Les partis d’opposition invitent la présidente de l’Assemblée nationale Nathalie Roy à divulguer les factures de ses dépenses, à l’instar de son prédécesseur. Ils pressent aussi la CAQ de revoir la loi sur l’accès à l’information, comme promis.
Comme rapporté dans nos pages, lundi, Mme Roy «a jugé qu’il n’était pas opportun» de rendre publiques les factures contenant les détails de ses dépenses effectuées notamment à l’étranger, chose que l’ancien président de l’Assemblée nationale, François Paradis, n’avait pourtant pas hésité à faire.
«Je pense qu’elle fait fausse route. […] Je ne saisis pas du tout pourquoi elle ne voudrait pas ouvrir ses livres», a réagi la députée libérale Michelle Setlakwe, pour qui il en va de la confiance du public envers l’institution qu’est l’Assemblée nationale.
Enjeu de confiance
Bien qu’elle «présume de la bonne foi, de l’honnêteté, de l’intégrité» de Mme Roy, la porte-parole du PLQ en matière d’accès à l’information rappelle que «c’est justement par des demandes d’accès qu’on finit par trouver des choses ou trouver des situations potentiellement abusives».
Elle songe entre autres au scandale des dépenses de l’OPCM, mis au jour par notre Bureau d’enquête, qui a provoqué une véritable crise à la Ville de Montréal, forçant plusieurs démissions.
- Écoutez la discussion d’Alexandre Dubé avec la journaliste Annabelle Blais via VIEUX :
«Si on ferme les livres et qu’on ne veut pas divulguer [ses factures de dépenses]qu’est-ce que ça indique? Que là, on a quelque chose à cacher», a soulevé Mme Setlakwe.
Le péquiste Pascal Bérubé en fait également un enjeu de confiance, non seulement pour le public, mais également pour les parlementaires envers la présidence de l’Assemblée nationale.
Le député de Matane–Matapédia avoue qu’il a été surpris de voir que Mme Roy préfère garder ses factures secrètes. «On l’apprend grâce au Journala-t-il souligné. Chaque présidence de l’Assemblée nationale devrait être plus transparente que la présidence précédente. Et en ce sens, j’invite la présidente à rendre accessibles les informations demandées, donc à rendre disponibles les factures de ses dépenses.»
La transparence pour tradition
«C’est clair qu’elle devrait rendre ça public», considère également le député solidaire Sol Zanetti. Autrement, le manque de transparence laisse place à toutes les hypothèses, selon lui.
«François Paradis, là-dessus, était impeccable, a-t-il remarqué. Il avait même montré sa facture de nettoyeur à l’étranger. Il n’y a personne qui s’est offusqué du fait qu’il a fait nettoyer ses vêtements! Il était particulièrement économe. Je pense que c’est une tradition qui devrait se maintenir chez les présidents de l’Assemblée nationale, la transparence aussi.»
«J’inviterais Mme Roy à divulguer ses dépenses, insiste le député de Jean-Lesage. Puis s’il y a des dépenses qui ne passent pas dans la population, bien elle le saura. Ça va être clair, puis elle s’engagera à ne plus les refaire, puis ce n’est pas plus grave.»
Dans un long message publié lundi après-midi sur les réseaux sociaux, Nathalie Roy se défend en expliquant qu’elle se conforme aux règles en mettant en ligne, chaque année, un rapport complet d’activités (qui ne comprend ni factures, ni dépenses détaillées) et que ses frais de repas, lors de missions, sont encadrés par des indemnités forfaitaires (per diem).
Réforme réclamée
De façon plus large, libéraux, solidaires et péquistes pressent le gouvernement à revoir la loi sur l’accès aux documents des organismes publics.
Après quatre ministres caquistes différents rersponsables du dossier, la députée libérale de Mont-Royal–Outremont «ne sent pas une volonté réelle» de la part du gouvernement de réformer l’accès à l’information.
À voir le caviardage «complètement excessif» qui se retrouve dans les réponses aux demandes, «on a vraiment perdu de vue le principe qui devrait prévaloir, c’est-à-dire que l’information doit être divulguée», constate la députée libérale de Mont-Royal–Outremont.
«Le public a droit à l’information, c’est l’argent des contribuables et c’est l’intérêt public. C’est ça le principe», rappelle Mmoi Nous sommes mariés.
«Je pense qu’on essaie de décourager les demandes d’accès à l’information», regrette M. Bérubé.
Après plusieurs controverses «dans la sphère de l’éthique et de la transparence», François Legault et la CAQ «ont besoin d’un bon coup», note Sol Zanetti, qui estime que «le Horaire serait excellent» pour une réforme en profondeur de la loi.
«Ils ne s’y opposent pas, mais ça n’arrive pas non plus. Ce n’est jamais priorisé et c’est toujours remis en dessous du tapis», se désole l’élu de QS.
Par ailleurs, à Ottawa, le manque de transparence du gouvernement fédéral agace aussi les partis d’opposition (voir ce qu’ils ont dit).
– Avec la collaboration de Guillaume St-Pierre
Ce qu’ils ont dit:
«L’accès à l’information est un des principes de la démocratie. Les gens avaient l’espoir que Justin Trudeau allait être différent de son prédécesseur Stephen Harper, et son ministre Pierre Poilievre à l’époque, et qu’il allait améliorer l’accès à l’information. Mais ce n’est clairement pas le cas. C’est la déception totale, et ne nous attendons pas à ce que Poilievre règle le problème.»
– Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD
«Il y a une culture du secret qui est forte au gouvernement. Ils se disent : moins ils en savent, moins ils peuvent nous rendre imputables. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que l’information, c’est la liberté, c’est ce qui permet de faire confiance. D’ailleurs, quand il n’y a pas d’information, il y a de la méfiance. Devant le manque d’information, la désinformation prend la place.»
– René Villemure, député du Bloc Québécois