Critique de la représentation des “Noces de Figaro” à Salzbourg en 2023

Critique de la représentation des “Noces de Figaro” à Salzbourg en 2023

Plus de détails Salzbourg. Maison pour Mozart. 5-VIII-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Les Noces de Figaro, opéra d’après un livret de Lorenzo da Ponte. Cadre : Martin Kušej ; scénographie : Raimund Orfeo Voigt ; costumes : Alan Hranitelj. Avec : Andre Schuen (Il Conte), Adriana Gonzalez (La Contessa), Sabine Devieilhe (Susanna), Krzysztof Bączyk (Figaro), Lea Desandre (Cherubino), Kristina Hammarström (Marcellina), Peter Kalman (Bartolo), Manuel Günther (Basil ). ), Andrew Morstein (Don Curzio), Serafina Starke (Barbarina), Rafał Pawnuk (Antonio). Salle de concert Staatsopernchor de Vienne ; Philharmonie de Vienne ; mise en scène : Raphaël Pichon Trois chanteurs seuls, Sabine Devieilhe, Andrè Schuen et Lea Desandre, sauvent un peu une soirée orchestralement et scéniquement indigente. La programmation lyrique du Festival de Salzbourg s’est attiré une polémique par le choix convenu de metteurs en scène tous masculins, tous programmés à longueur de saison partout en Europe, et presque tous au moins sexagénaires. Il n’y a certes rien de honteux à permettre à de grands artistes reconnus de poursuivre leur œuvre, mais c’est l’honneur et la responsabilité d’une institution aussi ambitieuse que Salzbourg de réussir à obtenir d’eux leurs meilleurs spectacles. Tout autant qu’avec Christof Loy dans Orphée de Gluck, le spectacle de Martin Kušej est à l’opposé de cette légitime demande. Directeur du Burgtheater à Vienne, Kušej est l’un des hommes de théâtre les plus puissants du monde germanique, et on a pu voir de lui, y compris en France, des spectacles d’une puissance émotionnelle rare, mais plus souvent au théâtre qu’à l’opéra. Ce qui frappe d’abord dans ce spectacle, ce sont les décors. Multiples, en perpétuelle évolution, au risque de fragmenter l’attention par des noirs récurrents : comme les effets spéciaux dans un film hollywoodien d’aujourd’hui, ces décors semblent être la seule chose qui compte, et tant pis pour les personnages et pour la narration. Martin Kušej a visiblement eu à sa disposition un budget considérable, mais il est dépensé en vain. Au beau milieu du finale du deuxième acte on passe de la buanderie au local poubelles où le comte enferme les suspects : les traditionalistes s’indigneront devant cette trivialité, mais le problème n’est pas là. Le choix d’une vision noire, où la violence des armes est omniprésente dans un milieu de gangsters et où tout un chacun recourt à des substances variées pour tenir le coup, n’est pas nécessairement un mal, la surimposition d’un récit pourrait tout à fait se justifier s’il avait la densité de ceux créés par exemple par Dmitri Tcherniakov. Ici, l’œil se fatigue vite dans cette succession de tableaux : les décors successifs de Raimund Orfeo Voigt ne suffisent pas à créer un récit, ils n’offrent même pas d’espaces théâtraux intéressants, quand bien même ils font image comme le gigantesque bar qui apparaît à plusieurs reprises. Pendant son air, le comte se fait rhabiller par une prostituée seins nus ; pendant la scène de cache-cache de l’acte I, Kušej prend un malin plaisir à rendre impossibles les situations décrites par le livret et la musique : il met incontestablement sa marque sur l’œuvre, mais ce petit jeu s’épuise vite. Comment un si grand artiste peut-il rater à ce point un spectacle ? Cela valait bien la peine dans ces conditions de faire subir au livret des dizaines de petites corrections textuelles, sans parler de coupures parfois brutales dans des récitatifs pourtant remarquablement écrits. Pas d’Espagne ni de Séville, pas de cousinage entre Barbarina et Susanna, et même, bizarrement, pas d’œillets (œillets) pour recevoir la chute de Chérubin : pourquoi de tels maniérismes inutiles ? Le Mozart plombé du Philharmonique de Vienne Les choses ne vont pas mieux en fosse. Raphaël Pichon se retrouve étrangement associé à l’Orchestre philharmonique de Vienne. À Salzbourg du moins, celui-ci a une relation complexe à Mozart qui n’y est pour ainsi dire jamais au programme de ses concerts. À l’opéra même, il a dû laisser la place à MusicAeterna pour La Clémence de Tite, Idoménée et Don Giovanni avec Teodor Currentzis depuis 2017 : à entendre le résultat, il eût mieux valu que cette distance subsiste, même si la présence de Currentzis, étrangement tolérée à Salzbourg pour quelques concerts, n’est désormais plus acceptable en raison de ses liens étroits avec la dictature russe. Bien sûr, chaque soliste, chaque pupitre atteint la perfection instrumentale, c’est bien le moins, mais il n’y a aucune vie dans ce qui sort de la fosse. Les cordes épaisses, monochromes, semblent engloutir les vents et interdire tout dialogue polyphonique. Raphaël Pichon semble avoir tout au plus le choix des tempi, mais même là où il tente de sortir de l’ordinaire il ne parvient pas à réveiller notre intérêt. L’orchestre, visiblement, ne veut rien entendre des décennies de recherches sur les pratiques musicales du XVIIIe siècle (pourquoi, alors, avoir accepté Raphaël Pichon pour le diriger ?), mais il suffit d’écouter le tout premier enregistrement des Noces de Figaro à Salzbourg, celui dirigé par Bruno Walter avec le même orchestre en 1937, pour voir qu’aucune tradition ne peut justifier cette pesanteur et cette emphase. Seuls quelques chanteurs sortent la soirée de la torpeur, aux côtés d’une troupe un peu anonyme dans les rôles secondaires. Ce n’est pas le cas de la Comtesse indifférente et sans charisme d’Adriana González, qui plus est plombée par une diction floue ; le Figaro de Krzysztof Bączyk a une certaine vivacité et une voix pleine de couleurs, mais il peine à résister à l’orchestre dans ses airs : on attendra un contexte plus favorable pour se faire une idée de toutes ses capacités. En Susanna, Sabine Devieilhe, du moins, réussit à faire vivre son personnage, sans afféteries, mais avec beaucoup de rythme et de conviction ; le volume de sa voix qui nous a souvent paru confidentiel semble ici sauvé par une capacité de projection qu’on ne lui connaissait pas. C’est aussi le cas de Lea Desandre, remarquable Cherubino attachant et drôle, au timbre caractéristique et à la diction expressive. Le plus remarquable, cependant, est le Comte d’Andrè Schuen : lui aussi souffre un peu pendant son air, mais il y a du rythme, de l’humour, une précision dans la note et le mot qui font mouche. Crédits photographiques : © SF/Matthias Horn (Visité 1 fois, 1 visites aujourd’hui) Plus de détails Salzbourg. Maison pour Mozart. 5-VIII-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Les Noces de Figaro, opéra d’après un livret de Lorenzo da Ponte. Cadre : Martin Kušej ; scénographie : Raimund Orfeo Voigt ; costumes : Alan Hranitelj. Avec : Andre Schuen (Il Conte), Adriana Gonzalez (La Contessa), Sabine Devieilhe (Susanna), Krzysztof Bączyk (Figaro), Lea Desandre (Cherubino), Kristina Hammarström (Marcellina), Peter Kalman (Bartolo), Manuel Günther (Basil ). ), Andrew Morstein (Don Curzio), Serafina Starke (Barbarina), Rafał Pawnuk (Antonio). Salle de concert
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