« On ne sait pas à quelle sauce nous allons être mangés », s’inquiète Françoise Gibert. Cette habitante de Sarcelles (Val-d’Oise) est propriétaire d’un appartement au 3e étage de la tour Guyenne, surnommée par certains la « tour infernale », depuis seize ans. Lundi 4 décembre, un arrêté de mise en sécurité a été placardé partout sur les murs de l’immeuble du quartier des Flanades, faisant craindre aux habitants une expulsion imminente.
Ce décret impose d’effectuer un certain nombre de travaux urgents dans les 48 heures, au risque de devoir évacuer les lieux. Or la copropriété, surendettée, est placée sous administration judiciaire en raison d’un passif de plus d’un million d’euros de charges impayées. Le syndic est « dans l’incapacité financière de faire des travaux », constate le maire (PS) de Sarcelles, Patrick Haddad.
« Ils ne nous laissent aucune marge de manœuvre parce que leur but c’est qu’on s’en aille pour pouvoir racheter nos appartements à bas prix et y mettre des personnes plus aisées. Ils ont laissé dépérir l’immeuble », considère de son côté Françoise Gibert.
« Situation de péril grave et imminent »
Si cette situation épineuse ne date pas d’hier, les choses se sont fortement accélérées il y a quelques mois concernant le devenir de la copropriété. Parmi les éléments déclencheurs, le préfet du Val-d’Oise, Philippe Court, cite d’abord l’incendie en mars de la tour Languedoc, voisine de la tour Guyenne, puis la mort tragique de trois femmes dans un incendie à Stains (Seine-Saint-Denis), il y a à peine deux semaines.
Par précaution, la municipalité a alors nommé un expert judiciaire pour obtenir un rapport sur l’immeuble de 17 étages au mois de novembre : « Il a constaté de manière définitive qu’elle était dans une situation de péril grave et imminent et que le risque d’incendie était très présent », confirme Philippe Court, préfet du Val-d’Oise.
Dans les dysfonctionnements relevés, l’expert liste ainsi des portes coupe-feu qui ne fonctionnent pas, une colonne sèche hors service ou encore des locaux encombrés de détritus qui servent de lieux de couchage la nuit. « L’un des gros problèmes observé est aussi celui du chauffage central qui ne fonctionne plus. Les habitants utilisent leur propre système de chauffage d’appoint souvent non conforme et, avec l’arrivée de l’hiver, les risques d’incendie sont accentués », précise le préfet.
« Quand on écoute les élus, on a l’impression que c’est la cour des miracles »
De leur côté, plusieurs propriétaires assurent que l’image que l’on donne à leur immeuble n’est en aucun cas un reflet de la réalité. « Quand on écoute les élus, on a l’impression que la tour va s’effondrer et que c’est la cour des miracles. Il n’y a pas de squat dans les parties communes, les encombrants nous les évacuons rigoureusement nous-mêmes car il n’y a pas assez de poubelles et il n’y a jamais de vandalisme », soutiennent d’une même voix les propriétaires.
Pour ce qui est du chauffage électrique, ils maintiennent que tout est fait de manière sécuritaire. « Tous les appartements sont reliés à des compteurs Linky, il est donc impossible qu’il y ait une surcharge électrique puisque le courant se coupe automatiquement », décrit Daniel Julieno, compagnon de Françoise Gibert et électricien.
Un huissier de justice commandité par les copropriétaires est également venu jeudi 7 décembre. Il n’a relevé aucun péril grave et imminent. « On n’aurait jamais fait appel à un huissier si nous n’étions pas sûrs de nous », insiste Frédéric Chabrillat, propriétaire occupant avec son enfant.
« On ne joue pas à la roulette russe avec la vie des gens »
Tous s’inquiètent également de voir leurs biens rachetés à un prix dérisoire. « Sur les 67 logements, 23 ont déjà été évacués et vendus dans la majorité des cas à CDC Habitat. Certains ont obtenu à peine plus de 800 euros par mètre carré alors que nous sommes en plein centre-ville », s’insurge Daniel Julieno.
De son côté, le maire affirme « comprendre leur colère ». « Mais on ne joue pas à la roulette russe avec la vie des gens », affirme l’élu, au sujet des défauts de sécurité constatés.
Comment cette copropriété s’est trouvée dans « une spirale infernale depuis plusieurs années » selon les mots de Patrick Haddad ? Certains propriétaires ne peuvent plus payer les charges astronomiques auxquelles ils sont soumis (600 euros par mois). « C’est inhérent aux Flanades. Les charges englobent l’entretien de la place de France, le chauffage des galeries marchandes, leur éclairage, leur entretien etc., déplore le maire. C’est en partie pour résoudre ce problème que la ville est en train de restructurer profondément le centre. »
« La mairie ne va pas toucher un centime »
À ces problématiques s’ajoute également la présence en grand nombre de marchands de sommeil. C’est donc pour éviter que ces derniers ne s’emparent des appartements que le bailleur CDC habitat rachète en ce moment les logements. « Nous leur avons délégué le droit de les préempter car nous n’en avons pas les moyens. C’est pour éviter que l’immeuble ne tombe en ruine », précise Patrick Haddad.
L’objectif de la mairie étant ensuite de transformer la copropriété en immeuble collectif, propriété d’un bailleur social. « Ce qui est sûr, c’est que la mairie ne va pas toucher un centime », assure le maire.
En ce qui concerne la très probable évacuation des lieux, celle-ci pourrait intervenir dans les prochains jours ou semaines. Pour ceux qui sont locataires, le préfet s’engage à ce que l’État « finance le relogement en cas de propriétaire déficient ». Et pour les autres ? « Si on nous met dehors, je vais perdre mon boulot, révèle avec préoccupation Françoise Gibert, famille d’accueil. Je suis d’accord pour quitter les lieux, mais pas dans ces conditions-là, du jour au lendemain, comme si nous n’étions rien. »
2023-12-09 08:52:00
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