connue des premiers romans de Hagerfors, mais dans le cas de Karin Lannby, le contraste entre sa jeunesse aventureuse et sa vieillesse tranquille est intéressant.

Karin Lannby était une agente idéale, selon Jan Guillou.


Photo : Eva Tedesjo

Moi Anders Thunbergs La biographie de Lannby, que Hagerfors remercie également à la fin, est sous-titrée : « Ingmar Bergman’s Mata Hari ». Lorsque PO Enquist a fait la critique du livre dans l’Expressen (3/11-09), sa vision de Lannby était mesurée : “participé à la guerre civile espagnole, capturé par la milice franquiste, s’est échappé en jouant probablement une prostituée, d’innombrables contacts avec des noms européens célèbres de Cocteau à Camus. Actrice sans succès.

Chez Hagerfors, elle devient encore un être humain. On ne s’en approchera pas vraiment, mais c’est infiniment excitant à écouter. Je pense que je suis assis dans un vieux fauteuil d’un appartement parisien où vit une vieille Maria Bouyer. Elle pourrait fumer une cigarette, probablement prendre une gorgée de vin. Puis elle commence à raconter.

Lisez plus de textes d’Anna Hallberg et d’autres dans les critiques de livres de DN

2023-06-13 12:33:16
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