Le dépistage du cancer ne prolonge guère la vie

Le dépistage de la population pour détecter le cancer n’est pas efficace. Seul le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie permet de prolonger la vie.

C’est la principale conclusion d’une méta-analyse de Michael Bretthauer et al., publiée dans JAMA Internal Medicine. Les auteurs ont inclus 18 ECR (dont un réalisé aux Pays-Bas) évaluant la mortalité toutes causes confondues et estimant le gain d’espérance de vie pour 6 formes de dépistage couramment utilisées : le dépistage du cancer du sein par mammographie ; coloscopie, sigmoïdoscopie et RSOS pour le cancer colorectal ; dépistage par scanner du cancer du poumon chez les fumeurs et anciens fumeurs et mesure du PSA pour le cancer de la prostate. Au total, cela concernait les données de plus de 2,1 millions de patients. Le suivi médian pour la tomodensitométrie, le PSA et la coloscopie était de 10 ans ; 13 ans pour la mammographie ; et 15 ans pour la sigmoïdoscopie et la RSOS. Le seul dépistage avec une prolongation significative de la vie s’est avéré être la sigmoïdoscopie : environ 3 mois. La prolongation de la vie grâce aux autres formes de dépistage était inexistante ou du moins extrêmement incertaine.

Qu’est-ce qui se passe ici? Selon Bretthauer et al., le dépistage du cancer, comme la plupart des interventions médicales, apporte des avantages, mais peut aussi nuire. Par exemple, en raison d’une perforation et d’un saignement lors du dépistage du cancer colorectal, mais également en raison d’un diagnostic et d’un traitement de suivi, comme une intoxication sanguine due à

biopsie transrectale dans le dépistage du cancer de la prostate ou des complications chirurgicales, radiothérapie et chimiothérapie. Cela peut même signifier une mort prématurée pour certains. Aussi parce que, par exemple, on estime que le cancer du sein est surdiagnostiqué à 20 pour cent et donc surtraité.

En outre, les patients atteints de cancer souffrent souvent d’autres maladies, c’est-à-dire qu’ils sont porteurs de possibles « causes concurrentes de décès ». Par conséquent, l’absence de prolongation significative de la vie due au dépistage du cancer peut être due au décès dû à ces autres facteurs.

Selon Bretthauer et al., ces résultats suggèrent que la plupart des individus ne verront aucun gain de longévité grâce au dépistage du cancer. Cela ne change rien au fait que le dépistage au niveau individuel peut bien sûr avoir un effet de prolongation de la vie, admettent-ils : certains patients seraient peut-être morts d’un cancer s’il avait été découvert seulement à un stade ultérieur et incurable.

Mais leur raisonnement est essentiellement un exemple de philosophie utilitariste : selon eux, il faut comparer – au niveau de la population – le gain cumulé (allongement de la longévité grâce au dépistage) avec la perte cumulée due aux dommages résultant du dépistage. Et le résultat n’est pas ou peu équilibré. Ils comparent cela à l’utilisation de l’aspirine pour la prévention primaire des maladies cardiovasculaires et du cancer : 0,6 décès de moins pour 1 000 années-personnes. Avec de tels chiffres, l’aspirine n’est pas recommandée comme prévention primaire du cancer, notent-ils, précisément en raison d’effets positifs trop faibles et d’effets secondaires tels que des saignements. Pourquoi effectueriez-vous un dépistage ? D’un autre côté, considérons la chirurgie bariatrique comme une procédure visant à prévenir les maladies liées à l’obésité et les décès prématurés chez les personnes obèses. Cela prolonge la vie de pas moins de 3 ans, selon une étude récente avec un suivi de 24 ans. Le dépistage du cancer est loin d’être à la hauteur.

Et puis il y a un dernier point : au-delà de la vie gagnée ou perdue grâce au dépistage, la qualité de vie est importante. Mais les QALY sont notoirement difficiles à mesurer et à interpréter, affirment les auteurs. Dans la mesure où ils ont été couronnés de succès, suggère une analyse récente des QALY après un dépistage par mammographie en Norvège, le résultat a malheureusement été négatif.

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