Après avoir épuisé les 26 semaines d’assurance-emploi auxquelles il avait droit en cas de grave maladie, un jeune père de la région de Québec atteint d’un cancer se retrouve en difficulté alors qu’il lui reste encore au moins un an de traitements. Il lance un appel urgent pour que le gouvernement fédéral améliore son programme.
Olivier Beaudoin, 30 ans, a été diagnostiqué d’une leucémie lymphoïde aiguë en juin 2023. Le résident de Saint-Gilles en Chaudière-Appalaches a dû quitter son emploi de directeur des ventes dans une entreprise de construction pour se concentrer sur sa guérison.
“J’ai passé un mois à l’hôpital l’été dernier, donc j’ai dû demander l’assurance-emploi, car je n’avais aucune couverture avec mon employeur. Les médecins m’ont dit que j’aurais besoin d’environ deux ans de traitements et de chimiothérapie”, raconte-t-il.
Les 26 semaines d’aide financière accordées à M. Beaudoin par Services Canada se sont terminées le mois dernier. Comme il ne peut pas retourner au travail en raison de son cancer, le père d’une fillette de deux ans devra trouver un moyen de subvenir à ses besoins pendant les 18 prochains mois sans revenu décent.
“Nous avons une hypothèque à payer, des paiements pour la voiture, et c’est lui qui avait le plus gros salaire des deux”, déplore sa conjointe, Marie-Pier Asselin, qui travaille comme préposée aux bénéficiaires. “Comment une famille de trois peut-elle vivre avec un revenu annuel de 40 000 $ aujourd’hui? Nous vivons déjà assez de stress avec la maladie, nous n’avons pas besoin d’en avoir davantage financièrement.”
Atteint de leucémie, Olivier Beaudoin, 30 ans, a épuisé les 26 semaines d’assurance-emploi en cas de maladie grave auxquelles il avait droit. Il devra poursuivre ses traitements sans toucher de revenu au cours de la prochaine année. Sur la photo, il est accompagné de sa conjointe, Marie-Pier Asselin, et de leur fille de 2 ans.
Photo fournie par Marie-Pier Asselin
Tout essayer
M. Beaudoin ne “voulait pas parler au Journal” au début. C’est après avoir épuisé toutes les autres possibilités qui s’offraient à lui qu’il a décidé de se confier.
“Nous avons examiné toutes les possibilités. Les fondations et les organismes qui aident les malades n’ont pas les moyens. Certains prêteurs offrent des programmes, mais les taux d’intérêt sont autour de 14,5%, c’est irréaliste”, poursuit-il.
Le jeune trentenaire a même essayé de retirer l’argent de son fonds de pension pour subvenir à ses besoins dans les prochains mois.
“Ils ne veulent rien savoir, car pour le faire, il faudrait être certain que je vais mourir dans les deux années qui suivent. Je suis trop malade pour travailler, mais pas assez pour pouvoir toucher à cet argent.”
C’est finalement le père d’Olivier Beaudoin qui devra donner un coup de main à son fils, sa belle-fille et sa petite-fille au cours de la prochaine année. La mère du Gillois est elle-même décédée d’un cancer du cerveau à 57 ans.
Il tentera également sa chance pour obtenir des prestations d’aide sociale de la part du gouvernement du Québec. Le jeune père ne sait toutefois pas si sa demande sera acceptée, puisque les conditions d’admissibilité sont très strictes.
“Même si ça marche, ce ne sera pas assez pour couvrir nos dépenses. Ce serait mieux que rien, mais on ne pourrait pas vivre seulement avec ça”, constate le jeune homme de 30 ans.
«Avoir su»
Alors qu’il s’apprête à retourner à l’hôpital pour un long séjour en raison d’une greffe de moelle osseuse, M. Beaudoin se mord les doigts de ne pas avoir pris d’assurance maladie personnelle.
“Avoir su, c’était clair que je n’aurais pas pris ce risque”, souffle-t-il. “Mais personne ne m’en a jamais parlé et ce n’est pas le genre de choses qu’on nous apprend à l’école, même si c’était important de le faire.”
Les médecins lui ont suggéré de subir une intervention chirurgicale pour réduire grandement les chances de récidives éventuelles de son cancer. Même si elle est nécessaire pour sa survie, cette nouvelle procédure l’éloigne encore plus d’un retour au travail.
“C’est terrible de devoir penser à ça, mais j’ai hésité à subir la greffe. Il a fallu que je me pose la question de savoir si j’avais les moyens financiers de maximiser mes chances de guérison”, conclut Olivier Beaudoin.
Les proches d’Olivier Beaudoin et de Marie-Pier Asselin ont lancé une campagne GoFundMe pour aider le couple à traverser les fastidieux traitements sans inquiétude financière.
Limite de 26 semaines de prestations: une décision «irresponsable et inadmissible» selon le Bloc
Le Bloc Québécois n’est pas surpris de voir que les 26 semaines de prestations d’assurance-emploi en cas de maladie grave ne suffisent pas. Le gouvernement a pris une décision «irresponsable et inadmissible» en ne suivant pas les recommandations des experts dans le dossier, d’après le parti.
“On ne pouvait que s’en douter”, déplore la porte-parole en matière de travail, d’emploi et de développement de la main-d’œuvre du Bloc, Louise Chabot. “Le gouvernement a essayé de couper la poire en deux et les gens en souffrent. J’ai énormément de compassion pour eux.”
Envers et contre tous
La députée de Thérèse-de-Blainville fait référence à la décision prise par le gouvernement libéral en novembre 2022 de faire passer de 15 à 26 le nombre maximal de semaines, alors que tous les partis d’opposition souhaitaient que le plafond soit fixé à 50.
“Tous les documents qui nous ont été présentés pendant l’étude du projet démontraient qu’il fallait en moyenne 41 semaines pour se soigner de maladies graves. […] Les cancers ne se guérissent pas en six mois”, poursuit-elle. “Les maladies épisodiques comme la sclérose en plaques peuvent aussi nécessiter un traitement plus long que la période d’aide que Services Canada peut octroyer.”
Mmoi Chabot n’a pas manqué de souligner qu’en 2012, le Parti libéral était lui-même d’accord pour faire passer la période d’admissibilité de 15 à 50 semaines quand une pétition de 600 000 signatures pour demander cette mesure a abouti à la Chambre des communes.
De plus en plus
Atteint de leucémie lymphoïde aiguë, Olivier Beaudoin confie que les travailleuses sociales qu’il a rencontrées depuis son diagnostic voient des cas comme le sien “chaque semaine”.
“Le nombre de cancers va continuer d’augmenter dans les prochaines années”, fait valoir le jeune père. “Il faut que les choses changent.”
Pour sa part, Mmoi Chabot soutient qu’il y a “beaucoup plus de travailleurs qui ne bénéficient pas d’une assurance collective avec leur employeur que l’on peut le croire”.
“On le dit depuis le début: ça prend une réforme complète de l’assurance-emploi qui correspond aux besoins actuels”, affirme-t-elle.
L’histoire des prestations d’assurance-emploi en cas de maladie grave
- 1971 : La première mouture de la Loi sur l’assurance-emploi (maladie grave, blessure et mise en quarantaine) est adoptée. Les prestataires ont droit à 15 semaines d’aide financière.
- 2009 : Une pétition pour augmenter le nombre maximal de semaines récolte 600 000 noms à travers le pays. Malgré plusieurs projets de loi au fil des ans, la législation demeure inchangée.
- 2019-2020 : Émilie Sansfaçon, une jeune mère de Québec atteinte d’un cancer, porte la cause du manque de soutien financier pour les malades à la Chambre des communes. Elle a été emportée par la maladie avant que les choses ne changent.
- 2021 : Le Bloc Québécois lance le projet de loi Émilie Sansfaçon et demande au gouvernement libéral de faire passer le nombre de semaines maximal de 15 à 50.
- 2022 : Le gouvernement de Justin Trudeau décide de bonifier la période de prestation d’assurance-emploi en cas de maladie grave à 26 semaines. Tous les partis d’opposition souhaitaient que la limite soit fixée à 50.