La Dépakine : un scandale sanitaire qui touche aussi les hommes

La Dépakine : un scandale sanitaire qui touche aussi les hommes

J.ean-Marc Laurent a été l’une des plus belles voix de NRJ. C’est là qu’il a fait ses débuts au début des années 1980, au berceau des radios libres. Et sa voix sera son Graal toute sa carrière. Animateur, journaliste, il multiplie les expériences, passe d’un poste à un autre avec succès. L’histoire aurait pu se poursuivre. Ce natif de Pau a eu la chance de rencontrer sa femme et de voir naître deux filles, en 2004 et 2008. Une vie presque parfaite, à un détail près. “En 2000, je fais un voyage à Madagascar où je tombe malade. À mon retour en France, les médecins découvrent que j’ai un parasite dans le cerveau, un ténia. Je suis soigné, mais je souffre depuis de crises d’épilepsie chroniques. Donc, depuis l’an 2000, je prends de la Dépakine, trois fois par jour, un médicament anti-épileptique…”

Dépakine, un vrai scandale sanitaire. Ce médicament, qui contient du valproate (1), est utilisé pour le traitement des différentes formes d’épilepsie chez l’adulte et chez l’enfant de plus de 6 ans. Depuis 2011, on sait, grâce à Marine Martin, sous Dépakine et mère de deux enfants souffrant de malformations et de retards de développement, qu’il existe un lien de cause à effet. Marine Martin, lanceuse d’alerte, a fondé l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac), qui accompagne aujourd’hui plus de 8 000 victimes en France. Le laboratoire Sanofi, qui commercialise le médicament, a été jugé responsable par le tribunal judiciaire de Paris le 5 janvier 2022 pour “faute en manquant à son obligation de vigilance et son obligation d’information”. En effet, à aucun moment les femmes enceintes sous Dépakine n’étaient informées de la dangerosité du médicament pour leur enfant à naître.

Les hommes aussi

“On l’a dit pour les femmes enceintes, la justice l’a reconnu, mais pour nous les hommes sous Dépakine, rien n’avait été mis en avant”, indique Jean-Marc Laurent, aujourd’hui bordelais. Lorsque ma deuxième fille est née, nous avons rapidement constaté qu’elle avait des difficultés. Elle n’arrivait pas à marcher à l’âge habituel, elle tombait, n’apprenait pas à faire de la balançoire, présentait des problèmes de coordination. Nous avons consulté des médecins à Paris, qui nous ont dit qu’elle était maladroite. Ensuite, elle a eu des problèmes de graphisme. Nous avons fait des bilans neurologiques, on nous a envoyés chez un orthophoniste. En somme, elle était atteinte de troubles DYS, avec d’importants problèmes cognitifs, et vers l’âge de 6 ou 7 ans, les enseignants nous ont conseillé de la placer en classe ULIS.”

Les classes ULIS sont des Unités localisées pour l’inclusion scolaire, des dispositifs destinés à la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le premier et le second degré. Jean-Marc décide alors d’arrêter de travailler pour prendre en charge cette enfant en grande difficulté. “Ma femme est beaucoup plus jeune, elle est en plein essor professionnel, alors nous avons fait ce choix et je ne le regrette pas.” Sans doute la culpabilité qu’il ressent confusément a-t-elle joué un rôle. Le père s’occupe de ses filles, et plus particulièrement de la seconde à plein temps. Il l’accompagne à ses activités, à l’école, l’aide dans ses mouvements. Il veut le meilleur pour elle. “J’ai commencé à m’interroger sur la Dépakine, j’ai appelé Marine Martin. Elle m’a écouté.”

“Trouble potentiel” selon l’Agence du médicament

La famille déménage et s’installe à Bordeaux. Pourquoi ? “Je viens de Pau, nous avons des attaches familiales à Bordeaux, et en plus, j’ai été en contact avec une école qui correspond à nos attentes. L’école du matin au Mirail. Ce n’est pas un établissement spécialisé pour les handicapés, il y a une mixité. Les après-midis de ma fille sont bien remplis, avec des séances de kinésithérapie, d’orthophonie… Aujourd’hui, elle a 15 ans, elle a gagné en autonomie, mais un taxi vient la chercher le matin pour aller en classe. Elle ne se repère toujours pas dans l’espace. L’association Apesac m’a soutenu, ainsi qu’une trentaine d’autres pères. Il est plus difficile pour nous de reconnaître notre maladie, et notre responsabilité : ce sentiment d’avoir, en nous soignant, transmis un poison à notre enfant…”

Au mois d’août dernier, l’Agence du médicament a publié un communiqué, ajoutant encore une polémique aux scandales sanitaires. “Il y a un risque potentiel d’environ 6 % chez les enfants dont le père a été traité dans les trois mois qui précèdent la conception.” Jean-Marc Laurent devient délégué père pour l’association Apesac. Selon Marine Martin, présidente de l’association, “le risque est sous-estimé, il se base sur une étude commandée par le laboratoire qui commercialise la Dépakine. On ne peut pas être juge et partie”. La Dépakine a-t-elle un avenir sous cette forme ?

(1) Les médicaments à base de valproate de sodium (dont la Dépakine) exposent le fœtus à des risques de malformations physiques ou de troubles du développement.

#sentiment #davoir #soignant #transmis #poison #notre #enfant
2023-10-21 18:00:00

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