Depuis ses débuts, le Climat Libé Tour, un événement axé sur la jeunesse, associe à chacune de ses étapes une école de journalistes locale (CFJ à Paris, ESJ à Lille ou Dunkerque, Ejcam à Marseille, Ijba à Bordeaux) afin que les étudiants couvrent, avec leurs regards, l’actualité des forums. Reportages, comptes rendus, portraits, photos, interviews… Ces articles sont issus de leur travail.
«En analysant un comparateur de banques en 2015, je me suis rendu compte que mon compte en banque était climaticide» : c’est par cette anecdote que la journaliste Anne-Sophie Novel ouvre le débat qu’elle anime ce samedi 10 février, dans le cadre du Climat Libé Tour Bordeaux. «Écologie, mon ennemi c’est la finance ?», la question peut sembler technique. Lucie Pinson, fondatrice de l’ONG Reclaim Finance, Pascal Pouyet, directeur général du Crédit coopératif et Claire Eschalier de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) sont à ses côtés pour tenter d’y répondre.
«Les choix des acteurs financiers, comme les banques et les assureurs, façonnent le monde de demain, explique Lucie Pinson. Pour limiter le réchauffement d’1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle, pour réussir la transition énergétique et écologique, on a besoin d’argent. La finance est un moteur de transformation, mais aujourd’hui, malgré une prise de conscience, elle continue majoritairement à financer le chaos.» En effet, nombreuses sont encore les banques françaises à financer les énergies fossiles ou autres entreprises polluantes. Dans l’idée d’une finance verte…
«On peut concilier engagement et exclusion, poursuit Lucie Pinson. Des entreprises peuvent se transformer, on connaît des solutions, donc on peut les accompagner. Il faut quand même faire tourner l’économie ! Mais en ce qui concerne l’industrie fossile, c’est un grand non !»
Pour le directeur général du Crédit coopératif, c’est une question de choix : «Nous prônons une finance choisie. Pour engager un mouvement, le choix de la banque est essentiel.» A la question «Qui a choisi sa banque pour des motifs écologiques ?»une vingtaine de mains se lèvent dans le public. Mais à «Qui comprend vraiment ce qu’est un placement vert ?»plus personne ne se manifeste. «C’est un peu obscur»entend-on depuis le fond de la salle.
«L’étiquette verte n’offre aucune garanties’inquiète Lucie Pinson. Nous avons déjà repéré des obligations “vertes” qui finançaient un aéroport par exemple». Claire Eschalier renchérit : «Enormément de banques se sont engagées à atteindre le zéro émission nette à l’horizon 2 050. Mais ces promesses manquent de substance».
De plus, ajouter une finance verte à une finance «brune», qui finance les énergies fossiles par exemple, n’est pas forcément efficace : «On n’a jamais vu une éolienne compenser un puits de pétrole, pointe Lucie Pinson. Pour la finance, c’est pareil.»
«Il est possible de faire autrement»
L’ONG Reclaim Finance offre une analyse comparative des banques françaises pour sensibiliser le grand public. Sa fondatrice reste cependant lucide : «Ce n’est pas avec le Crédit coopératif et d’autres petites banques que l’on va financer la transition écologique. Mais elles montrent qu’il est possible de faire autrement.»
Faire autrement, mais comment ? Tous les intervenants s’accordent à dire que l’autorégulation ne suffit pas : il va falloir de la contrainte. Mais pour cela, il faut une instance de contrôle, qui pourrait sanctionner les instances financières en cas de greenwashing et de tromperie du consommateur. Enfin, la transparence est nécessaire : les clients ont le droit de savoir ce qui est fait avec leur argent.
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