2024-01-19 12:21:37
Le développement technologique de ces dernières années a permis à nous, archéologues, de mieux connaître que jamais comment vivaient les gens d’autrefois. Ce qu’ils mangeaient, à quoi ressemblait leur vie de tous les jours. Et aussi, pourquoi pas, ses conditions hygiéniques et sanitaires. Pour étudier ces derniers, entrent en jeu les organismes qui accompagnent l’être humain depuis l’origine : les parasites.
L’étude des parasites anciens (paléoparasitologie) permet une approche bioarchéologique de premier niveau. C’est parce qu’ils permettent de reconstruire les conditions socio-économiques et sanitaires. La présence d’animaux domestiques et perdomestiques (sauvages, mais vivant à proximité des humains) peut également être étudiée.
La découverte de ces preuves se situe dans les restes fécaux provenant de sites archéologiques. Parmi les différents matériaux susceptibles d’être étudiés paléoparasitologiques, se distingue l’analyse des restes fécaux de structures archéologiques liés aux dépôts humains. Par exemple, les latrines et les puits borgnes, où s’accumulent un grand nombre de preuves parasitaires.
Dans un ouvrage récemment publié Nous essayons de faire la lumière sur les parasites présents dans la société grenadine du XVIe au XVIIIe siècle à travers l’étude de quatre puits aveugles. La relative proximité des dates a permis de documenter largement le site archéologique, ainsi que les sources documentaires de l’époque, pour compléter l’analyse.
Cherchant dans les puits aveugles des corralas
La zone étudiée correspondait à la périphérie de Grenade aux XVIe et XVIIe siècles, et constituait une zone d’expansion de la ville au XVIIe siècle. De nouveaux quartiers ont ainsi été créés, selon un nouveau modèle de construction, dans lesquels vivaient plusieurs familles. Ces constructions étaient appelées corralas et possédaient des puits aveugles au rez-de-chaussée qui servaient à déféquer leurs habitants.
La découverte en 2022 de ces structures fermées du site archéologique de la Calle Ventanilla a permis leur étude paléoparasitologique. De cette manière, le contenu de chacun des puits a été vidé, en prélevant des échantillons depuis les couches de remplissage jusqu’au niveau géologique. Dans ce processus, des précautions extrêmes ont été prises pour éviter la contamination et l’éventuelle altération des résultats qui en résulterait.
Après avoir prélevé les échantillons, ils ont été étudiés au laboratoire d’anthropologie de l’Université de Grenade. Pour ce faire, nous réhydrateons les matériaux avant de les analyser au microscope optique.
Nous avons ainsi identifié des œufs de plusieurs espèces de parasites.
Que nous disent les résultats ?
Grâce aux caractéristiques morphologiques et à la taille de ces preuves, nous avons pu déterminer quel type de parasites coexistaient avec les habitants de la corrala. Plus précisément, les œufs de Ascaris sp., Trichuris sp. oui fasciola sp. Dans le cas du premier, les œufs ont été trouvés avec leur couverture mamelonnée caractéristique, ainsi que d’autres sans, absence courante dans les matériaux archéologiques.
Les deux Ascaris sp. comme les Trichuris sp. Ce sont des géohelminthes, des vers qui ont besoin d’une phase terrestre dans leur cycle biologique. Pour cette raison, ils développent des couvertures particulièrement résistantes à l’environnement, ce qui favorise leur découverte dans les matériaux archéologiques. Normalement, ces parasites apparaissent dans les zones présentant des problèmes d’hygiène, ainsi que dans les zones où l’eau est contaminée.
Les deux parasites ont un cycle de vie fécal-oral facilité par des habitudes d’hygiène inefficaces, comme le manque de lavage des mains ou l’ingestion d’eau et d’aliments contaminés par des excréments humains. Concernant les pathologies, même si les personnes infectées sont généralement asymptomatiques ou présentent de légers troubles gastro-intestinaux, cela peut provoquer une occlusion intestinale dans les cas les plus graves.
fasciola sp. Il s’agit d’un parasite zoonotique (normalement présent dans les voies biliaires des herbivores), qui peut infecter les humains en raison de la consommation de légumes ou d’eau contaminés. Il provoque, entre autres symptômes, de la fièvre, des nausées, des douleurs abdominales ou une perte de poids. Leur présence dans les restes peut être due à la fois à la proximité de la corrala avec les champs environnants (souvent fertilisés avec des déchets fécaux humains, ce qui augmenterait le risque d’helminthes transmis par le sol) et à une mauvaise gestion des déchets.
De même, l’utilisation des eaux de la région, tant par les humains que par les animaux, pourrait favoriser l’apparition d’épidémies provoquées par des micro-organismes, comme celles enregistrées au XVIIe siècle. En effet, il existe des preuves que la Mairie de Grenade a été obligée de promulguer les « Ordonnances sur l’eau », qui exigeaient, entre autres choses, de nettoyer les conduites d’eau ou d’interdire d’y jeter des animaux morts, sous peine d’une amende de 3 000 maravedíes en cas de de non-conformité.
Cette approche bioarchéologique nous a permis de fournir des preuves directes des problèmes qui affligeaient la population grenadine du passé, ouvrant un nouveau prisme dans la connaissance de la façon dont vivaient les gens d’antan.
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