2024-01-04 17:35:00
Le Suisse Niklaus Wirth a développé le langage informatique Pascal de 1968 à 1972. Il a reçu le prix Turing en 1984 pour ses réalisations. Comme on le sait désormais, l’informaticien de 89 ans est décédé le 1er janvier 2024. Wolfgang Stieler, rédacteur en chef de TR, a mené une interview avec Wirth en 2016. Il y critique le fait que l’augmentation des performances des ordinateurs n’a pas eu d’impact sur la programmation.
Publicité
Monsieur Wirth, avons-nous besoin de l’informatique dans les écoles pour que les gens puissent encore prendre des décisions judicieuses à l’ère numérique ?
Chaque fois que quelqu’un ne comprend pas quelque chose, mais se sent néanmoins obligé d’y faire face, le risque est grand que des peurs surgissent. Je peux m’identifier à cela d’une certaine manière. Les technologies de l’information touchent de plus en plus de domaines de la vie. Nous sommes de plus en plus dépendants de la technologie, ce qui est inquiétant. Il est donc d’autant plus important d’aborder l’informatique à l’école. Pas tant pour former des informaticiens, mais pour créer certaines connaissances de base.
D’un autre côté, des millions de conducteurs n’ont aucune idée du fonctionnement d’un moteur à essence et restent de bons conducteurs. Pourquoi les ordinateurs devraient-ils être différents ?
L’exemple de la voiture ne rend pas justice à l’informatique. Car cette dernière est, contrairement à toutes les autres machines, une machine universelle. On peut l’utiliser pour construire une machine à laver, un téléphone ou un système de contrôle pour une centrale nucléaire, c’est toujours le même principe. Les étudiants ne sont pas obligés d’être capables d’écrire eux-mêmes des programmes. Mais ils doivent comprendre ce que dit un programme. C’est la même chose en littérature : tout le monde apprend à lire, mais tout le monde n’est pas obligé d’être écrivain.
Une partie de la peur ne vient-elle pas aussi de la peur de faire des erreurs ? Souvent, le logiciel ne fonctionne pas aussi bien que les freins de ma voiture.
L’ordinateur repose sur les mêmes principes simples qu’il y a soixante ans. Mais les performances ont été multipliées par un million. Cependant, l’effet de cette augmentation des performances sur la programmation est très négatif – notamment sur la discipline de programmation. Autrefois, les ressources étaient extrêmement limitées, mais aujourd’hui tout est disponible en abondance : le stockage, la puissance de calcul, la capacité de transmission, tout simplement. Plus personne n’est obligé d’économiser. Mais programmer signifie maintenir de la discipline et être attentif à chaque instant pour éviter toute complexité inutile. Cette réflexion disparaît de plus en plus. Car une telle optimisation demande du temps. Cela coûterait beaucoup plus cher que d’acheter simplement un peu de matériel. C’est pourquoi cela n’est pas fait.
Pourquoi est-ce mauvais ?
Ces programmes créés rapidement ne sont pas seulement moins économiques. Ils contiennent également plus d’erreurs.
Va-t-on finir par perdre le contrôle de l’informatique ?
Bien sûr, il ne faut pas être trop pessimiste. Cela fonctionnera d’une manière ou d’une autre. Mais je pense qu’il serait possible de progresser plus rapidement et plus sûrement que nous ne le faisons actuellement. Tous ces programmes complexes pourraient être programmés plus proprement dès le départ si plus de temps était accordé.
Quand vous faites cette critique aux entreprises, que disent-elles ?
Nous n’avons pas le temps pour ça. Ils peuvent simplement gagner plus d’argent en accélérant les choses. Payer un bricoleur pour ajouter la touche finale n’est plus une option.
Un langage informatique comme Pascal aurait-il pu émerger dans ces conditions ?
Une telle chose ne serait plus possible aujourd’hui. Il n’a pas été créé dans le cadre d’un projet spécifique, mais plutôt en parallèle de mes fonctions d’enseignant. Aujourd’hui, je devrais d’abord collecter des fonds grâce à des financements tiers. Mais quelle entreprise serait intéressée par les questions de programmation éducative ? À propos de développer une langue facile à enseigner en classe tout en mettant en avant les principes sous-jacents ? Ce serait un peu trop demander aujourd’hui.
(wst)
#Niklaus #Wirth #Optimiser #programmation #prend #temps
1704431224