Gordana ne parvient pas à s’apaiser. Quatre jours après l’explosion qui a quasiment détruit l’immeuble de Sarcelles (Val-d’Oise), elle est toujours à cran. « J’ai envie de savoir pourquoi nous avons failli mourir. On a eu de la chance de ne pas brûler », confie-t-elle devant l’hôtel Première Classe où la famille est pour l’instant relogée.
Elle est encore sous le choc. « On restait encore une minute dans l’appartement et c’était fini. Damian, c’est lui qui nous a protégés ! », ajoute-t-elle samedi en serrant son fils de 16 ans dans ses bras avant de partir à la recherche d’un nouveau logement, sa plus grande inquiétude désormais. L’hébergement à l’hôtel par l’assurance s’arrête le 23 décembre.
Quatre jours plus tôt, il était 3 heures et demie du matin lorsque l’explosion s’est produite au premier étage de l’immeuble vétuste, au 58 de la rue Pierre-Brossolette au Village. La déflagration, qui a été entendue à 5 km, a poussé la façade vers l’extérieur. Elle est désormais bombée et lézardée de larges fissures, prête à s’effondrer. De l’autre côté de l’immeuble, le mur donnant sur la cour a lui disparu.
« C’était la bouche de l’enfer »
Nenad Markovic, le père de famille, est brutalement réveillé par l’explosion. Il confie ne pas comprendre alors ce qui se passe. « Quand j’allume la lumière, je découvre que tout est brisé, en vrac. Tout s’est envolé dans l’appartement. Il n’y a plus d’aquarium. La porte de la cuisine s’est retrouvée dans le salon. On arrivait à peine à se déplacer. » Il découvre que l’immeuble a bougé. « Je vois le mur de la rue qui se sépare du plancher », poursuit-il en décrivant dans un geste un espace béant d’une cinquantaine de centimètres. « On voyait la rue. Les flammes sortaient. C’était la bouche de l’enfer. »
Sur les images filmées par les témoins alors que les pompiers ne sont pas encore arrivés, le feu ravage l’appartement du premier étage après l’explosion. Les flammes s’échappent à l’extérieur par la fenêtre de droite lorsque les secours commencent à mettre en œuvre la première lance à eau. Une seconde sera déployée sur une échelle.
« Les pompiers étaient là trois minutes après que Damian les a appelés. Heureusement qu’il était plus conscient que nous… » L’adolescent a réagi très rapidement. « On voyait le feu. J’ai pris ma respiration pour ne pas respirer les fumées », raconte l’adolescent. « La porte d’entrée était bloquée. Il y avait des gravats devant qui empêchait de l’ouvrir. J’ai dû la casser pour qu’on puisse sortir. Dans l’escalier, il y avait de la fumée très noire, encore des gravats… Mais on est sortis. » En sécurité, la famille est alors transportée et à l’hôpital, reçoit de l’oxygène.
Une enquête a été ouverte au commissariat de Sarcelles pour blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité. Il y avait des travaux très récemment au niveau du 1er étage d’où le sinistre est parti, ce qui a été établi.
Dans le cadre de l’enquête, des témoins ont été entendus ainsi qu’un expert judiciaire qui a pu faire des constatations. Mais à ce stade des investigations, il est impossible d’établir le lieu précis d’une éventuelle fuite de gaz. Cela demeure aujourd’hui l’hypothèse la plus probable pour expliquer l’explosion, bien que le gaz de ville soit coupé, depuis 2016 précise même la famille Markovic. Celle-ci confirme les travaux engagés au premier étage « pour rénover l’appartement », mais aussi au rez-de-chaussée ou, selon elle, une laverie devait ouvrir. Lors de l’incendie, des occupants sans titre ont été également retrouvés dans l’immeuble, notamment dans la cour. Ce qui ouvre un peu plus les hypothèses quant à l’origine de l’explosion et de l’incendie.
« On a perdu dix ans de notre vie, mais on a réussi à sortir »
Une fois dehors et en sécurité dans la nuit, Nenad ne ressent pas pour autant une délivrance. « J’ai ressenti de la tristesse. La maison partait en fumée. J’étais bien. C’est ma vie ici », confie-t-il devant l’hôtel. « Nous n’avons plus rien. C’est dix ans de notre vie qui est partie. Nous sommes arrivés ici en février 2014. J’avais pris cet appartement parce que le Village à Sarcelles, cela me plaisait. On n’a jamais eu de problème ici. J’espérais aller jusqu’à la retraite dans l’appartement ! Ce que vous voyez sur nous, les vêtements, ils ne sont pas à nous. Ce sont les amis, les collègues qui nous les ont donnés. Tout est parti. Mais on est vivant. »
Alors il remercie tout le monde. La France, la mairie, les pompiers, les policiers, son entreprise de bâtiment, Grand Frais où travaille sa femme, ses collègues qui font preuve de solidarité. « J’oublie de remercier le Bon Dieu… » « On a perdu dix ans de notre vie, mais on a réussi à sortir », ajoute Damian, qui est scolarisé au lycée Jean-Jacques-Rousseau, à Sarcelles.
Reste pour la famille à trouver un nouveau logement, son souhait le plus cher. « Le reste, on va se débrouiller. On travaille », assure Nenad, qui confie que son propriétaire, « s’est donné du mal » pour lui trouver un 40 m2 à Saint-Brice, « mais plus petit et plus cher ».
« J’ai appelé toutes mes connaissances pour essayer de trouver quelque chose qui ne soit pas trop loin pour Damian », reprend Gordana, dont le fils est suivi médicalement. Elle a du mal à se remettre. « Cela revient dans ma tête le soir quand j’essaye de dormir. Je vois toujours le feu. J’entends l’explosion, les bombardements de la Serbie. C’était en 1999, je vivais à côté de Velika Plana, à 100 km de Belgrade… »
La famille attend aussi des nouvelles de l’enquête. Quant à l’immeuble, il risque d’être démoli prochainement. L’expert qui est passé mercredi matin, doit rendre son rapport qui concerne aussi les voisines de l’immeuble qui ont été évacuées par mesure de sécurité.
2023-12-17 20:12:00
1702851438
#Sarcelles #les #miraculés #lexplosion #veulent #savoir #pourquoi #ils #ont #failli #mourir