Violence et tension croissantes dans un quartier bruxellois à cause de l’arrivée de toxicomanes

Violence et tension croissantes dans un quartier bruxellois à cause de l’arrivée de toxicomanes

La cohabitation entre les riverains et les prostituées se déroule relativement dans le calme, mais ces dernières semaines, la recrudescence des actes de violence a perturbé cette coexistence. La cause en est l’arrivée progressive d’un autre public, provoquant des gifles et des disputes.

Selon Mathias, la situation a empiré lorsque des consommateurs de stupéfiants sont venus dans le quartier, expulsés d’autres rues de la capitale. Ne sachant pas où se loger, certains d’entre eux ont voulu se réfugier soit dans l’ancien café Tropicana, soit dans l’ancien hôtel de passe Studio Europe. Cependant, ces lieux étaient déjà occupés par plusieurs familles roms. Résultat : il y a une dizaine de jours, une dispute générale a éclaté, au grand dam du voisinage. “Personnellement, ce qu’ils font ne me regarde pas, mais lorsque cela provoque du chahut, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, avec des prostituées, des proxénètes ou n’importe qui d’autre, cela devient aussi notre problème”, explique Mathias, un peu désemparé.

Sébastien Morvan, co-fondateur du Brussels Beer Projet, qui gère le café Flamingo, déclare ne pas avoir de commentaire particulier sur la situation, “sauf celui de tout citoyen qui espère que les autorités démêleront les complexités politico-administratives pour trouver rapidement une solution positive pour le quartier.”

“Des toxicos qui squattent le territoire”

Lorsqu’on interroge Rachida (prénom d’emprunt) sur la cohabitation dans le quartier, la prostituée hésite longuement avant de répondre. “Il y a des gens contents, et il y a des gens mécontents. Parfois, ça se passe bien, parfois, ça se dispute. C’est tout”, lance-t-elle en observant curieusement sa copine qui s’enfuit en nous voyant approcher.

De l’autre côté du trottoir, Nour, Olga et Ludmila (prénoms d’emprunt) nous interpellent en chantonnant qu’elles n’ont “pas de maître, pas de mari, pas de mac” (maquereau, NDLR), avant d’éclater de rire. Quant à ce qui se passe dans le quartier, elles sont catégoriques : tout ce chahut n’est pas de leur faute, mais celle “des toxicos qui viennent squatter leur territoire”.

“Les gens aiment dire que nous créons des problèmes parce que nous sommes des prostituées, mais attirer l’attention de cette manière, en se battant, ce n’est pas dans notre intérêt”, affirme Nour. “Nous trois, nous préférons éviter les choses bizarres. Déjà, parce que cela coûte cher. Au café là-bas, c’est cinq euros le Vodka Red Bull, c’est beaucoup alors que notre objectif est de gagner de l’argent, pas d’en gaspiller. Parfois, je veux bien prendre un verre au bar, mais si c’est pour espérer un client qui peut-être ne viendra pas, ce n’est pas intéressant.”

Elle poursuit : “Nous essayons de réfléchir. Le problème, c’est qu’il y a des filles qui ne réfléchissent pas et c’est ça qui cause des soucis. Parce qu’ensuite, elles tombent dans la drogue, puis elles ramènent des clients avec qui elles consomment, et parfois, ces hommes sont complètement drogués. Ces gars reviennent plus tard et en amènent d’autres, et voilà, c’est le chaos. Enfin, quand je dis chaos, vous avez compris, n’est-ce pas ?”, se moque la jeune fille.

Olga explique quant à elle qu’elle ne consomme aucune drogue pour éviter de compromettre son corps, qui reste son seul outil de travail. “Moi, je n’ai jamais pris aucune drogue de toute ma vie, même pas de l’alcool. J’ai trop peur des effets. Quand je vois certaines filles qui étaient magnifiques et qui ressemblent maintenant à des zombies, ça me rend triste. Donc non, même contre une valise d’argent, je vous jure, Madame, je préfère dire non. Beaucoup de filles ont dit oui, rien qu’une fois, et maintenant, c’est fini pour elles.”

Heure de pointe : de 9 heures à 12 heures

Ces prostituées insistent sur le fait qu’elles ne sont pas liées aux tensions croissantes dans le quartier et que de nombreuses autres filles ont d’ailleurs choisi d’adapter leurs horaires pour éviter les problèmes.

Il est d’ailleurs déjà 10 heures du matin et près d’une vingtaine de filles occupent les trottoirs. “Beaucoup pensent que nous travaillons la nuit, mais en réalité, il y a plus de travail pour nous pendant la journée. L’heure de pointe pour une prostituée, c’est entre 9 heures et 12 heures”, précise Nour. “C’est à ce moment-là qu’un client va venir, soit en faisant un détour avant d’aller travailler, soit en profitant de sa pause. Le soir, c’est trop risqué pour les clients qui veulent rester discrets, et c’est trop risqué pour nous avec les gens qui pourraient nous déranger.”

Parmi ces “gens qui pourraient les déranger”, elles pointent surtout les consommateurs de crack et d’héroïne. Les dealers et les trafiquants sont-ils aussi une menace ? “Pas du tout”, répondent-elles en chœur. “Nous savons où ils se trouvent dans le quartier, mais ils ne sont pas méchants avec nous, et nous sommes gentilles avec eux”, réplique Ludmila.

Et Nour ajoute : “Souvent, des policiers viennent nous poser des questions et veulent savoir où se trouvent les dealers, etc. Mais ils ne sont pas le problème. Le problème, ce sont des mecs comme ce client qui a donné 1 000 euros à une fille pour deux journées complètes. Bien sûr, avec 1 000 balles, tu es contente. Sauf que quand elle est revenue, elle était totalement accro et enceinte. Maintenant, elle travaille avec sa mère qui la surveille 24h/24. Ce n’est pas une vie, ça.”

Et pour conclure : “Les gens viennent nous dire que beaucoup de choses se passent ici de manière illégale. Pour être honnête, je ne sais pas ce que dit la loi, je ne sais pas si ce que je fais est interdit, mais moi, je ne cherche pas les problèmes, je fais mes trucs dans mon coin, et c’est tout. Nous sommes comme les gens dans leurs maisons tout autour : nous voulons vivre en paix.”

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