Fiuna Seylan Ongen: Portrait d’une carrière internationale et d’un engagement pour la coexistence

Fiuna Seylan Ongen: Portrait d’une carrière internationale et d’un engagement pour la coexistence

Fiuna, de son côté, a commencé ses études en France en management avant de bénéficier d’une bourse qui lui a permis de passer quatre ans au Japon à étudier l’anthropologie. Ensuite, elle a travaillé pendant vingt-cinq ans chez Nestlé, où ses compétences linguistiques (français, turc, allemand, anglais, japonais, espagnol) l’ont préparée à occuper des postes à l’étranger. “J’ai passé dix ans en Grèce, en Turquie, au Portugal, à Hong Kong et en Malaisie.” Puis elle est retournée au siège à Vevey. C’est là qu’elle a rencontré Massimo Sandri, un Italien d’origine, président du POP vaudois et figure de proue de l’association Coexistences.

Dans des familles lausannoises
Coexistences compte 120 membres, dont une trentaine sont très actifs, a un budget d’environ 100 000 francs provenant des cotisations, des dons (y compris de la Loterie Romande), des aides du canton de Vaud et du Département fédéral des affaires étrangères. Chaque année – ou presque, en raison de la pandémie de Covid – plusieurs groupes de 12 à 20 jeunes d’Israël, de Jérusalem et de Cisjordanie, accompagnés d’interprètes et de facilitateurs, séjournent en Suisse pendant une dizaine de jours. Ils sont logés deux par deux, par des binômes israélo-palestiniens, dans des familles lausannoises. Au programme, des visites – notamment au siège des Nations Unies à Genève – des rencontres avec des juifs et des musulmans vivant en Suisse, une conférence sur le système politique fédéral, un séjour en chalet avec des randonnées en montagne. “C’est un peu l’idée de l’Orchestre du Divan occidental-oriental de Daniel Barenboim et feu Edward Saïd : depuis 1999, il réunit chaque été en Europe des musiciens d’Israël et des pays arabes voisins, qui viennent jouer ensemble.”

Ce n’est pas la foi qui anime Fiuna Seylan Ongen dans son travail pour Coexistences. “Née dans une famille aussi multiculturelle, je suis agnostique. Mais j’ai des valeurs humanistes, je veux croire en ce qu’il y a de bon en l’homme. Côté religion, j’ai fait le choix de ne pas choisir : à mon avis, cela aurait été un appauvrissement de mon héritage multiculturel.” Ce qui l’a incitée à assumer la présidence ? “Il y avait un besoin. Je suis dans l’action, pratique, curieuse, je parle pas mal de langues, je suis à l’aise à l’international. J’ai besoin de me remettre en question et d’approfondir. J’ai personnellement fait l’expérience de la force libératrice d’une parole de reconnaissance de l’Autre : je te vois, je t’entends, je te reconnais, j’apprécie ce que tu apportes. Je te respecte.”

Le rôle des migrants
Elle cite Tobie Nathan, le psychologue juif égyptien, devenu professeur à l’Université Paris 8 : “Il a su mettre en mots quelque chose qui m’est fondamental : à cheval entre l’Europe où j’ai grandi, la Turquie et le Japon dont je suis familière, j’ai toujours déploré que l’entre-connaissance de ces sociétés soit lacunaire et submergée de stéréotypes que je juge affligeants. J’ai, chevillé au corps, le besoin de contribuer à une meilleure compréhension entre les cultures, de servir de pont, d’interprète. Or Tobie Nathan parle à merveille de ce rôle charnière de ponts et d’interprètes entre la culture locale et la culture d’origine qu’assument les deuxième et troisième générations de migrants. La position de métisse n’est pas toujours aisée. Je lui suis reconnaissante de la valoriser.”

Depuis 2020, Fiuna est aussi membre bénévole et co-présidente de la commission d’information de la Fedevaco, la Fédération vaudoise de coopération, qui regroupe une cinquantaine d’organisations actives dans la coopération au développement (Fondation Hirondelle, Paysans solidaires, Public Eye, Medair, etc.). Et depuis peu, elle siège au comité de conseil de B8 of Hope (prononcer “beit”, qui signifie “maison” en arabe et en hébreu), une ONG genevoise qui encourage la coopération entre juifs et arabes. Depuis le 7 octobre dernier, des personnalités comme Fiuna Seylan Ongen ne sont pas de trop pour recoller tout ce qui a été cassé, saccagé.

Profil
1964 Naît à Paris, grandit en France.
1987 Part étudier au Japon, puis travaille pour Nestlé en Grèce, en Turquie, au Portugal, à Hong Kong, en Malaisie.
2004 Mariage avec Can (prononcer “Djan”) Ongen, directeur opérationnel dans la pharma.
2005 Naissance de son fils Bora Naoto Maxime, suivi en 2009 par Ediz Akio Louis.
2008 Devient membre de Coexistences, dont elle assume la présidence dès 2013.

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.