La précarité étudiante en Seine-Saint-Denis : quand les étudiants luttent pour leur survie

La précarité étudiante en Seine-Saint-Denis : quand les étudiants luttent pour leur survie

Cette année, Morgane, âgée de 18 ans, fait face à des difficultés financières depuis son entrée dans la vie étudiante. En tant qu’étudiante de première année de droit à l’université Sorbonne Paris Nord de Villetaneuse, elle reçoit une aide de 266 euros par mois, composée des allocations logement et de sa bourse. Une fois qu’elle a payé sa chambre universitaire dans une résidence du Crous à Saint-Denis (226 euros), il lui reste seulement 40 euros pour vivre. “Je ne reçois aucune autre rentrée d’argent”, précise-t-elle. “Mes parents, qui habitent en province, ne me paient que mon abonnement de transport. Pour le reste, je dois me débrouiller seule. Évidemment, ma priorité est de me nourrir, mais avec l’augmentation des prix, j’ai du mal à respecter mon budget. C’est pourquoi je suis ici ce soir.” Le 19 octobre, Morgane s’est rendue avec 199 autres étudiants au Campus Condorcet d’Aubervilliers, où une distribution alimentaire organisée par Cop1, une association nationale qui lutte contre la précarité étudiante, avait lieu. Cette association propose non seulement de l’aide alimentaire, mais aussi un soutien pour tous les problèmes auxquels les étudiants font face, tels que l’isolement, l’accès aux droits, au logement, à la culture, au sport, etc. Dans la grande salle polyvalente, les tables regorgent de nourriture (pâtes, riz, yaourts, sucre, thé, café, fruits et légumes de saison, etc.) et de produits d’hygiène (savon, dentifrice, protections menstruelles), collectés grâce aux dons et à la générosité des entreprises partenaires. Depuis 17h et le début de la distribution, la file d’attente ne désemplit pas. Les trente bénévoles de Cop1, tous étudiants, n’ont pas le temps de s’attarder. À l’entrée, où une musique entraînante est diffusée pour créer une atmosphère conviviale, les bénéficiaires n’ont qu’à prouver qu’ils sont inscrits et à présenter leur carte étudiante. Il est important de souligner que la distribution n’est soumise à aucune condition de ressources, il n’est donc pas nécessaire pour les étudiants de prouver leur précarité. Parmi eux, Curtis, âgé de 22 ans, en troisième année de gestion des ressources humaines à l’IUT de Villetaneuse. Entre son loyer (il partage un appartement à Saint-Denis), les factures et un emploi du temps chargé qui l’empêche de travailler à côté de ses études, Curtis se débrouille comme il peut. “Cela peut sembler fou, mais me nourrir est devenu un souci, une préoccupation quotidienne”, dit-il, amèrement. “Être étudiant et précaire peut sembler normal car nous sommes jeunes et la vie est devant nous, mais cette année est particulièrement difficile. Heureusement, nous nous soutenons les uns les autres.” Djouher, âgée de 25 ans, étudiante en master 2 en automatique, traitement du signal et des images à Paris-Saclay, a également du mal à joindre les deux bouts depuis qu’elle a quitté son pays d’origine, l’Algérie, il y a trois ans pour poursuivre ses études en France. Heureusement, sa famille l’aide avec ses frais de scolarité et de logement, mais cela reste insuffisant. Résultat, elle compte chaque centime à la fin de chaque mois. “L’inflation a rendu ma situation encore plus instable, je vois clairement la différence”, souffle-t-elle. “Pour subvenir à mes besoins, je me procure de la nourriture dans plusieurs distributions alimentaires.” Créée en 2020 pendant la pandémie de Covid-19 par un groupe d’étudiants de l’université Paris 1 pour aider les jeunes dont la santé mentale, les apprentissages et le niveau de vie avaient été gravement affectés pendant le confinement, l’association Cop1 s’est depuis développée dans toute la France. Elle compte notamment des antennes à Marseille, Lyon, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Lille et désormais Aubervilliers, au Campus Condorcet. “C’est l’université qui nous a sollicités après avoir constaté que de nombreux élèves étaient en grande difficulté ces derniers mois”, raconte Lola Barberousse, membre de Cop1. Si les chiffres de la précarité étudiante en France sont alarmants, en Seine-Saint-Denis ils sont critiques. Dans une étude édifiante réalisée avec l’Ifop et publiée en septembre dernier, Cop1 révèle qu’en 2023, 46 % des étudiants français, soit près d’un sur deux, ont déjà été contraints de sauter un repas en raison des prix trop élevés. Et ce n’est pas tout : la moitié d’entre eux ont déjà dû limiter leurs achats alimentaires. C’est deux fois plus que dans l’ensemble de la population française. L’association caritative a voulu pousser plus loin son enquête en se concentrant sur un échantillon de bénéficiaires scolarisés en Seine-Saint-Denis. Les chiffres sont alarmants. Par exemple, on apprend que si en France, 59 % des étudiants ont déjà renoncé à des soins médicaux par manque d’argent, cette proportion atteint 72 % dans le département. Au niveau national, moins d’un étudiant sur trois a moins de 50 euros une fois le loyer et les factures payées, alors qu’en Seine-Saint-Denis, ils sont 37 % dans cette situation. “Ces derniers mois, avec la hausse des prix, la demande d’aide a fortement augmenté”, souligne Lola Barberousse. “Notre étude indique d’ailleurs que 36 % des étudiants français envisagent de recourir à une aide alimentaire aujourd’hui.” Après avoir conquis Paris et les grandes métropoles françaises, l’association Cop1 souhaite maintenant s’implanter en Île-de-France, en particulier en Seine-Saint-Denis. “La distance est un obstacle évident. Nous avons constaté que de nombreux étudiants habitant en banlieue ne fréquentent pas nos antennes parisiennes car elles sont trop éloignées de leur lieu d’études ou de leur domicile”, explique Lola. L’association a donc décidé d’organiser des distributions alimentaires ponctuelles directement sur place pour atteindre un plus grand nombre d’étudiants. Ce soir, c’est la première fois que nous intervenons sur un campus universitaire. L’objectif est de nous installer durablement à Aubervilliers en intervenant une fois par semaine dans un premier temps. Nous prévoyons de revenir ici après les vacances de la Toussaint.” Pour cette première distribution, les 200 places mises à disposition des étudiants sur le site internet de Cop1 ont été réservées en… dix minutes. “Depuis la rentrée, nous sommes submergés de courriels et de messages sur nos pages Instagram de la part d’étudiants qui nous demandent de l’aide”, note une bénévole de Cop1. “Cependant, compte tenu de nos ressources humaines et financières limitées, il est difficile de répondre à toutes les demandes. Je crains que nous ayons besoin d’ouvrir d’autres antennes.” Bakary, âgé de 24 ans, étudiant en master 2 à l’université Sorbonne Paris Nord de Villetaneuse, est soulagé. Son panier est rempli de tout ce dont il a besoin : des pâtes, du riz, des boîtes de thon, de la sauce tomate, des fruits, des légumes et même des biscuits en guise de petite gâterie. Ce jeune homme, originaire de La Courneuve, déclare joyeusement : “Je pourrai tenir au moins quinze jours. C’est une chose de moins à penser, je peux maintenant me concentrer sur le reste.”
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2023-10-25 17:58:19

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