La France à la conquête de l’éolien en mer : enjeux et perspectives

La France à la conquête de l’éolien en mer : enjeux et perspectives

En 2022, la France inaugurait en grande pompe son premier parc éolien en mer, celui de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) d’une puissance d’environ 500 mégawatts (MW). Pour autant, l’Hexagone reste encore loin des meilleurs élèves de la classe en la matière et ne se hisse qu’au septième rang mondial, en termes de capacités installées, se faisant encore largement distancer par le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark et même, la Belgique. Néanmoins, « l’année 2024 s’annonce comme une année charnière tant en matière de planification que d’exécution », estime Yara Chakhtoura, présidente de Siemens Energy France.

De fait, au cours des prochains mois, deux nouveaux parcs en mer devraient être connectés au réseau électrique tricolore. La société Ailes Marine, filiale du groupe espagnol Iberdrola, a annoncé il y a quelques jours avoir installé la 62e et dernière éolienne du parc de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) et une mise en service progressive tout au long du premier trimestre 2024. Le démarrage du parc de Fécamp (Seine-Maritime), piloté par EDF Renouvelables, est lui attendu pour le printemps 2024. Chacun des deux parcs affichera une puissance proche de 500 MW, portant ainsi la capacité installée de l’éolien au large des côtes françaises à 1,5 gigawatt (GW).

Reste que le plus grand défi pour l’Hexagone est de parvenir à changer d’échelle, alors que la nouvelle stratégie française pour le climat et l’énergie vise désormais un objectif de 18 GW à l’horizon 2035.

« C’est un objectif exigeant, mais il demeure atteignable. Toute la filière est mobilisée pour ce challenge, qui nécessite de se préparer. Le plus grand catalyseur, ce sont les commandes, et donc, les appels d’offres. Par conséquent, atteindre et maintenir un rythme d’un gigawatt d’appels d’offres par an est fondamental pour donner la visibilité nécessaire aux industriels », souligne Willy Gauttier, vice-président de l’éolien offshore flottant chez Technip Energies.

Dans cette optique, la Commission nationale du débat public (CNDP) a lancé un débat public d’ampleur, consacré à la planification maritime. Les quatre façades du littoral français sont concernées par ce dialogue, qui doit se poursuivre jusqu’au 26 avril prochain. L’enjeu est de taille, alors que l’éolien en mer est aussi confronté aux problématiques d’acceptabilité, tant pour des raisons de biodiversité, que de partage des usages, notamment avec les activités de pêche. L’objectif consiste donc à identifier les zones maritimes prioritaires à l’implantation de nouveaux parcs éoliens en mer au cours des dix prochaines années. Et ce, afin d’enclencher une nouvelle approche d’appels d’offres par façade, et non plus site par site, pour mutualiser les débats.

« Si on ne parvient pas à définir ces zones prioritaires, les objectifs de la France seront compromis », met en garde Yara Chakhtoura. Pour alimenter ce débat, l’association France Renouvelables prévoit de publier différentes cartographies de répartition des sites éoliens, selon les critères privilégiés : comme le pouvoir d’achat des consommateurs (qui suppose des parcs plus près des côtes), les compétences disponibles dans les territoires (qui pourraient conduire à une certaine concentration des parcs) etc.

L’année 2024 sera par ailleurs décisive pour l’éolien flottant. Le lauréat du premier appel d’offres pour un parc commercial s’appuyant sur cette technologie en France (AO5 Bretagne Sud) sera connu au premier semestre 2024. Le développeur désigné lancera alors à son tour des appels d’offres auprès de fournisseurs. Les résultats de l’AO6, en Méditerranée, eux, sont attendus quelques mois plus tard. En parallèle, les trois premières fermes pilotes en technologie flottante seront mises en service au large des côtes tricolores.

Cette technologie, encore très émergente, et bien plus coûteuse que l’éolien posé, est stratégique pour la France, dont la profondeur des fonds marins s’accentue très rapidement rendant inadaptées les éoliennes marines classiques.

« La part de l’éolien flottant en France sera significative. Il devrait représenter environ 6 GW, soit un tiers des capacités d’éoliennes en mer installées à l’horizon 2035 », rappelle Willy Gauttier.

Dans ce contexte, Emmanuel Macron entend faire de l’Hexagone un leader en la matière : il a annoncé débloquer une enveloppe de 200 millions d’euros. Toutefois, au-delà de la vive compétition internationale sur la pièce maîtresse que constitue le flotteur, gagner la course de l’éolien flottant suppose de disposer des infrastructures portuaires adéquates, pour accueillir ces géants à pales. Et pour cause, chaque unité peut peser jusqu’à plusieurs milliers de tonnes. Or, les ports français ne sont pas adaptés et des investissements colossaux seront nécessaires.

Une part de l’enveloppe annoncée par le chef de l’Etat y sera consacrée, tandis qu’une consultation est en cours. Objectif, orienter les aménagements et les financements à venir.

Plus généralement, la France et l’Union européenne veulent à tout prix éviter de répliquer le fiasco de l’industrie solaire, dont le marché est désormais ultra dominé par la Chine. Le paquet éolien présenté par Bruxelles en fin d’année, bien que non contraignant, va dans ce sens en encourageant les Etats membres à intégrer dans leurs appels d’offres des critères « non prix », comme la création d’emplois locaux ou encore la performance environnementale.

« Si le prix est le seul facteur retenu, cela pourrait mettre en difficultés la filière industrielle européenne », prévient Yara Chakhtoura, alors que Siemens Gamesa, filiale espagnole de Siemens Energy spécialisée dans l’éolien, est en pleine restructuration après avoir subi de plein fouet l’inflation couplée à des difficultés industrielles.

Or, si les turbiniers chinois, comme Mingyang et Goldwind, ont un immense marché intérieur à desservir, ils ne cachent pas non plus leur appétence pour le Vieux Continent. « Dans l’éolien flottant, nous travaillons sur des études pour des sites européens où les turbiniers chinois sont pressentis », rapporte Willy Gauttier, sans pour autant s’en alarmer…

En savoir plus : La bataille de l’éolien en mer se gagnera aussi à terre

Juliette Raynal
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