Un rebond de plus. Et un sacré pied de nez. Dix mois après sa chute, Bernard Laporte ressurgit là où on ne l’attendait pas. À Montpellier. Liant ainsi son destin à celui d’un homme, Mohed Altrad, avec lequel il a été jugé coupable de corruption et de trafic d’influence en première instance, le 13 décembre 2022.
L’ancien sélectionneur des Bleus, secrétaire d’État aux Sports, entraîneur du Stade Français et de Toulon avant de devenir président de la Fédération française (FFR) en décembre 2016, avait été condamné à deux ans de prison avec sursis et 75 000 euros d’amende, notamment pour une série d’arbitrages au bénéfice du propriétaire du club de Montpellier qui l’avait indemnisé à hauteur de 180 000 euros en mars 2017, dans le cadre d’un contrat d’image jamais exécuté. Il avait été poussé à la démission en janvier dernier.
Mohed Altrad, qui a fait appel comme Bernard Laporte, avait lui écopé de 18 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende. Mais les choses en rugby prennent parfois des tournures déroutantes, mues par des personnages agissant selon leurs propres codes.
À la manœuvre dès ce dimanche
Il a suffi d’une équipe en déroute sportive, dernière de la classe en Top 14 au bout de sept journées après sa défaite samedi à Perpignan (23-16), alors qu’elle avait décroché le titre en 2022, pour redistribuer toutes les cartes. Bernard Laporte arrive donc comme directeur du rugby, chassant Philippe Saint-André qui s’occupera de missions annexes.
PODCAST. Corruption dans le rugby : récit de l’affaire Bernard Laporte
Et il n’a pas perdu de temps, présentant ce dimanche 19 novembre après-midi la composition du nouveau staff aux joueurs. Exit l’entraîneur anglais Richard Cockerill et son adjoint Jean-Baptiste Elissalde, place à Patrice Collazo, ex-manager de La Rochelle et Toulon, assisté de Vincent Etcheto, ancien entraîneur de Bordeaux-Bègles, Bayonne puis Soyaux-Angoulême. Ils seront épaulés par Antoine Battut, passé par le Racing, Montpellier et Bayonne, et Christian Labit, ex-manager de Carcassonne.
« Il n’y aura qu’un seul patron, ce sera Laporte »
« Bernard Laporte, c’est la culture de la gagne, le leadership, l’esprit d’équipe, a indiqué Altrad dans un entretien au JDD pour expliquer son choix. Ce sont toutes ces valeurs du rugby qui nous sont chères. » Mourad Boudjellal, son dernier employeur à Toulon, avec lequel il a décroché notamment trois Coupes d’Europe (2013, 2014, 2015) et un bouclier de Brennus (2014) abonde : « Il y a Bernard Laporte en costume et Bernard Laporte en survêtement. C’est dans ce second rôle qu’il est le meilleur. Il n’a d’ailleurs aucun équivalent en France. Mohed Altrad a réalisé un coup de maître. Il ne faut se faire aucune illusion. Il n’y aura qu’un seul patron, ce sera Laporte et il va emmener Montpellier très loin. Il va qualifier le club pour la phase finale dès cette saison. »
Avant d’accepter la proposition de l’homme d’affaires, Bernard Laporte l’avait refusée une première fois. Comme il a décliné plusieurs offres ensuite. Son nom revenait avec insistance du côté de Toulon et des investisseurs étaient prêts à miser sur lui en initiant d’autres projets. Mohed Altrad a su se montrer convaincant. Mais leur association ne pose-t-elle pas problème ? L’image du rugby en sort-elle grandie alors que les deux hommes sont sous le coup d’un nouveau procès et donc d’une possible condamnation ? « Mon retour agace les cons, a tonné Laporte sur RMC. Mais des cons il y en a partout. Ils ne m’intéressent pas. Je suis convaincu que je n’ai rien fait. En France, il y a la présomption d’innocence. Je ne vois pas pourquoi on me reprocherait quoi que ce soit à partir du moment où c’est légal. »
Un point de vue partagé par l’ancien président de Toulon. « Cela ne me choque pas, rétorque Mourad Boudjellal. Je suis plus étonné par le fait que Mohed Altrad soit toujours sponsor du XV de France. Mais il y a la présomption d’innocence dans notre pays. Donc, pour l’instant, ils n’ont rien fait de mal. Et puis je me dis que s’ils s’affichent ainsi aux yeux de tous, c’est qu’ils ont la conscience tranquille. Ce dont je suis sûr, c’est que le retour de Bernard Laporte dans le Top 14 va entraîner un regain d’intérêt pour cette compétition. Moi, j’irai voir jouer Montpellier. » Dirigé par un ancien président de la FFR, désormais en survêtement.
2023-11-19 22:32:02
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