Dumas, l’ombre du mousquetaire noir

Dumas, l’ombre du mousquetaire noir

2023-12-26 03:00:00

L’idée n’est pas du tout farfelue, si l’on considère que les romans historiques de Dumas sont créés très librement, avec des injections fantastiques très significatives. D’Artagnan et ses compagnons sont le résultat d’une invention libre – même si elle a été créée en partie à partir d’extraits biographiques de personnages réels. Et Milady, la terrible et très méchante Milady, est une figure délicieusement mythique. Alors pourquoi ne pas enrichir le casting, en l’adaptant peut-être à la sensibilité de l’époque (et à un certain exotisme contemporain) avec un mousquetaire noir ? C’est ce qu’ils ont fait en France dans un film qui connaît depuis une dizaine de jours un grand succès en salles et en streaming, le véritable Noël colossal : Les Trois Mousquetaires: Miladyréalisé par Martin Bourboulon, le deuxième chapitre d’une série qui promet de s’étendre au cours des prochaines années (il devrait arriver ici en mars).

La nouveauté n’a pas fait scandale, elle a au contraire suscité une certaine curiosité (rien à voir bien sûr avec le Black Hannibal incarné par Denzel Washington dans la nouvelle série Netflix, qui a suscité des protestations de la Tunisie, pays qui revendique dans son histoire ancienne et héritage de la culture carthaginoise). Dans les romans de Dumas, il n’y a évidemment pas de mousquetaire africain ; mais dans la France du XVIIe siècle, il existe au moins une trace intéressante, une possibilité qui n’a pas été envisagée : car le personnage du film a pour origine un personnage historique, un prince ivoirien nommé Aniaba, né en 1672. Il est arrivé à Paris à l’âge Agé de 15 ans, il fut baptisé par Mgr Bossuet avec un parrain exceptionnel, à savoir Louis XIV, il fut accueilli à la cour de Versailles et enrôlé dans la cavalerie du roi jusqu’en 1701, date à laquelle il retourna en Côte d’Ivoire.

Il existe des documents et des lettres qui parlent de lui. Un roman anonyme de 1740, redécouvert il y a seulement une vingtaine d’années, racontait l’histoire avec on ne sait quelle précision ; et enfin, à peu de distance de la réédition de cette antiquitéo Histoire de Louis Anniaba: Roi d’Essenie en Afrique sur la Cote de Guinéeun écrivain contemporain, Frédéric Couderc, a eu l’idée de se réapproprier le récit en le mettant en circulation avec un nouveau roman. Prince Ébèneoù il le définit comme « le premier officier noir de l’armée française » ou encore « mousquetaire noir ».

Pour faire court : Dumas quand il écrivait Les trois Mousquetaires il n’avait pas la moindre idée de l’existence de cet homme (aujourd’hui rebaptisé Hannibal), mais si par hasard des nouvelles lui étaient parvenues il ne l’aurait probablement pas négligé. Aussi parce que l’écrivain ne cachait pas sa descendance : son père, un héroïque général napoléonien, était en effet né à Saint-Domingue d’une jeune esclave africaine, Marie Cessette, et du noble français Davy de la Pailleterie (qui le vendit comme esclave). enfant comme esclave, bien qu’il l’ait racheté plus tard). Il en est fier, à tel point qu’on lui a transmis à ce sujet une phrase célèbre – qui sait s’il l’a réellement prononcée – adressée à un interlocuteur un peu raciste: «Oui, mon père était mulâtre, ma grand-mère était noire et mon arrière-grand-mère était un singe. Comme vous pouvez le constater, mon arbre généalogique commence là où se termine le vôtre. » S’il avait jamais rencontré, dans ses recherches, le bon prince Hannibal, qui n’était peut-être pas mousquetaire, non seulement il l’aurait au moins jeté dans ses bras, mais il l’aurait enrôlé sur-le-champ.



#Dumas #lombre #mousquetaire #noir
1703627713

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.