L’économie en période de rééquilibrage : impact sur les prix immobiliers, la dette et les entreprises

L’économie en période de rééquilibrage : impact sur les prix immobiliers, la dette et les entreprises

Derrière ce changement, tout l’équilibre économique de ces 15 dernières années est progressivement remis en cause. La chute des prix immobiliers, l’alourdissement du remboursement de la dette, l’augmentation des défauts des entreprises, la baisse des bourses… Aucun domaine n’échappera à cela. “On assiste à un rééquilibrage”, confirme Alexandra Dimitrijevic, directrice de la recherche à l’agence de notation S & P Global.

Ce changement des taux d’intérêt s’est déroulé en trois étapes. La première est due aux banques centrales : face au retour de l’inflation, elles ont considérablement augmenté leurs taux d’intérêt. Aux États-Unis, la Fed a augmenté son taux de 0 à 5,25% en dix-huit mois, tandis que la Banque centrale européenne a augmenté son taux directeur de -0,5% à 4%. Il s’agit du resserrement monétaire le plus rapide depuis quarante ans. Cette augmentation est maintenant pratiquement terminée. Sans exclure complètement une autre hausse, Christine Lagarde, la présidente de la BCE, affirme qu’elle se concentre maintenant sur la durabilité. Huw Pill, membre du comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre, a résumé cette tendance fin août en comparant l’évolution des taux d’intérêt à la montagne de la Table d’Afrique du Sud, dont le sommet est un long plateau plat, plutôt qu’au Cervin, pointu, qui monte et descend rapidement.

La deuxième étape de cette évolution des taux d’intérêt, qui est en train de se produire, est la transmission de cette politique à l’ensemble des marchés financiers. Pendant longtemps, les marchés ont misé sur une baisse des taux d’intérêt dès la première moitié de l’année prochaine. Mais, paradoxalement, la bonne santé (relative) de l’économie a contrecarré leurs prévisions. La croissance de la zone euro devrait être de 0,6% cette année, selon Allianz, ce qui représente un ralentissement significatif mais pas une récession. Aux États-Unis, la robustesse est encore plus flagrante : la croissance devrait être de 2,2% en 2023. Dans le même temps, l’emploi reste solide. “Les marchés ne commencent à adhérer à l’idée que les taux resteront élevés pendant longtemps que maintenant, en partie parce qu’ils ont été surpris par la résilience de l’économie”, explique Alexandra Dimitrijevic.

Enfin, la troisième étape du changement des taux d’intérêt est la baisse de l’inflation. Tant que l’inflation était très élevée, les taux d’intérêt réels (corrigés de l’inflation) restaient très bas. Avec une inflation qui ralentit, à 4,3% en zone euro et 3,7% aux États-Unis, cela n’est plus le cas. “Les taux réels sont passés de -2% il y a deux ans à 0,5% aujourd’hui en zone euro, c’est un changement considérable”, souligne Florian Ielpo, directeur des études économiques chez Lombard Odier. Aux États-Unis, ils sont passés de -1% à 1,7%. Dorénavant, emprunter de l’argent coûte cher.

Pendant quinze ans, les États ont bénéficié de taux d’intérêt en baisse d’année en année. En France, par exemple, le gouvernement empruntait à un taux moyen de 3,4% en 2011 ; en 2015, le taux est passé en dessous de 1% ; et en 2020, il est devenu négatif à -0,12%. Chaque année, malgré une augmentation de l’endettement, le coût du remboursement diminuait. Cette période est révolue. Toujours en France, les intérêts de la dette payés par l’État sont en forte augmentation : 36 milliards d’euros en 2020, 52 milliards cette année et une prévision de 61 milliards en 2026. Cette augmentation est lente mais mécanique. En moyenne, la durée moyenne de la dette française est de sept ans. Lorsque la vieille dette contractée à des taux bas arrive à échéance, elle est remplacée par de nouvelles dettes à des taux beaucoup plus élevés.

Ces difficultés sont similaires pour tous les États. Sept pays émergents ont fait défaut depuis le début de l’année. Même les États-Unis commencent à inquiéter, et l’agence Fitch a abaissé sa note, lui retirant son statut “AAA”. Quant à la zone euro, l’Italie demeure le maillon faible, avec une dette équivalente à 140% du PIB. “Cela tombe mal, car nous avons justement besoin de plus de financement”, rappelle Florian Ielpo, faisant notamment référence à la transition climatique qui nécessite d’importants investissements.

De nombreuses entreprises ont largement profité de la pandémie. Elles ont pu se refinancer à des taux très bas, tandis que les consommateurs étaient soutenus par le chômage partiel et les multiples aides débloquées. Cette période faste est maintenant terminée. L’agence de notation S & P constate donc un marché à deux vitesses. “Parmi les entreprises les mieux notées, seulement 10% sont avec une perspective négative. C’est historiquement bas, car beaucoup d’entre elles ont profité de la pandémie pour se refinancer à peu de frais. En revanche, dans les entreprises notées “spéculatives”, la détérioration est nette. Et beaucoup atteindront un mur de refinancement vers 2025-2026″, note Alexandra Dimitrijevic. Le taux de défaut parmi les entreprises notées “spéculatives” augmente rapidement : il était tombé à environ 1% en Europe pendant la pandémie, il est désormais de 3,4%, dépassant sa moyenne à long terme.

Les nouveaux niveaux des taux d’intérêt changent profondément le fonctionnement de certains secteurs. Les entreprises éoliennes, par exemple, qui nécessitent des investissements importants avant même de générer des revenus, ont du mal à se financer aujourd’hui. “L’environnement qui avait permis des entreprises comme Netflix – qui a longtemps financé sa croissance à perte sans réaliser de bénéfices – est derrière nous”, conclut Florian Ielpo.

L’immobilier est en crise en Europe, aux États-Unis et en Chine. En France, par exemple, le taux moyen des crédits immobiliers est passé de 1% fin 2021 à 3,8% en août. Pour l’instant, cela se traduit par un ralentissement brutal des transactions, mais les prix ne se sont pas effondrés. Dans d’autres pays, notamment ceux où les prêts varient en fonction des taux des banques centrales, la situation est plus préoccupante. C’est le cas en Suède, où les prix ont déjà baissé de 12%, entraînant de nombreuses faillites : le nombre de faillites dans le pays a augmenté de 14% en septembre.

L’immobilier commercial est également une préoccupation majeure. En plus de la hausse des taux d’intérêt, le développement du télétravail depuis la pandémie a vidé une partie des immeubles de bureaux. La correction est particulièrement forte en Allemagne. Symptôme des difficultés, le groupe immobilier Adler, au bord de la faillite et accusé de fraude, a émis une obligation le 29 septembre et a dû accepter de payer un taux d’intérêt de 21% ! En avril 2021, il ne payait qu’un taux de 2,
#Flambée #des #taux #dintérêt #grand #rééquilibrage #économique
publish_date]

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.