La guerre commerciale verte : Les conséquences du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) pour l’Afrique

La guerre commerciale verte : Les conséquences du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) pour l’Afrique

Par Thierry TÉNÉ

Nous sommes désormais dans une guerre commerciale verte (Green Trade War) et chaque continent / pays affute ses armes pour remporter au moins des batailles.

Quelles sont celles de l’Afrique ?

Alors que le continent émet à peine 4 % des émissions mondiales des Gaz à Effet de Serre (GES), il est pour le moins paradoxal et très inquiétant que l’une des principales mesures écologiques aux frontières de l’UE cause des pertes économiques énormes en Afrique et tout ceci dans une indifférence générale de la part des africains-es.

Ce qui est très surprenant alors que le continent va perdre chaque année près de 1 % de son Produit Intérieur Brut (PIB).

L’Afrique doit pourtant entrer en guerre contre la taxe carbone aux frontières européennes qui est une barrière commerciale injuste mise place par l’UE sous prétexte de la lutte contre le changement climatique.

En effet, depuis le 1er octobre, est entré en vigueur le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF).

Elle s’applique au fer, à l’acier, au ciment, à l’aluminium, aux engrais, à l’hydrogène et à l’énergie.

A l’horizon 2026 tous ces produits devront payer une taxe carbone aux frontières avant d’entrer sur le marché européen.

L’idée est d’éviter un « dumping écologique » car les industries européennes sont déjà soumises à une taxe carbone.

Mais les conséquences économiques sont énormes pour l’Afrique.

D’après une étude de l’African Climate Foundation et de la London School of Economics’ Firoz Lalji Institute for Africa, le MACF entrainera une perte annuelle de 25 milliards de dollars soit environ 0,91 % du Produit Intérieur Brut de l’Afrique.

A l’exception de l’Afrique du Sud qui a officiellement fait part de son mécontentement auprès de l’Union Européenne, rares sont les pays africains qui ont réagi.

Selon une analyse de la Banque Mondiale, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie, l’Égypte, le Sénégal, le Ghana, le Cameroun, le Zimbabwe et la Mozambique sont les pays africains qui seront fortement pénalisés économiquement par la taxe carbone aux frontières de l’Union Européenne.

Mais au-delà des conséquences pour les pays, les impacts économiques sont énormes pour certains secteurs d’activités à l’échelle africaine.

A cause du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières, à l’horizon 2030, les exportations africaines vers l’Union Européenne pourront baisser de 19,9 % pour le ciment, 18,8 % pour le fer et l’acier, 8,9 % pour les engrais et 0,5 % pour l’aluminium.

Les délégations africaines qui sont actuellement à Dubaï pour la COP 28 mesurent-elles ces pertes énormes ?

Derrière les beaux discours sur le sauvetage de la planète à cause de la hausse des émissions de Gaz à Effet de Serre, se cache également une véritable guerre commerciale verte où tous les coups sont permis y compris entre alliés. Nous y reviendrons.

La posture africaine de « quémandeuse des aides internationales pour lutter contre les GES » est-elle efficace alors que les véritables défis et challenges sont ailleurs ?

Sans l’avoir préparé ou anticipé l’Afrique est déjà sur le champ de bataille de la guerre commerciale verte déclenchée par l’Union Européenne.

Reste maintenant à savoir si elle va se battre ou si elle va se laisser massacrer économiquement sans la moindre résistance.

Thierry TÉNÉ est Associé et Directeur – Afrique RSE; Lauréat du prix spécial ISAR 2022 de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) dans la catégorie internationale; et Co-fondateur de DOING GOOD IN AFRICA (DGIA).

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