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Prise en charge des nausées/vomissements et de l’hyperémèse gravidique : progrès et nouvelles pistes de traitement

by Nouvelles
Prise en charge des nausées/vomissements et de l’hyperémèse gravidique : progrès et nouvelles pistes de traitement


Pr Philippe Deruelle

Paris, France – La compréhension et la prise en charge des nausées/vomissements et de l’hyperémèse gravidique progresse. Selon le Pr Philippe Deruelle, coordinateur du premier consensus français au nom du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) [1]“mieux traiter l’hyperémèse gravidique commence par la reconnaissance des symptômes et de la souffrance des femmes concernées”.

L’actualité récente a permis de médiatiser une maladie peu reconnue, bien que relativement fréquente : un consensus d’experts et de récents résultats de recherche fondamentale ont mis l’éclairage sur les nausées/vomissements et l’hyperémèse gravidiques, ces pathologies courantes du 1est trimestre de grossesse (ou plus tardivement jusqu’à 5 mois ou plus) dont on banalise souvent le mal-être physique et psychologique dont il est à l’origine.

C’est oublier que parmi les 50 à 90 % de femmes qui ressentent les nausées et vomissements du début de grossesse, chez environ 35 % d’entre-elles, ces manifestations sont très invalidantes et se répercutent sur tous les pans de leur vie quotidienne. Et pour 0,3 à 3,6 % des femmes enceintes, ces vomissements sont incoercibles et constituent la principale cause d’hospitalisation au 1est quart.

Les nausées et les vomissements sont si importants que les femmes perdent du poids ou se déshydratent, voire les deux. « Les nausées et vomissement gravidiques et le stade ultime qui est l’hyperemesis gravidarum (hyperémèse gravidique – HG), sont à prendre en charge, insiste le Pr Deruelle (CHU de Montpellier). Même si nous avons les plus grandes difficultés à soulager ces femmes, cela commence par poser un diagnostic.

Outre un stress, des troubles anxio-dépressifs et des idées suicidaires, on sait que la détresse chez certaines femmes ayant une hyperémèse gravidique peut les pousser parfois jusqu’à désirer une IVG, ou à renoncer à une grossesse ultérieure. »

Concernant le diagnostic justement, une définition consensuelle bien qu’imparfaite, faute de littérature sur le sujet, a été inscrite dans le consensus.

On sait que la détresse chez certaines femmes ayant une hyperémèse gravidique peut les pousser parfois jusqu’à désirer une IVG, ou à renoncer à une grossesse ultérieure
Pr Deruelle

Perte de poids, signes cliniques de déshydratation, score PUQE

D’après le consensus formalisé du CNGOF [1]l’hyperémèse gravidique se distingue des nausées et vomissements gravidiques par des critères spécifiques à savoir une perte de poids au moins supérieure à 5 %, des signes de déshydratation, ou un score PUQE (Pregnancy Unique Quantification of Emesis and nausea) > 7. Le score PUQE “modifié” est calculé à partir des informations recueillies lors de l’interrogatoire et concerne des périodes de 24 heures.

Les signes cliniques de déshydratation comprennent une forte sensation de soif, la présence d’un pli cutané persistant, une hypotension artérielle orthostatique puis de décubitus avec une tachycardie compensatrice réflexe.

Dans les cas extrêmes, l’hospitalisation est recommandée si au moins l’un des critères suivants est observé : une perte de poids au moins supérieure à 10 %, des signes cliniques de déshydratation, un score PUQE > 13, une hypokaliémie inférieure à 3,0 mmol/L, une hyponatrémie inférieure à 120 mmol/L, une élévation de la créatininémie dépassant 100 mmol/L, ou une résistance au traitement.

Des symptômes atténués dans une grande partie des cas

En premier lieu, il est recommandé de cesser la prise de vitamines prénatales ainsi que la supplémentation en fer, à l’exception de l’acide folique qui peut être maintenu. Les femmes sont libres d’ajuster leur régime alimentaire et leur mode de vie en fonction de leurs symptômes, étant donné qu’aucune modification alimentaire n’a démontré une efficacité avérée dans la réduction des nausées et vomissements. Il est déconseillé d’avoir recours à l’aromathérapie.

La combinaison doxylamine-pyridoxine peut être envisagée comme première ligne de traitement, avec un taux de réponse d’environ 60 %, d’autant plus qu’elle semble exposer à moins d’effets secondaires.

Les neuroleptiques, notamment le métoclopramide, comprenant les phénothiazines (chlorpromazine, prométhazine), font également partie des options thérapeutiques, bien qu’ils soient associés à un risque accru de signes extrapyramidaux.

En deuxième ligne pour l’hyperemesis gravidarum (HG), l’ondansétron, un puissant antagoniste sélectif des récepteurs 5-HT3 à la sérotonine, est recommandé, bien que son exposition pendant la période d’organogenèse soit associée à une augmentation – minime – du risque absolu de fentes labio-palatines (environ 3 cas supplémentaires pour 10 000 naissances vivantes exposées).

En raison de leurs effets secondaires potentiels et de leur efficacité incertaine, les corticoïdes sont réservés en dernier recours, uniquement en cas d’hyperémèse gravidique. Une supplémentation systématique en vitamine B1 est préconisée en cas d’HG nécessitant une réhydratation parentérale, afin de prévenir le risque d’encéphalopathie de Gayet Wernicke.

Un soutien psychologique nécessaire

« Il est essentiel de favoriser activement un soutien psychologique et d’orienter les femmes vers des associations de patientes, insiste Philippe Deruelle, qui souligne par ailleurs l’importance d’une approche proactive, visant à prévenir l’aggravation sans attendre 48 à 72 heures. » Les pratiques « héritées du passé », comme le mentionne le consensus, souvent appuyées par des théories psychanalytiques et désormais considérées comme inacceptables, persistent encore aujourd’hui, et « il est impératif de les abandonner », prévient le spécialiste. Cela inclut le retrait des bassines ou l’isolement en cas d’hyperemesis gravidarum (confinement dans le noir, privation de visites, de moyen de communication…). Aucune preuve d’une étiologie psychosomatique n’a jamais été établie.

Pas de facteurs de risque identifiés mais des causes mieux comprises

Identifier les femmes présentant un risque accru de développer des nausées et vomissements gravidiques est difficile, étant donné l’absence d’identification de facteurs de risque (tels que le portage d’Helicobacter Pylori, le sexe du fœtus, etc.).

Les mécanismes sous-jacents à l’hyperemesis gravidarum demeurent également mal compris, probablement influencés par des facteurs multiples, incluant une prédisposition génétique, l’état de santé global, ainsi que des changements hormonaux (hormones hCG, thyroïdiennes, stéroïdiennes telles que le cortisol, les œstrogènes et la progestérone au début de la grossesse, ghréline et leptine, ainsi que le Growth Differentiation Factor 15 (GDF15) ou l’Insulin-like Growth Factor-Binding Protein (IGFBP7), qui sont des marqueurs de la cachexie et influent sur l’appétit et la perception du goût).

Cependant, ces modifications hormonales ne suffisent pas à expliquer de manière isolée la symptomatologie clinique associée à l’hyperemesis gravidarum.

Focus sur le GDF15

De récentes recherches, parues à la fin de l’année 2023 dans la revue Nature et menées par une équipe de l’Institute of Metabolic Science and Medical Research Council Metabolic Diseases Unit de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) [2]ont révélé que la sensibilité à une hormone abondamment produite au début de la grossesse, le GDF15, influence le risque de développer les symptômes associés aux maux de la grossesse. Le GDF15 est connu pour inhiber l’appétit chez la souris en agissant principalement sur un petit groupe de cellules localisées à la base du cerveau, déjà identifiées pour induire des nausées et des vomissements.

« Le GDF15 est présent en grande quantité dans le placenta humain et se trouve à des concentrations élevées dans le sang des femmes enceintes en bonne santé, introduisent les chercheurs. Nous avons observé que les femmes éprouvant ces maux de grossesse présentaient effectivement des concentrations plus élevées de GDF15. Toutefois, les niveaux de cette hormone dans chaque groupe se chevauchaient, ce qui suggère que des facteurs autres que la quantité absolue de GDF15 produite au début de la grossesse joueraient un rôle dans les symptômes. »

En poursuivant leurs recherches, ils se sont rendus compte que des niveaux réduits de GDF15 avant la grossesse conduisaient à une hypersensibilité des femmes à des concentrations élevées de GDF15 libérées pendant la grossesse.

Par conséquent, concluaient-ils, deux approches thérapeutiques émergent : désensibiliser les femmes au GDF15 en augmentant les niveaux avant la grossesse ou bloquer son action pendant la grossesse.

Nous avons observé que les femmes éprouvant ces maux de grossesse présentaient effectivement des concentrations plus élevées de GDF15

Lien d’intérêts : Le Pr Deruelle assure des présentations orales pour les laboratoires Exeltis Santé et Nordine.

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2024-01-24 11:46:38

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