La date tant redoutée est finalement tombée. À Sarcelles, les habitants de la tour Guyenne seront évacués ce lundi matin. « On ne veut pas que Sarcelles viennent se rajouter à la liste des villes des incendies mortelles », affirme ce vendredi le maire (PS) de la commune, Patrick Haddad. « On parle de vie ou de mort ici. C’est une évacuation nécessaire et courageuse », abonde le préfet du Val-d’Oise, Philippe Court, lors d’une conférence de presse commune. Une opération de déminage face à certains propriétaires qui ont le sentiment d’être spoliés.
Pour les responsables publics, aucun doute : cette copropriété dégradée de 17 étages et 67 logements, datant de 1972, comme le quartier des Flanades dans lequel elle est située, représente un véritable « danger » pour ses résidents. Au nombre de 144, dont « 58 enfants », selon le diagnostic social mené depuis plusieurs mois. Ceux-ci, « informés depuis plusieurs semaines », se sont vu notifier la date exacte de leur déménagement imposé seulement mardi dernier. Cependant, depuis le 4 décembre déjà, un arrêté de mise en sécurité placardé sur les murs de l’immeuble laissait craindre une expulsion imminente. « À quelques jours des fêtes de fin d’année, cette décision n’est pas simple mais elle est responsable. Dans cette copropriété vivent des familles avec des enfants que nous devons mettre en sécurité. C’est mon rôle, ma responsabilité », souligne Patrick Haddad.
Des signalements de la part des pompiers et des bailleurs
Une décision qui fait suite à de « nombreux signalements de la part des pompiers et des bailleurs » au fil des ans concernant le non-respect des normes de sécurité incendie et électriques, ainsi que « l’absence de chauffage collectif incitant les locataires à utiliser des moyens de chauffage alternatifs qui occasionnent d’importants risques d’incendie ».
Des alertes confirmées par deux rapports d’un expert mandaté par le tribunal administratif, que Le Parisien a pu consulter. « Il existe un danger grave et imminent pour les occupants et les tiers. Il concerne autant les parties communes que privatives », peut-on notamment lire dans les conclusions préconisant un certain nombre de travaux à réaliser impérativement sous « 48 heures » pour certains. « À défaut d’intervention dans le délai imparti, les appartements concernés devront impérativement être évacués par leurs occupants », écrit l’expert.
Surendettée, la copropriété ne peut pas payer les travaux
Surendettée et placée sous administration judiciaire, la copropriété n’est cependant pas en mesure de faire les travaux. Le passif de charges impayées dépasse aujourd’hui le million d’euros. « Cette situation est d’autant plus préoccupante que la tour est située au cœur du Grand Ensemble. Par conséquent, la propagation d’un incendie aurait des conséquences dramatiques pour les résidents des bâtiments adjacents », relèvent le maire et le préfet, rappelant qu’en mars 2022, un sinistre s’était déclenché dans la tour voisine. Seuls des blessés légers avaient été à déplorer. Mais cette semaine, cinq personnes ont été hospitalisées dans une explosion au gaz dans un autre quartier.
Quel avenir pour les habitants ? L’État et la ville s’engagent à « aller au-delà de leurs prérogatives » et à fournir un « hébergement d’urgence » ainsi qu’un « accompagnement social » pour faciliter leur relogement. Des bus mèneront donc ces derniers dans un hôtel de Pierrelaye. Mais seulement pour les occupants bénéficiant d’un bail. Rien n’est prévu pour les présents « sans droit ni titre ». « On se substitue déjà à des propriétaires privés qui, normalement, ont la charge de reloger leurs locataires. On ne peut pas aller encore plus loin », estime le préfet.
Combien sont-ils ? « Nous n’aurons pas de chiffres avant lundi mais ils sont nombreux. Pas loin de la moitié sans doute », précise Philippe Court. Dans le viseur de la préfecture, les marchands de sommeil qui gangrèneraient la tour ne comptant plus que sept propriétaires occupants. « Celle-ci a déjà fait l’objet de deux opérations ciblées. Une quinzaine de lits superposés ont par exemple été retrouvés dans un F4 », note la ville.
« Où est-ce que je vais aller habiter ? »
Des arguments qui ne convainquent toujours pas certains habitants de la tour Guyenne encore présents, quelques-uns étant déjà partis. Comme Françoise Gibert et son mari, qui estiment le danger « largement exagéré ». « On ne peut pas virer les gens ainsi pour quelques travaux à faire. On n’a même pas eu de lettre recommandée », tempête son époux ce vendredi.
« Nos enfants vont à l’école, font du sport en club. Tout va s’arrêter », déplore le couple. Leur voisine, propriétaire depuis sept ans, accepte mieux l’application du principe de précaution mais s’inquiète néanmoins pour ses affaires et son avenir. « Apparemment, on doit partir avec le minimum. On nous dit que l’on pourra revenir chercher des affaires. Quand ? Comment ? », interroge-t-elle.
Des craintes pour le court mais surtout le long terme. « Il paraît qu’on va devoir vendre nos appartements. Je ne veux pas moi. Où est-ce que je vais aller habiter ? », se tracasse-t-elle. C’est en effet ce qui est annoncé. « Aucune option viable n’était envisageable, à l’exception du rachat de la tour par la commune. Cependant, la municipalité ne pouvant pas supporter financièrement sa réhabilitation, elle la confiera à un opérateur », précise Patrick Haddad. La ville a ainsi obtenu 5,7 millions d’euros d’aide de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).
2023-12-15 22:50:00
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