L’achat de claims miniers: une stratégie pour tenir les prospecteurs à distance au Québec

L’achat de claims miniers: une stratégie pour tenir les prospecteurs à distance au Québec

Dans plusieurs régions du Québec, de plus en plus de citoyens achètent des titres miniers pour tenir à distance les prospecteurs, qui ont étendu leurs activités au cours des dernières années. Au printemps dernier, dans quatre municipalités de la Mauricie, 53 citoyens ont acheté 165 claims, tandis que deux organismes à but non lucratif en ont acheté 61, pour un total de 226. Le conteur Fred Pellerin a financé l’acquisition d’une partie de ces claims. Un claim est un titre qui donne à son détenteur le droit exclusif de rechercher des substances minérales sur un territoire donné. On compte actuellement environ 300 000 claims actifs au Québec, soit près du double par rapport à il y a cinq ans.

Tout a commencé avec un hélicoptère. En mars, des citoyens ont été surpris de voir un hélicoptère survoler trois municipalités situées à proximité du parc national de la Mauricie. Mandaté par une firme d’exploration minière, l’appareil effectuait des levés géophysiques pour connaître la composition du sous-sol. Douze ans auparavant, un autre survol en hélicoptère avait incité les citoyens et les élus à mobiliser afin de convaincre les entreprises minières de quitter la région. Mais elles étaient revenues. Une courte recherche dans le répertoire en ligne du gouvernement a permis de constater qu’une grande partie du territoire de Saint-Élie-de-Caxton et de Saint-Mathieu-du-Parc était couverte de claims. “C’est moi qui ai informé Fred Pellerin qu’une partie de sa terre était claimée, comme la mienne l’est. Il m’a demandé ce qu’on pouvait faire. Je lui ai répondu qu’un claim pouvait être acheté soit par une entreprise, soit par un particulier. C’est à ce moment-là que Fred a acheté deux claims et les gens ont commencé à acheter des claims dans notre région. C’est un moyen de protéger son territoire”, raconte Gilbert Guérin, président du comité “Creuse pas dans mon Caxton”.

L’achat d’un claim ne nécessite qu’une connexion internet et une carte de crédit. Son prix est de 73,25$ par claim. “Ici, c’est la nature et la culture, poursuit M. Guérin. Est-ce qu’on va sacrifier cela pour une mine de nickel ?”

Depuis 2013, les municipalités régionales de comté (MRC) peuvent demander au gouvernement de déclarer une partie de leur territoire “incompatible avec l’activité minière”, mais plusieurs élus estiment que ce statut est difficile à obtenir. “L’achat de claims est un moyen d’exprimer clairement notre mécontentement et la faiblesse de nos moyens pour défendre nos territoires”, explique Charline Plante, mairesse de Saint-Élie. “Nous voulons trouver des solutions à long terme pour que les municipalités touchées par le développement minier ne soient pas obligées d’acheter des claims comme nous avons dû le faire”, ajoute-t-elle.

Pour s’assurer d’être bien compris par l’industrie minière, Saint-Élie et les municipalités avoisinantes s’apprêtent à envoyer aux entreprises minières qui détiennent encore des claims dans la région des lettres signées par des centaines de résidents, stipulant qu’aucune activité d’exploration ne sera tolérée.

En Outaouais également, des citoyens repoussent les entreprises minières en achetant des claims depuis plus de dix ans. “En 2011, nous avons réussi à faire en sorte que la compagnie minière qui détenait les claims les abandonne. Ensuite, nous avons décidé de nous comporter comme une entreprise minière et de revendiquer le territoire de notre lac”, relate Jean Daoust, expert en télédétection et président de l’Association des propriétaires du lac Viceroy.

Selon lui, il est nécessaire de protéger les trésors naturels du Québec contre notre propre gouvernement. “Le gouvernement aurait dû profiter de l’occasion pour imposer un moratoire sur l’achat de claims. Quel message envoie-t-on aux entreprises minières ? Dépêchez-vous de revendiquer ! Un claim peut être renouvelé pendant des années”, déplore Louis St-Hilaire, porte-parole de la Coalition québécoise des lacs incompatibles avec l’activité minière.

Le lobby de l’industrie minière prétend que l’achat de claims par des citoyens pour repousser les entreprises minières ne sert à rien. “Pour avoir accès à un terrain, une entreprise doit absolument avoir un accord écrit avec le propriétaire, même si elle détient un claim”, affirme Alain Poirier, directeur de projets à l’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ). Selon lui, l’acquisition de claims par des entités non minières va à l’encontre du principe des titres miniers, qui vise à améliorer la connaissance géologique du Québec.

Environ 10% du territoire québécois est actuellement couvert par des claims, contre 5% il y a cinq ans et 8% en 2011, selon l’AEMQ. Environ 95% des travaux d’exploration minière sont réalisés en Abitibi-Témiscamingue, à Eeyou Istchee Baie-James et dans le Nord-du-Québec. Seulement 1360 des 265 000 claims actifs font l’objet de forages ou d’autres activités mécaniques.

Le principal obstacle au développement minier est le “pas dans ma cour”, estime M. Poirier. “En fait, les gens veulent tout protéger. Pour beaucoup, c’est simplement : “nous ne voulons pas de mine”. Cela n’a rien à voir avec un projet en particulier. C’est une question de perception. Nous voulons tous les produits qui proviennent des mines pour notre vie quotidienne, mais nous ne voulons pas de mines.”
#Ils #achètent #des #titres #miniers #pour #repousser #les #prospecteurs
publish_date]

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.