La gestion des gardiens du Canadien de Montréal : une reconstruction inclusive?

La gestion des gardiens du Canadien de Montréal : une reconstruction inclusive?

En temps normal, il n’y a pas grand-chose de plus ennuyant qu’un débat sur l’utilisation des gardiens du Canadien de Montréal. Avant cette saison, les plus vieux partisans de l’équipe croyaient probablement avoir tout lu et tout entendu sur ce sujet crucial. Or, ce n’est peut-être plus le cas parce que, incroyablement, la direction de l’organisation est en train de réinventer le genre.

Aux yeux des architectes à qui Geoff Molson a confié la reconstruction de son club, miser sur le gardien offrant les meilleures probabilités de gagner semble être un concept totalement dépassé. Quand l’on y pense, il est vrai que les questions du genre “Price ou Halak ?” font un peu 2010. De nos jours, livrer la meilleure bataille possible et avoir le couteau entre les dents tous les soirs n’est plus dans les cartons. Il n’est donc plus question d’exclure qui que ce soit du filet. Nous sommes à l’ère de la reconstruction inclusive! Pour s’en convaincre, il suffit de prendre l’exemple du match de jeudi soir.

Ce soir-là, le Canadien revenait au Centre Bell après avoir complété un exténuant voyage de sept matchs à l’étranger durant la période des Fêtes. Pour cette formation jeune et toujours affaiblie par un nombre anormalement élevé de blessés, il s’agissait du passage le plus périlleux de la saison. Or, grâce à une performance magistrale de Samuel Montembeault mardi dernier à Dallas, le CH était parvenu à sceller ce périple avec une victoire et à rentrer sur ses terres avec 7 points en banque sur une possibilité de 14. Peu de gens croyaient cela possible.

Après ce fameux match à Dallas, les hommes de Martin St-Louis se retrouvaient avec une fiche de 16-16-5 et 37 points de classement, ce qui les plaçait à 5 points d’une place en séries. En plus de renouer avec son public, le CH s’apprêtait à croiser le fer avec l’une des rares équipes de sa division qu’il devance au classement : les Sabres de Buffalo.

Le moment n’était-il pas parfaitement choisi pour battre ledit fer pendant qu’il était encore chaud en renvoyant Samuel Montembeault – c’est-à-dire le gardien no 1 – devant le filet? Montembeault domine les deux autres gardiens du CH avec une fiche de 8-5-3 et une moyenne d’efficacité de ,903 depuis le début de la saison. Le moment n’était-il pas idéal pour miser sur lui et s’offrir les meilleures chances possibles de coller deux victoires et de prendre un peu d’élan?

Mais non. Parce que nous vivons aussi dans un monde où, semble-t-il, le gardien no 1 du Canadien doit désormais se considérer comme chanceux lorsqu’on lui demande de disputer deux matchs de suite. Et cette deuxième sortie consécutive, Montembeault l’avait obtenue lors de sa victoire face aux Stars. Tu parles d’une malchance.

Quand l’on regarde le portrait d’ensemble dans la Ligue nationale de hockey (LNH), la parcimonie dont la direction du Canadien fait preuve dans l’utilisation de son gardien no 1 laisse pantois. À titre d’exemple, Montembeault n’a obtenu que 16 départs cette saison, tandis qu’à Tampa Bay, Andreï Vasilevskiy, dont la saison a débuté le 24 novembre en raison d’une intervention chirurgicale au dos, a déjà entrepris 17 matchs devant le filet de son équipe! Quant aux 20 gardiens qui ont déjà obtenu entre 23 et 32 départs, peut-être sont-ils des extraterrestres?

De toute manière, comme mentionné plus haut, la priorité du Canadien ne consiste pas à retourner chaque pierre pour favoriser ses chances de remporter des matchs. Il semble beaucoup plus important de faire fonctionner un ménage à trois gardiens afin de pouvoir éventuellement obtenir, dans un échange, un lointain choix de repêchage contre Jake Allen ou Cayden Primeau. Ou encore, qui sait, l’objectif consiste-t-il peut-être simplement à progresser le moins possible au classement.

En décidant de laisser Montembeault de côté, les dirigeants du CH se retrouvaient devant deux choix avant d’affronter les Sabres, jeudi :
-Cayden Primeau, qui affiche un rendement gagnant de 4-3-0 et une moyenne d’efficacité de ,901 depuis le début de novembre.
-Ou Jake Allen, qui présentait avant le match de jeudi une fiche de 1-7-1 lors des neuf départs qu’il a effectués depuis le 1er novembre. Cette séquence, tenez-vous bien, plaçait Allen au 55e et dernier échelon dans la LNH pour le nombre de victoires parmi les gardiens ayant obtenu neuf départs. Et au sein de ce même groupe, Allen détenait le 45e rang avec une moyenne d’efficacité de ,887.

Placez-vous deux secondes dans les chaussures d’un dirigeant d’équipe qui veut gagner à tout prix. Lequel des deux choisissez-vous?

Eh bien, comme vous l’avez probablement vu, les penseurs du Canadien ont misé sur Jake Allen. Comme s’il s’agissait d’une ligue récréative. Ou comme si le résultat du match n’avait aucune importance.

Le CH a finalement subi une défaite de 6-1 face aux Sabres. Certains seront sans doute tentés de plaider qu’Allen n’a pas été responsable de ce revers puisque l’attaque montréalaise n’a généré qu’un but.

Il ne faut toutefois pas oublier que les Sabres ne détenaient qu’une mince avance de 2-1 avec 14 minutes à disputer en troisième période. Pour les visiteurs, les vannes se sont ouvertes à compter du moment où le jeune Jack Quinn a déjoué Allen de l’enclave, à cinq contre cinq, après que la défense eut trop reculé.

Montembeault aurait-il effectué cet arrêt? Il est impossible de le savoir. Mais ce que l’on sait, c’est que le meilleur gardien d’une équipe effectue généralement plus d’arrêts clés que le deuxième ou le troisième gardien.

Aujourd’hui, Allen se retrouve avec une fiche de 1-8-1 et une moyenne d’efficacité de ,885 à ses 10 derniers départs. Selon le site Hockey-Référence, cela le situe à égalité pour la pire séquence de 10 matchs disputée par un gardien du Canadien depuis le début de l’ère moderne de la LNH, soit depuis 1967.

Pour les férus de statistiques, José Théodore a connu deux séquences de 1-8-1, en 1998 et en 2003. Mike Condon a compilé la même fiche en 2016 après qu’une lourde blessure à Carey Price l’eut forcé à assumer les lourdes responsabilités de gardien no 1. Quant à Allen, il vit sa deuxième séquence de 1-8-1 à Montréal. Il a traversé le même genre de désert à la fin de 2021.

De ces cinq pires séquences de l’ère moderne chez le Canadien, c’est celle d’Allen cette saison qui est la plus abyssale avec 36 buts accordés.

Allen n’a toutefois pas à s’inquiéter. Parce que les résultats ne sont pas importants chez le Canadien, il continuera à jouer coûte que coûte. Et de son côté, pour les mêmes raisons, Montembeault continuera à bien se reposer.
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