La fièvre des ETF : vers une nouvelle ère pour les cryptomonnaies

La fièvre des ETF : vers une nouvelle ère pour les cryptomonnaies

Les détenteurs de crypto-monnaies du monde entier ont de quoi se réjouir. Alors que les onze demandes d’ETF bitcoin au comptant ont été approuvées par le gendarme américain de la Bourse (SEC) dans la nuit de mercredi à jeudi, les compteurs s’affolent. Au lendemain de l’annonce, le jeton star caracole vers les 49.000 dollars, en hausse de 5% vers 16h, mais l’institut de recherche économique Fundstrat lui prédit un cours encore plus radieux : à 100.000 ou 150.000 dollars dans les 12 prochains mois. La banque britannique Standard Chartered l’attend, elle, à 200.000 dollars d’ici à 2025.

Cette approbation était très attendue par le secteur des cryptos qui avait anticipé cette décision et insufflé depuis plusieurs mois un mouvement haussier sur le bitcoin, lequel a bondi de 156% au cours des 12 derniers mois. Cet adoubement du jeton décentralisé créé au lendemain de la crise financière a d’ailleurs provoqué une hausse de 8% du cours d’ethereum, son challenger, ce jeudi, les investisseurs espérant voir cette autre cryptomonnaie obtenir son propre ETF au comptant dans un futur proche. Pourquoi cette décision est-elle aussi importante ? Réponse en quatre points.

Qu’est-ce qu’un ETF spot?

Traditionnellement, un Exchange traded fund (ETF) réplique la variation d’un indice, lequel mesure la performance d’un panier d’actifs cotés, actions, obligations ou des matières premières comme le pétrole ou l’or. L’exposition au bitcoin via ce type de fonds est déjà possible depuis quelques années dans la plupart des pays mais uniquement de manière synthétique, c’est-à-dire en passant par des contrats à terme.

Or, jusqu’ici, « ces contrats à terme (des sortes de paris à la hausse du bitcoin, ndlr) sous-performent mécaniquement les performances du bitcoin car il y a beaucoup de coûts liés à ces produits et ne sont donc pas très populaires », explique Stanislas Barthelemi, consultant chez KPMG, spécialiste des crypto-actifs.

A l’inverse, les fonds grand public nouvellement autorisés par la SEC et cotés à la Bourse de Chicago vont répliquer le cours du bitcoin en achetant des crypto-actifs au travers de plateformes d’échange. Un véritable game changer selon les experts interrogés « puisqu’il y aura très peu de frais » ajoute le consultant qui précise que ces derniers tourneront autour de 0,20% chez le géant de la gestion d’actifs Blackrock. « Les sociétés de gestion s’engagent dans une course aux clients qui montre qu’il y a un marché et qu’ils veulent se battre pour la place de premier entrant » analyse Justine Destobbeleire, consultante crypto chez Sia Partners.

Pourquoi l’autorisation de ces ETF était autant attendue?

L’autorisation de ce type de produits fait beaucoup de bruit, car le régulateur américain s’est très longtemps battu contre ces ETF. La première incursion des cryptos dans le monde des ETF remonte à 2013, date à laquelle une première demande a été adressée à la SEC. Depuis, la SEC a toujours refusé la création de ces fonds. « L’institution avait des réserves sur le marché des crypto-actifs car la plupart des plateformes d’échange (Binance, Coinbase, Kraken) n’étaient pas régulées et qu’elle n’arrivait pas à bien surveiller ces entreprises ni à obtenir d’elles un partage d’information clair », relève Dramane Meite, responsable produits aux Etats-Unis chez la société de gestion d’actifs crypto Hashdex. Un manque de contrôle sur ce marché naissant qui la rendait incapable de détecter d’éventuelles manipulation de marché ou fraudes organisées par les plateformes d’échange et autres acteurs de l’industrie. « C’est d’ailleurs pour cela que la SEC a accepté les ETF passant par le marché à terme qu’elle surveille bien mieux », ajoute Dramane Meite.

Une frilosité notamment justifiée par la gigantesque fraude orchestrée par la plateforme d’échange FTX, tombée en faillite fin 2022 après avoir détourné l’argent de ses clients. Mais depuis, la pression s’est resserrée sur le régulateur américain. « Le procès contre le gestionnaire Grayscale qu’elle a perdu a été un facteur déterminant dans son changement d’avis », avance le responsable produits de Hashdex.

Le 24 octobre, une cour d’appel fédérale a annulé l’interdiction pour Grayscale de créer son ETF bitcoin en demandant à la Sec de réexaminer le dossier. Face à ce désaveu judiciaire, le gendarme de la Bourse américaine, à court d’arguments, n’a cependant pas fait à son tour appel. L’autorisation de ces ETF marquent donc un premier adoubement des crypto-actifs dans la finance traditionnelle.

Qu’est-ce que cela va changer pour les investisseurs américains?

Et pour cause, les flux financiers pourraient être légion à se déverser dans le cours du bitcoin. Cela se fera au travers des onze fonds de gestion qui viennent d’être adoubés, dont le géant BlackRock, mais aussi Ark Invest, 21Shares, Franklin Templeton, ou Grayscale.

« Il y a une vraie demande des clients particuliers. Mais jusqu’ici, les fonds de pensions ne pouvaient pas proposer beaucoup de produits financiers sur ces actifs ce qui pourrait dorénavant être le cas », anticipe Dramane Meite.

Car jusqu’ici en dehors des quelques ETF synthétiques peu populaires, « une personne voulant détenir du bitcoin n’avait pas forcément d’options satisfaisantes. Les plateformes d’échange ont généralement des frais importants et garder soit même ses crypto-actifs sur une clé privée est technique et prend beaucoup de temps » reconnaît François Laviale responsable des investissements chez la société gestion Alphacap AM.

Avec ces fonds, de nouveaux investisseurs pourraient acheter du bitcoin directement via leur fonds de pension ou leur compte titre en passant par des acteurs réputés. D’autant que « les ETF sont très aimés par les américains et ce marché représente 4,5 trillions de dollars aux Outre-atlantique » rappelle Justine Destobbeleire.

Quel impact sur le marché des cryptomonnaies?

Un changement d’échelle qui pourrait « attirer une quantité importante de capitaux dans le secteur et devrait avoir un impact potentiellement massif sur les valorisations dans l’ensemble du secteur » des cryptomonnaies, a indiqué mercredi Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote.

Si les prédictions restent un art très incertain, les avis sont pour beaucoup très optimistes sur le futur prix du bitcoin. Et pour cause, rien que BlackRock et ses 10.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion pourrait apporter une liquidité sans précédent pour Bitcoin et ses quelque 800 milliards de capitalisation. D’ailleurs « il n’y a pas assez de bitcoins en circulation pour fournir marché des ETF au comptant », prévient François Laviale anticipant une forte tension haussière sur le prix du roi des cryptos dans le futur. « Néanmoins, ces types de transferts de capitaux prennent du temps », nuance Stanislas Barthelemi qui rappelle « qu’il va falloir convaincre les épargnants américains de s’exposer au bitcoin qui a pour réputation d’être très volatile. »

Reste que toutes les planètes s’alignent pour cet actif numérique. « Nous devrions voir apparaître un choc de demande avec ses ETF mais aussi avec le retour de l’attrait pour le risque des investisseurs en cas de baisse des taux directeurs, couplé à un choc d’offre puisque la mise sur en circulation des nouveaux bitcoins va être divisée par deux à partir d’avril lors d’un événement appelé le Halving », avance le financier d’Alphacap AM. Un scénario idéal pour un nouveau marché haussier… à condition que ce dernier ne connaisse pas de nouveau scandale comme celui de FTX. « Bien que nous ayons approuvé aujourd’hui la cotation et la négociation de certains ETF au comptant de Bitcoin, nous n’avons pas approuvé ou soutenu le bitcoin. Les investisseurs doivent rester prudents face à la myriade de risques associés au bitcoin et aux produits dont la valeur est liée aux crypto-monnaies » a d’ailleurs prévenu le président de la Sec, Gary Gensler, juste après l’autorisation des ETF au comptant.