Le cercle vicieux du harcèlement au travail qui conduit à la retraite anticipée

Le cercle vicieux du harcèlement au travail qui conduit à la retraite anticipée

J’adorais mon travail au Parlement wallon. J’aimais le Parlement tout court. Je ne voulais pas partir si tôt à la retraite. Je me voyais travailler jusqu’à 65 ans“, a déclaré Caroline. “Pourtant, pour des raisons médicales, elle s’est retrouvée à la retraite plus de 10 ans avant l’échéance. La même situation s’est produite pour Anne-Marie, qui a également été contrainte de prendre sa retraite prématurément il y a quelques années, sans l’avoir demandé. “Ce boulot, je l’adorais ! C’était 20 ans de ma vie. J’y pense tous les jours.”

Cette mise à la retraite a été plus qu’un déchirement. ” (lire son récit ci-dessous : “C’est un processus de dégradation calculé”)

cercle vicieux dont on ne se relève jamais tout à fait”

. “La paix 15 jours, et puis ça recommence…”Les journées à rallonge, le boulot qu’on ramène à la maison, les nuits courtes, les exigences d’un greffier…

Ce n’est pas un problème. C’était déjà comme ça avec le prédécesseur de Frédéric Janssens, Jean-Claude Damseaux. On a toujours travaillé dans l’urgence. Et personne ne s’en plaignait.” Frédéric Janssens prend ses fonctions en 2009. ” Qu’il ait voulu façonner les services à sa façon, ce n’est pas illogique,note d’emblée Caroline.

Mais il y a une façon de faire.

Anne-Marie et Caroline confirment ce que d’autres témoins ont déjà pu raconter : au début, ça se passe bien. Les deux femmes occupent des postes à responsabilité. Elles sont reconnues pour leurs compétences. Il arrive même que le greffier les complimente. “

Et puis, le lendemain, on reçoit un mail assassin, pour des interlignes ou pour une virgule. Ou une note vous revient barrée de rouge, avec un Post-it troué par le bic, pour bien montrer qu’il est énervé“.Caroline évoque quelque chose d’insidieux. “

On le voyait opposer les gens les uns aux autres, encourager les nouveaux à la délation. Il y avait toujours une menace sous-jacente. Et on était nombreux à le ressentir.Et puis, ce qui est la norme un jour ne l’est plus 15 jours plus tard. Les injonctions contradictoires se multiplient. “Il me demande qui m’a autorisée à aller à tel colloque, me reprochant mon absence ce jour-là. L’autorisation, je l’avais sous les yeux noir sur blanc et c’est lui qui me l’avait donnée…” se souvient Anne-Marie. “

Il m’enjoint de remplir certaines tâches qu’il me reproche ensuite de faire aboutir. Il me tombe dessus furax parce que je respecte une procédure qu’il m’avait recommandée de suivre un mois plus tôt. Il vous fiche la paix 15 jours, puis ça recommence. Son comportement peut changer en une fraction de seconde. Comme ça en permanence. Vous devenez fou…

“, raconte Caroline. “Je vais m’enfuir“. Elle n’est pas devenue folle. ” Mais la peur était là tout le temps. Je me sentais nulle. Je ne dormais plus la nuit, parce que je passais en revue ce que j’avais fait pendant la journée, en me demandant ce qu’il allait me reprocher le lendemain. Je vérifiais tout quatre fois. Je n’avais plus jamais l’esprit tranquille. Je pleurais tout le temps. Quand j’arrivais au bureau, je me disais : “je vais m’enfuir”. Comme un petit enfantse souvient-elle avec émotion.

Si je devais revivre ça, je crois que je préférerais mourir. C’était abominable. Un matin, alors qu’elle revient de trois jours de congé de maladie, elle se gare dans le parking. ” Je suis sortie de la voiture, j’ai fait dix pas… Je n’ai plus pu avancer. Ça me semblait insurmontable de revenir.Je ne voyais pas d’issue. J’étais sûre que j’allais

tomber malade.

Et la maladie était bien là, à l’affût. On lui diagnostiquera deux pathologies sévères (et un burn-out à posteriori). Traitements lourds, congés de maladie, suivi psychologique…

Le pire de tout, Caroline n’est jamais retournée au greffe. Elle a tenu 4 ans sous l’ère Janssens. Sans l’énergie nécessaire pour réorienter sa carrière, elle finit par accéder à la retraite, sur proposition du Medex (l’administration fédérale de l’expertise médicale pour tous les fonctionnaires du pays). “

Je n’ai jamais demandé ça. J’étais trop jeune. Je n’ai pas été éduquée comme ça. Le regard social est très lourd. Malade pendant des années, puis retraitée… L’ancienne fonctionnaire a témoigné devant l’Auditorat du travail. “

J’ai hésité. Je me suis retrouvée dans le même état qu’à l’époque. Ça vous poursuit toute votre vie… J’espère que la Justice fera son travail. Le pire de tout, c’est se dire qu’on ne va peut-être pas nous croire. Un médecin du travail m’a dit que le harcèlement généralisé, ça n’existait pas. Mais on ne peut pas être des dizaines à se tromper…

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