Le développement du sport en Afrique : un enjeu économique et symbolique

Le développement du sport en Afrique : un enjeu économique et symbolique

L’équipe sénégalaise de l’AS Douanes a perdu face à l’Abidjan Basket Club Fighters (70-76) lors du premier match de la troisième saison de la Basketball Africa League à la Dakar Arena, à Diamniadio, le samedi 11 mars 2023.

Enfin. Après cinq tentatives, le Maroc va accueillir des matchs de la Coupe du monde de football en 2030. Certes, le royaume ne sera pas l’unique hôte du tournoi – il y a aussi le Portugal et l’Espagne -, mais sa participation à l’organisation de cette prestigieuse compétition porte en elle une charge symbolique : l’Afrique n’a pas été oubliée pour célébrer un tournoi qui marquera son centenaire. Après l’Afrique du Sud en 2010, une autre nation du continent va donc “unir” une partie du monde autour du beau jeu. Il était temps, car ce vaste territoire de 54 pays reste encore trop négligé par les principales instances sportives internationales. Hormis la Coupe du monde – et la Coupe du monde de rugby en 1995 qui a eu lieu en Afrique du Sud -, aucune édition des Jeux olympiques n’a encore eu lieu dans cette région du globe, ni un seul championnat du monde d’athlétisme.

Un constat étrange alors même que l’Afrique est une source inépuisable de talents et que des légendes illustres – comme le marathonien éthiopien Abebe Bikila, le footballeur malien Salif Keïta et plus récemment le combattant camerounais Francis Ngannou – ont participé à écrire les plus belles pages du sport. Alors pourquoi un tel paradoxe ? L’instabilité politique dans certaines régions et le manque cruel d’infrastructures figurent parmi les raisons évoquées pour expliquer la réticence des principales fédérations à organiser leurs événements en Afrique. Cependant, cette situation est en train de changer car dans un continent de 1,2 milliard d’habitants – dont 60 % de la population a moins de 24 ans, selon l’ONU -, le développement économique par le sport est devenu une évidence, voire une nécessité. À la fois pour les pays et pour les instances comme la Fédération internationale de football (FIFA) qui, en mars, a tenu pour la première fois de son histoire son congrès en Afrique, à l’Arena de Kigali, au Rwanda.

Depuis plus de deux décennies déjà, le Maroc mise sur des infrastructures haut de gamme pour convaincre les grandes institutions de lui confier leurs compétitions et, au passage, étendre son influence à travers le sport. Avant d’accueillir la Coupe du monde en 2030, le pays a réussi à organiser à plusieurs reprises la Coupe du monde des clubs de la FIFA (en 2013, 2014 et 2022). Un tournoi de second plan, mais qui réunit les meilleures équipes de la planète comme le Real Madrid. Grâce à ses terrains, le royaume permet à des sélections nationales comme le Burkina Faso – qui n’a pas de stade homologué – de jouer leurs matchs “à domicile” à Marrakech. De plus, la FIFA et le Comité international olympique (CIO) versent chaque année des millions de dollars à leurs fédérations membres pour les aider à se professionnaliser davantage et participer au financement des infrastructures.

L’Algérie s’est également lancée dans la construction de grands stades dans l’espoir d’organiser des compétitions internationales (comme les Jeux méditerranéens de 2022), tout comme le Sénégal. En 2018, ce pays d’Afrique de l’Ouest a construit son Arena, l’une des plus grandes d’Afrique, à Diamniadio, une nouvelle ville située à une quarantaine de kilomètres de Dakar. Juste en face, les autorités ont inauguré en 2022 – en présence de plusieurs chefs d’État, notamment turc et rwandais – la “Tanière des Lions”, son stade national qualifié de “plus beau bijou de la sous-région” par Matar Bâ, alors ministre des sports. Une enceinte qui pourrait un jour accueillir un match d’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).

Justement, un autre facteur encourage la construction – ou la mise à niveau – des infrastructures : la candidature à ce tournoi. En effet, cette compétition, qui a lieu tous les deux ans, pousse les pays souhaitant l’accueillir à se doter d’au moins six stades. Cela a été le cas pour la Côte d’Ivoire qui accueillera la prochaine CAN (du 13 janvier au 11 février 2024). Certains y parviennent avec difficulté, comme le Cameroun (en 2022), d’autres sont contraints d’y renoncer faute de moyens ou de changements politiques, comme la Guinée qui s’est vu retirer l’organisation de l’édition 2025 au profit du Maroc. Le cahier des charges de la CAN peut sembler contraignant, mais il oblige les États à se développer : construire des routes reliant les stades, des aéroports pour accueillir le public, des hôtels pour héberger les participants et les supporters…

De plus, l’enjeu économique ne se limite pas à l’organisation de ces événements de grande envergure. En juillet 2018, le Bénin a par exemple lancé la construction de vingt-deux stades omnisports aux normes internationales pour “faire progresser le sport de haut niveau partout sur le territoire”, explique Jimmy Adjovi-Boco, conseiller du ministre des sports de ce pays. Selon lui, “posséder des infrastructures de qualité permettra d’améliorer les performances nationales dans le football, le basket, le handball, le volley-ball et l’athlétisme”.

L’un des objectifs est de retenir les talents sur le continent afin qu’ils ne s’exportent pas en Europe ou aux États-Unis. Jimmy Adjovi-Boco l’a compris depuis longtemps. Il y a vingt ans, il avait créé – avec Patrick Vieira et Bernard Lama – l’Institut Diambars, à Saly, au sud de Dakar, pour former l’élite du football sénégalais. Ce genre de centre de formation existe également en Côte d’Ivoire.

Certains pays pensent également au bien-être de leur jeunesse en construisant des terrains de football ou de basketball dans les villes. Et la classe moyenne émergente souhaite également prendre soin de son corps dans des salles de sport modernes. Celles-ci se multiplient un peu partout sur le continent. “Investir dans le sport, c’est éviter la bombe sociale de demain”, a résumé Matar Bâ. Sans oublier que la pratique du sport a permis d’émanciper des générations de femmes, de briser des stéréotypes et de forcer les hommes à reconnaître leurs performances.

Face à cette évolution, certaines organisations portent désormais un regard attentif sur l’Afrique. Ainsi, en 2018, le CIO a choisi de confier ses quatrièmes Jeux olympiques de la jeunesse à Dakar en 2026 afin de “placer [cet événement] au cœur de la transformation de l’Afrique”. L’UFC, la puissante organisation américaine de MMA, souhaite organiser des combats dans cette partie du monde prochainement. Et il y a trois ans, la NBA, le prestigieux championnat américain, a lancé la Basketball Africa League (BAL), un tournoi regroupant des équipes de douze pays, dans le but de créer une véritable industrie et de faire de l’Afrique son nouveau terrain de jeu. Les succès obtenus commencent à donner une image différente du continent dans le monde. L’Afrique, terre de toutes les “opportunités”, comme l’a
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