une explication scientifique de pourquoi nous mentons

une explication scientifique de pourquoi nous mentons

2023-11-06 17:46:17

Le cerveau humain ne cherche pas la vérité, ce qu’il cherche, c’est de bien paraître. Leur étude nous a conduit, nous experts, à des conclusions inconfortables, mais qui nous aident à mieux nous comprendre.

Le cerveau humain est une merveille de la nature. Il a pu nous emmener sur la Lune, et il ne faudra pas longtemps pour nous emmener sur Mars. L’humanité a réussi à explorer les extrémités du monde, le système solaire, l’univers, et à les comprendre en profondeur. Oui, le cerveau humain est prodigieux. C’est sans aucun doute ce qui nous fait l’espèce la plus intelligente de la planète. Mais ce n’est pas parfait. C’est le même cerveau qui, lors de la fabrication d’avions aussi grands que l’Airbus A380, avec une capacité de plus de 500 passagers et une ingénierie exquise, omet le numéro 13 de la rangée de sièges parce que « ce n’est pas de chance ».

Pour comprendre pourquoi il en est ainsi, nous devons connaître toute la vérité sur notre cerveau. Et cela implique de vérifier que les processus qui sous-tendent nos décisions sont pour la plupart – sinon tous – inconscients.

Le libre arbitre n’est pas si libre

Dans les années 1970, psychologue Benjamin aime a montré que ce que nous appelons le libre arbitre n’était pas tel que nous l’avions décrit. Des électrodes placées aux endroits appropriés sur la tête de ses participants lui ont permis de découvrir que le cerveau initiait les actions quelque temps avant qu’ils aient conscience de prendre la décision de les réaliser.

Lorsque nous prenons une décision, nous pensons avoir pesé le pour et le contre et mûri notre réponse. Mais les expériences montrent que nous ne savons généralement pas exactement ce qui nous a amené à prendre une décision.

La chose habituelle, en fait, est que les raisons pour lesquelles nous faisons ce que nous faisons se trouvent a posteriori ; c’est-à-dire, nous justifions nos actions une fois qu’elles sont accomplies.

L’évidence montre aussi que nous défendons avant tout nos décisions, même si nous ne savons pas ce qui nous y a conduit.

Cette façon d’être de notre cerveau était appelée « l’interprète ». Avec ce nom, l’expert en étude de l’esprit Michel Gazzaniga a souligné que le cerveau interprète continuellement la réalité, trouver une raison d’être pour toutes choses. Mais il ne se soucie pas non plus de savoir si son interprétation est vraie ou non : il lui suffit qu’elle soit satisfaisante, apparemment bonne.

Le cerveau humain cherche à bien paraître

Gazzaniga l’a découvert en étudiant des patients dont le cerveau était divisé, c’est-à-dire chirurgicalement divisé en deux hémisphères séparés à la suite d’un traitement contre des crises d’épilepsie récurrentes.

Chaque hémisphère perçoit et agit sur la moitié du monde. La gauche perçoit principalement ce qui se trouve à notre droite, tandis que ce qui se trouve à notre gauche est traité par la droite. De même, l’hémisphère gauche contrôle la main droite et l’hémisphère droit contrôle la gauche.

De plus, lorsque nous parlons, nous le faisons principalement avec l’hémisphère gauche, donc avec le cerveau divisé, c’est comme si nous avions deux personnes, l’une qui parle et l’autre qui ne prononce pas un mot.

Dans les expériences de Gazzaniga, lorsque l’hémisphère droit du patient regardait un objet et qu’on lui demandait de choisir une image en rapport avec celui-ci, la main gauche sélectionnait l’image correcte. Quant à l’hémisphère gauche, celui qui parle, il a observé l’action sans avoir la moindre idée de pourquoi c’était la bonne image. Mais lorsqu’on a demandé au patient pourquoi il avait pris cette image, son hémisphère gauche a répondu en inventant une raison. Il n’avait jamais eu raison, puisqu’il ignorait totalement la vraie, mais il était déterminé à donner une explication, aussi farfelue soit-elle.

Ce mécanisme s’est avéré très humain, et pas seulement typique des personnes au cerveau divisé. L’humanité entière fonctionne ainsi dans sa réalité la plus quotidienne.

Il est intéressant de noter que l’interprète n’a jamais dit « je ne sais pas ». Dire « je ne sais pas » ne semble pas être la réponse la plus humaine, même si en principe c’est la plus raisonnable. Et cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de justifier nos actions.

Stratégies pour convaincre

La vérité n’est pas la chose la plus importante, mais plutôt de se contenter d’une explication plus ou moins crédible et acceptable. Acceptable pour soi et pour les autres, même si ce n’est pas vrai. Comme le disent Hugo Mercier et Dan Sperber, les stratégies de raisonnement de notre espèce n’ont pas évolué pour arriver à la vérité, mais pour persuader les autres que nous avons raison.

L’explication de tout cela est que notre cerveau est hypersocial. Il est devenu formidable de ne pas nous emmener sur la Lune, mais de faire face aux grands défis de la vie en société, de vivre avec un grand nombre d’individus avec lesquels nous coopérons parfois et parfois sommes en compétition.

Dans ces circonstances, il est habituel que nous ne puissions pas nous permettre de perdre du temps, mais plutôt de prendre des décisions rapides et efficaces, automatiquement, en pesant simultanément une multitude de raisons. Pour la majorité, nous en serons peu ou pas du tout conscients, car être conscient demanderait beaucoup de temps et d’efforts. Ce n’est pas grave, nous trouverons un moyen de nous justifier si quelque chose que nous avons fait semble mal aux yeux des autres. C’est à cela que sert l’interprète : préserver à tout prix quelque chose d’aussi précieux que notre estime de soi.

Cet article a été initialement publié dans La conversation.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Manuel Martin-Loeches Garrido

Professeur de psychobiologie, Université Complutense de Madrid



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