Le rôle de la France dans la crise nigérienne et ses influences dans la CEDEAO

Le rôle de la France dans la crise nigérienne et ses influences dans la CEDEAO

Il ne faut pas faire l’apologie du coup d’État ! Cependant, il est nécessaire de critiquer les actions et arguments de la France. Les propos et gestes de Paris sont très hostiles envers la junte du Niger et, en principe et étant donné son manque de légitimité, elle est aussi affreuse ou vilaine que ses copies conformes du Burkina et de Birmanie.

L’Élysée et le Quai d’Orsay sont tellement en colère contre le putsch de Niamey que Macron et Colonna ne se satisfont plus de manipuler les ficelles grosses comme des câbles. Le président français et son ministre des Affaires étrangères utilisent sans gêne les catapultes (comme sur un porte-avions) pour envoyer les contingents de la CEDEAO sur le territoire nigérien.

La ligne rouge est franchie avec les manœuvres qui ont conduit à l’invitation du Général Mahamat Déby au sommet d’Abuja. Si l’humour était de mise dans l’antichambre de l’enfer imminent et au seuil du chaos certain, on pourrait dire que la France et le Tchad sont respectivement le seizième et le dix-septième État membre de la CEDEAO.

Malheureusement, l’impact négatif et les conséquences désastreuses de l’influence de la France sont déjà perceptibles dans les divisions et les fractures au sein de la CEDEAO. Le Mali, le Burkina et la Guinée-Conakry s’opposent à l’option militaire et se préparent à rompre leurs liens avec le bloc ouest-africain. En revanche, l’Union européenne (UE) se positionne fermement en faveur du Niger. Dommage pour les Africains : éternellement divisés et éternellement dominés !

En ce qui concerne les arguments relatifs au coup d’État du général Tchani, la France se trouve dans une impasse d’incohérences et d’inconséquences. En avril 2021, le président Emmanuel Macron se rend à Ndjaména pour assister et/ou installer le général Mahamat Idriss Déby, chef de la DGSSIE (Garde présidentielle), à la tête de l’État et de la transition au Tchad. En août 2023, l’Élysée mobilise la CEDEAO et la communauté internationale contre le commandant de la Garde présidentielle du Niger.

Pourtant, tous les deux – Déby comme Tchani – ont outrepassé le président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, le ministre de la Défense et le chef d’état-major pour prendre le contrôle du pays. Dans quel pays normal le chef de la Garde présidentielle remplace automatiquement le chef de l’État après sa mort ou son empêchement ? Réponse : le Tchad. Avec le soutien actif de la France. Le général Diendéré, chef du défunt RSP de Blaise Compaoré, n’a pas eu cette chance. Il est en prison.

En Afrique de l’Ouest, le “deux poids, deux mesures” de Paris est encore illustré par le coup d’État du colonel Doumbouya. La France le condamne mollement mais coopère fructueusement. En Guinée, la Première dame est une gendarme française. Ah, si le général Tchani avait une épouse française ! Le 14 juillet dernier, l’ambassadeur de France à Conakry, Son Excellence Marc Fonbaustier, a prononcé un discours lyrique devant le Premier ministre guinéen. Même feu Sékou Touré, qui a humilié Charles de Gaulle en septembre 1958, y a reçu des éloges. En bref, l’ordre constitutionnel et la légitimité ne sont pas les principales préoccupations de la France en Afrique.

Ce qui est inquiétant dans la crise nigérienne, ce sont les arguments juridiques et agressifs exprimés par des voix autorisées en France. En effet, le gouvernement français estime que la junte du général Tchani n’a pas légitimité pour exiger la fin de la coopération militaire et le départ des 1500 soldats français.

Cet argument est très faible lorsque l’on sait que l’opération SERVAL (précurseur de l’opération BARKHANE) a été lancée en 2013 à la demande et sur la base d’un document signé par un président non élu, en l’occurrence Dioncounda Traoré, installé à la tête d’une transition issue du coup d’État du capitaine Sanogo, qui a renversé le président légitime ATT en mars 2012. À cette époque, l’ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer, se rendait souvent à Kati pour discuter avec le capitaine et putschiste Sanogo.

Un document antérieurement antidaté et trafiqué par les conseillers de François Hollande, comme l’a révélé le journal français “Le Monde”. De plus, c’est un autre président malien (non encore élu), le colonel Assimi Goïta, qui a exigé et obtenu les départs successifs de BARKHANE et de la MINUSMA. Sans accrocs. La leçon de Mirabeau – “On peut tout soutenir, sauf l’inconséquence” – est toujours présente dans nos esprits d’anciens élèves de l’école coloniale.

Si l’armée française refuse de quitter le Niger, elle se transformera de fait en une force d’occupation, voire de colonisation. Cela réveillera le sinistre souvenir du général Gallieni à Madagascar ou du colonel Dodds au Dahomey. Le Niger prendra alors l’apparence et les couleurs d’une Nouvelle Calédonie du Sahel. Et Macron pourra nommer le général De Saint-Quentin ou le général Gomart comme proconsul de la France. À l’instar du général américain Mac Arthur dans le Pacifique-Japon.

En réalité, la France cherche à la fois à pousser le général Tchani à commettre une faute et à trouver un prétexte pour entrer en guerre, en fournissant une logistique décisive aux soldats de la CEDEAO. En effet, tant que l’armée nigérienne n’est pas chassée de l’aéroport de Niamey, les troupes de la CEDEAO seront sérieusement confrontées à l’immensité du territoire nigérien et aux obstacles de l’atterrissage ou de l’assaut. De plus, les axes terrestres les plus proches et les plus directs vers la capitale passent par le Burkina et le Mali, deux pays solidaires de la junte.

En conclusion, les observateurs, analystes et journalistes des pays membres de la CEDEAO sont attristés d’entendre les radios étrangères se réjouir du mandat robuste accordé aux forces ouest-africaines mobilisées.

Encore une fois, rappelons qu’en trente ans de déploiement, la MONUC/MONUSCO n’a jamais reçu de mandats robustes de l’ONU, car les soldats péruviens, pakistanais et népalais ne sont pas prêts à mourir pour la paix en République démocratique du Congo. Il en va de même pour la MINUSMA, qui n’a pas de mandats robustes au cours de ses dix années de présence au Mali. Mais pour abattre les camarades nigériens issus des mêmes promotions, les soldats africains sont rapidement dotés de mandats robustes.

Par Babacar Justin NDIAYE

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