‘Asteroid City’: le meilleur Wes Anderson revient à ses racines extraterrestres avec un arrêt à Chinchón | Culture

‘Asteroid City’: le meilleur Wes Anderson revient à ses racines extraterrestres avec un arrêt à Chinchón |  Culture

2023-06-16 06:15:00

Les films de Wes Anderson ne peuvent être faits que par Wes Anderson et dans cette évidence sont contenues sa singularité et les philias et phobies provoquées par l’un des rares cinéastes contemporains qui soient en eux-mêmes un genre et une esthétique. Ville d’astéroïdes, Le nouveau film de ce Texan féru de costumes en velours côtelé et de la vie européenne est le retour aux sources d’Anderson à travers l’imaginaire du désert occidental et ses mirages extraterrestres.

Dans son film précédent, le vaste et épuisant La chronique française (2020), un personnage « étranger » disait : « Nous cherchons quelque chose qui nous manque, il nous manque quelque chose que nous laissons derrière nous ». En regardant dans le rétroviseur, Anderson a trouvé ce “quelque chose” dans un théâtre de curiosités rétrofuturistes où son état d’esprit égocentrique voyage à la vitesse de Coyote et Road Runner, personnages mythiques du Looney Tunes (« Bip, bip ! »), mais guidé par la mélancolie existentielle des dessins animés de Charlie Brown, une de ses éternelles références.

Ville d’astéroïdes traverse une certaine mémoire de l’innocence américaine des années cinquante à travers deux lieux qui semblent contenir l’idée idéalisée d’un pays que le réalisateur de l’inoubliable Royaume du lever de la lune (2012) observe de sa distance perplexe. Au cœur du film se trouve le décor désertique, ce pourrait être le Nevada, avec ses légendes d’ovnis et ses échos du folklore occidental. De l’autre côté se trouve l’Orient, concentré dans les coulisses du théâtre new-yorkais de Broadway où ce désert est représenté, un espace qui évoque parfois l’atmosphère du mythique Acteurs Studio. La couleur saturée est réservée à l’œuvre qui se déroule dans nulle part et le noir et blanc à la scène où se dessine cette fonction d’enfants je-sais-tout, de parents solitaires et d’extraterrestres désemparés. Ce sont deux scénarios antagonistes unis par un narrateur de télévision qui tire les ficelles de toutes les marionnettes.

Un infatigable défilé de stars parcourt ces trois pistes, pour la plupart des complices réguliers au cinéma de ce réalisateur féru de maisons de poupées et d’avions à la plume. Un casting qui connaît bien un style de, pardon l’oxymore, verbiage télégraphique sur fond de décors qui absorbent tout. Une fois de plus, le cinéaste utilise un firmament de grands noms pour camoufler ses idées et ses émotions sibyllines.

Après avoir parcouru le monde, de l’Europe de l’Est à Le Grand Budapest Hôtel (2014) au Japon en île aux chiens (2018)―, Ville d’astéroïdes a beaucoup de retour à la maison. Anderson, créateur fétichiste et perfectionniste, recherche le fantasme de sa terre à partir d’un décor imaginaire dans la ville de plateau madrilène de Chinchón et peut-être pour cette raison cette friche d’expériences nucléaires, l’esthétique des familles tupperware et adolescents cum laude contient un mystère intime.

Sans la solitude des enfants prodiges, l’essence du cinéma de Wes Anderson n’existerait pas, et dans ce désert teinté de bleu turquoise, de coraux, de bruns et de jaunes, arrivent une série de familles, attirées par une convention scolaire pour futurs astronomes.

À 54 ans et avec onze films derrière lui, l’amour complexe d’Anderson pour le jeu des poupées russes se transforme en Ville d’astéroïdes. Un décor dans un autre décor et un autre jusqu’à configurer une mosaïque de mini-histoires, souvenirs, chansons et symboles si fermés sur eux-mêmes que le spectateur risque parfois de rester de l’autre côté du miroir. Mais le noyau central du film, ce vide dans le vide d’un désert qui n’est même pas ce qu’il est, est d’une imagination si étrange, fertile et puissante qu’on ne peut qu’être enlevé par sa beauté étrangère.

VILLE D’ASTEROÏDE

Adresse: Wes Anderson.

Interprètes : Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Bryan Cranston, Adrien Brody, Tilda Swinton, Margot Robbie, Matt Dillon, Edward Norton.

Genre: comédie. États-Unis, 2023.

Durée: 104 minutes.

Première : 16 juin.

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