La saga de l’usine Buitoni : de l’espoir à la méfiance

De temps à autre, Xavier Bertrand aime rappeler qu’il a eu une vie avant la politique. « Je suis un ancien assureur. Tant qu’un contrat n’est pas signé, il n’est pas signé. » Cependant, du côté de Caudry (Nord), l’espoir renaît enfin. L’usine Buitoni, qui était à l’arrêt depuis le mois de mars et employait 140 personnes, pourrait bientôt trouver un repreneur. Roland Lescure, ministre de l’Industrie, l’a annoncé à La Tribune Dimanche : « Nous devrions voir des offres fermes être formulées d’ici quelques semaines. » Mais est-ce vraiment le cas ? Ou faudra-t-il attendre l’année prochaine dans ce dossier aux multiples rebondissements ? « Attendre 2024 est une option que je n’envisage pas », assure le ministre. « On faisait de l’agroalimentaire à Caudry avant Buitoni, on en fera après. » Cependant, le président de la Région Hauts-de-France se méfie de cet optimisme. « Oui, ça semble en bonne voie, mais j’attends de voir », reprend Xavier Bertrand. « Ces gens ne se sont pas bien comportés. Leur attitude a été inacceptable. Je ne leur fais aucune confiance. »

Il n’y a pas si longtemps, le site industriel de Caudry faisait le bonheur de la Région. La ville de 14 000 habitants, située à 15 kilomètres au sud-est de Cambrai, produisait 200 000 pizzas Buitoni par jour, en plus d’être connue pour sa dentelle de luxe depuis deux cents ans. Cependant, au début de l’année 2022, des produits contaminés par la bactérie Escherichia coli ont été commercialisés à travers la France. Personne ne connaît le nombre exact de personnes intoxiquées, principalement des enfants. Deux enfants, Kelig, 2 ans et demi, et Nathan, 8 ans, décèdent. Près de 70 autres sont hospitalisés, certains en réanimation. Certains conserveront des séquelles toute leur vie pour avoir simplement mangé une pizza surgelée Fraîch’Up. Depuis lors, les « Buitoni » sont régulièrement insultés et traités d’assassins.

Fondée en 1827 par Giulia Boninsegni et son mari Giovanni Buitoni, la célèbre marque est rachetée par Nestlé en 1988. Nestlé reste le premier groupe agroalimentaire au monde, avec une gamme de produits allant de l’eau minérale aux aliments pour animaux en passant par le café et les produits pour enfants. Selon la direction, les résultats sont en hausse avec une croissance des ventes de 8,4 % en 2022.

Après l’arrêt de la production de pizzas, l’usine de Caudry a relancé l’une de ses deux lignes de production, mais les distributeurs ne voulaient plus de leurs produits. Des négociations ont eu lieu entre le groupe, le ministère de l’Industrie, et la Région pour trouver un plan de sauvegarde de l’emploi. Nestlé a réussi à reclasser certains employés dans d’autres sites, mais le maire de Caudry estime que le mal est fait et que Nestlé ne pourra jamais apurer sa dette envers les salariés. Les poursuites judiciaires sont en cours, avec une enquête en cours sur la contamination des produits. Nestlé France n’est pas mis en examen pour le moment, mais des accusations de défaut de propreté des silos de stockage et d’utilisation de farine non cuite ont été évoquées. Foodwatch a porté plainte pour mise en danger de la vie d’autrui. Un avocat toulousain représentant la majorité des plaignants avait prévu une class action contre Nestlé, mais a finalement signé un accord avec la multinationale, ce qui a conduit à une condamnation pour harcèlement et un versement de 2 millions de francs suisses.
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