Près d’un an après la fin tragique de « Baffy » à Bobigny (Seine-Saint-Denis), son meurtrier, Elias Z., 32 ans, vient d’être entendu sur le fond par la juge d’instruction de la juridiction interrégionale (Jirs) de Paris. Ce trentenaire est soupçonné d’avoir, le 19 février 2022, tué par balle son ami d’enfance, Tiekoura K., lors d’un règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants.
Ex-braqueur et délinquant multicartes, il est aussi soupçonné d’avoir tenté de tuer Foussen, le frère aîné de Tiekoura, et Amine, une autre connaissance de quartier, qu’il accuse d’être ses complices sur le point de deal de la rue du Chemin-Vert.
Une balle de calibre 45 dans la tête
Cet homme brun a été condamné à onze reprises pour vol à main armée, vol aggravé, recel et association de malfaiteurs et il a fait plusieurs séjours derrière les barreaux. Originaire de Bobigny, chômeur émargeant au RSA et père de deux enfants, il a quitté les bancs de l’école avec un brevet des collèges. Selon les éléments recueillis lors de l’enquête, il aurait ouvert le feu sur ces trois hommes devant le Terminus 23, la pizzeria de Baffy. Puis il aurait poursuivi Tiekoura avant de l’exécuter d’une balle de calibre 45, tirée à l’arrière de la tête.
Le meurtrier présumé s’était ensuite réfugié auprès de sa femme au quatorzième étage d’un immeuble voisin, menaçant de la tuer et de se suicider, dans un élan de désespoir. Puis il a pris une douche, s’est changé et s’est débarrassé de son arme en la jetant par la fenêtre. Cerné par le Raid, Elias a pris la fuite en passant par les balcons avant d’être arrêté au quatrième étage de cette tour.
Plusieurs mois après les faits, Elias est encore paniqué. Il a demandé à être extrait et gardé par une escorte encagoulée et lourdement armée, pour venir s’expliquer devant la magistrate parisienne qui gère son dossier. Au cours de cette audition, il réitère ses aveux et explique qu’il n’en pouvait plus de cette vie de trafiquant.
Il échappe à une série d’arrestations en octobre 2021
Il raconte qu’il vivait dans la peur car il était accusé d’être une balance ou d’avoir volé du cannabis et recevait des menaces de mort. Largement impliqué, il travaillait pour les frères K., qui tiennent le quartier. Elias assurait le rôle de « rechargeur », transportant la drogue d’un point à un autre pour 4 000 euros par mois. Très proche de cette fratrie depuis son enfance, il était un lieutenant de Mahamadou K. arrêté début octobre 2021 avec dix autres complices. Au cours des perquisitions, les forces de l’ordre avaient mis la main sur une tonne de résine de cannabis et sur 600 000 euros.
« Les gens disent dans le quartier que je suis une balance. Il y en a qui disent que ce n’était pas normal que toute l’équipe soit arrêtée et pas moi. Ça a mis énormément de pression sur moi. Ça faisait louche », assure-t-il. Elias souligne que « Mahamadou est une personne possessive ». « Quand on n’obéit pas, on n’est pas son ami. C’est comme un employeur », confie le trentenaire.
Le boss lui aurait téléphoné depuis sa prison et ordonné de mettre en place une nouvelle équipe de dealeurs avec ses frères Foussen et Tiekoura. « C’est à ce moment que des personnes ont voulu s’en prendre à nous, ajoute-t-il. Namar s’est mangé cinq balles par des gens qui voulaient récupérer le territoire. » Ce 27 octobre Elias, Foussen et Tiekoura avaient été interpellés, cachés dans la cave et dans les toilettes du Terminus. Elias tout comme Foussen portaient des gilets pare-balles.
Un chargeur vide et 1 700 euros en liquide avaient été saisis. Depuis, Elias portait une arme en permanence. « Mahamadou m’a dit de gérer et de récupérer le point de deal. Je lui ai dit que je ne voulais pas et il s’est mis en rogne. J’ai expliqué à Foussen et à Baffy comment cela fonctionnait et je me suis mis en retrait », soutient Elias.
Un supposé vol de drogue
Le soir du meurtre, Mahamadou K. lui aurait demandé d’aller voir Amine et Foussen pour parler d’un problème : la disparition de 10 kg de résine sur le point de deal. « Ils ne savaient pas d’où venait le vol. Il y avait un trou et il fallait payer », relate-t-il. Les deux hommes nourrissent des soupçons sur Elias parce qu’il avait déjà volé « 10 kg dans un frigo pour se dédommager ». « Il y a deux ans, Foussen avait accidenté une voiture louée chez Sixt par ma femme, et nous avions versé une somme de 24 000 euros à l’agence de location », raconte le trafiquant. Elias pense que cette histoire de vol de drogue est une invention de Mahamadou K. qui voulait le forcer à rester dans son équipe.
Les trois hommes vont voir Baffy à la pizzeria. Sous le tunnel voisin, le ton monte. « Baffy disait : Tu vas payer. C’est toi ! C’était comme s’il me rackettait. Il me demandait de payer 30 000 euros alors que je n’avais rien à voir dans tout ça. J’étais tranquille dans ma vie. J’avais presque tout arrêté. » Il raconte qu’un des deux frères a sorti un revolver. « C’était un 357. Je le sais parce que j’en ai déjà vu, assure-t-il. Ça s’est passé tellement vite ! Je ne sais plus trop comment. J’ai dégainé et je me suis retrouvé à tirer… C’est le trou noir. »
Elias assure qu’il s’est senti soulagé après les faits. Il a bien dormi en prison pendant deux mois avant de prendre conscience de son crime. Contacté, son avocat, Me Karim Laouafi, n’a souhaité faire aucune déclaration sur cette affaire qui est encore couverte par le secret de l’instruction.
Les victimes racontent une tout autre version
Dans le quartier, et du côté des victimes, les témoignages recueillis lors de l’enquête décrivent plutôt un jeune homme qui aurait succombé à une crise de paranoïa. Aucune arme ou autre munition n’a été retrouvée par les policiers de la brigade criminelle de Paris. Le soir des faits, Foussen, âgé de 40 ans, sera retrouvé à l’hôpital Avicenne avec une balle dans l’avant-bras droit. Il est interrogé sur son lit d’hôpital et se montre pour le moins taiseux. Mais devant la juge, il raconte qu’il était chez lui quand Elias l’aurait braqué avec un pistolet noir et lui aurait dit : « Est-ce que tu sais que je suis une poucave (un informateur) ? », avant d’annoncer qu’il est venu chez lui pour le tuer et ainsi éviter que cela ne se sache. Il se serait fait passer pour lui pour contacter la seconde victime.
Amine, un intermittent du spectacle de 32 ans, apporte des précisions sur le déroulement des faits. Dans un premier temps, il sera entendu comme simple témoin expliquant qu’il a porté secours à son ami Baffy, trouvé inconscient dans la rue. Mais en mars dernier, il est retourné voir les enquêteurs pour leur raconter une tout autre histoire.
Ce soir-là, Elias et Foussen seraient passés à l’improviste chez lui pour parler. Foussen semblait stressé. Elias les aurait menacés sur sa terrasse avec son arme. Il menaçait de les tuer, les accusant de « l’avoir abandonné ». Ils se seraient rendus au Terminus pour en discuter avec Tiekoura. Mais une fois sur place, Elias aurait ouvert le feu après avoir dit : « Ça va, Baffy ».
2023-01-25 11:00:00
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