Glyphosate : L’Union européenne renouvelle son autorisation malgré les soupçons de risques pour la santé

Glyphosate : L’Union européenne renouvelle son autorisation malgré les soupçons de risques pour la santé

En novembre 2023, l’Union européenne a renouvelé l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate pour dix ans. Sa décision était fondée sur l’avis rendu en juillet 2023 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), avis qui n’a pas identifié de domaine de préoccupation spécifique. Mais plusieurs experts l’ont contesté, en invoquant le classement du glyphosate comme cancérigène probable pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015 et les résultats d’une expertise collective publiée en 2021 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Cette dernière concluait à “un risque accru de lymphome non hodgkinien (LNH) avec une présomption moyenne de lien”, c’est-à-dire l’existence d’au moins une étude de bonne qualité montrant une association statistiquement significative entre la pathologie et l’exposition au glyphosate. Xavier Coumoul, professeur de toxicologie et de biochimie (Paris Cité), fait le point dans un article de La conversation.

Pour mémoire, le glyphosate est un pesticide ayant des propriétés herbicides. Il est largement utilisé en agriculture dans le monde du fait de son efficacité et de son prix “attractif”. Il est le plus souvent associé à d’autres produits destinés à faciliter sa pénétration dans les organismes cibles. Du fait de son utilisation par épandages, sa principale voie d’absorption chez l’être humain est la peau. Il peut aussi être absorbé par l’ingestion de denrées alimentaires en contenant (lait, œufs, viande, graines, etc.), mais il s’y trouve à des concentrations inférieures aux limites maximales de résidus de pesticides autorisés légalement en alimentation. Une fois dans l’organisme, il est rapidement absorbé et éliminé (demi-vie de 5 à 10 heures).

En 2021, les experts de l’Inserm ont fait passer le niveau de présomption de lien entre l’exposition au glyphosate et le risque de survenue d’un LNH de faible à moyen, au vu des résultats d’une méta-analyse portant sur plus de 300.000 sujets, qui avait recensé 2.430 cas de LNH (elle a rassemblé les données de trois cohortes agricoles : américaine, norvégienne, française). Ses auteurs avaient conclu “qu’il existe bien une association statistiquement significative entre le risque de survenue d’un type de lymphome non hodgkinien et l’exposition aux produits à base de glyphosate”.

De plus, les études expérimentales ont montré que celui-ci comporte un potentiel de génotoxicité, avec une incertitude sur l’induction de cancers chez l’animal de laboratoire. L’avis de l’Inserm faisait également état d’hypothèses sur son potentiel de perturbateur endocrinien. En particulier, plusieurs études expérimentales “vivant” et “in vitro” ont montré que les formulations à base de glyphosate perturbent certaines voies de signalisation hormonale (avec des impacts sur l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique). Enfin, plusieurs études ont montré que le glyphosate seul est moins toxique que les produits l’associant à d’autres substances.

Vers une modification de la méthodologie de l’EFSA

Comment se fait-il que l’agence européenne (EFSA) n’ait pas repris ces données ? Pour Xavier Coumoul, la divergence tient à une question de méthode. Le CIRC et l’Inserm ont une démarche académique tenant compte d’études universitaires nombreuses et variées construisant “un continuum de connaissances” validées par les pairs. L’EFSA s’appuie sur des études réalisées par les industriels eux-mêmes et sur quelques études universitaires qu’elle considère comme robustes.

Cela étant, l’agence admet que “sa méthodologie doit évoluer”. Ainsi, l’Union européenne et ses agences financent des programmes ayant pour but de construire de nouveaux tests réglementaires. De plus, la Commission européenne mandate des scientifiques pour qu’ils lui recommandent des mesures à prendre en faveur de la santé environnementale. En effet, la “santé planétaire” est de plus en plus un objet de préoccupation. Par exemple, il a été montré que des abeilles exposées par voie orale à des doses environnementales de glyphosate sont plus à risque de développer des infections opportunistes, ce qui pourrait diminuer leur population et compromettre leur indispensable fonction pollinisatrice, donc la production agricole…
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2024-01-02 15:51:14

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