Boris Bondarev est un diplomate russe possédant de nombreuses années d’expérience. Il a travaillé à Genève en tant que négociateur en matière de contrôle des armements. Après la guerre à grande échelle en Ukraine, il a démissionné pour protester contre une agression non provoquée. Le RTL Nachtjournal l’a interviewé. Il s’agit d’une occasion rare et unique d’entendre l’opinion d’un diplomate russe, intimement familier avec le fonctionnement du pouvoir au Kremlin et les objectifs de Poutine en Ukraine. Voici des extraits de l’interview de Bondarev publiée sur n-tv.de :
A propos de l’invasion : Le 24 février 2022, comme chaque matin, j’ai regardé les informations et j’ai été horrifié. L’armée de l’air russe a bombardé Kiev. C’était déjà une invasion à grande échelle. Au lieu de discuter avec les Ukrainiens, d’échanger des opinions, nous avons attaqué un pays dont la population est si proche de nous historiquement et culturellement. C’était inimaginable pour moi.
Je n’avais aucune information (sur l’invasion imminente), jusqu’à la dernière fois j’étais sûr qu’avec le transfert de nos troupes (vers la frontière ukrainienne), il s’agissait d’une sorte de jeu et de pression sur l’Occident et les États-Unis. Il n’y avait aucune raison réelle et objective à cette guerre. C’est là que résident les intérêts personnels des dirigeants moscovites. Ils voulaient montrer au monde entier à quel point ils sont forts, de quelles grandes choses ils sont capables et que la Russie reste une grande puissance.
À propos des menaces : Aucune menace n’a été proférée contre moi (à noter en raison de ma position anti-guerre et de mon désaccord avec Poutine). Mais je ne suis pas surpris. Quand tu es repéré [руските служби], ils ne vous préviennent pas. Tout se fait tranquillement.
À propos de la puissante armée russe (du moins sur le papier) : Poutine croit vraiment à la puissance de l’armée russe. Cela est dû au système de reporting. Les niveaux inférieurs ne rapportent pas la vérité à leurs supérieurs. Ils ne veulent pas admettre que, par exemple, la production de chars et d’avions tourne au désastre, parce qu’ils ont peur d’être punis. Cela se produit à tous les niveaux – les rapports sont toujours trop positifs. Finalement, nous avons une image déformée et idéalisée qui donne l’impression d’une structure militaire forte et efficace. Et au Kremlin, on s’est demandé “pourquoi n’allons-nous pas en guerre alors”.
Si nous parlons de guerre moderne – comme les frappes aériennes de haute précision ou la technologie avancée des missiles – alors les forces armées russes n’en sont pas capables. Mais si nous parlons de la manière archaïque de combattre, avec des centaines de milliers, voire des millions de soldats, avec des milliers de chars – peut-être vieux, mais toujours en état de marche – avec des masses de munitions d’artillerie, alors l’armée russe se porte toujours bien. Malheureusement, les vies humaines ne comptent pas en Russie, Poutine peut sacrifier des dizaines de milliers de recrues sans que personne ne lui demande d’explication.
À propos des excuses : Poutine ne peut pas perdre. Il ne veut certainement pas être considéré comme un perdant, même si la guerre ne se déroule pas comme il l’avait imaginé. Il ne dirait jamais “désolé, j’ai fait une erreur, rattrapons-nous, nous nous retirons”. Ce serait un signe de faiblesse. Il ne s’excuserait jamais pour quoi que ce soit.
Sur l’idéologie de Poutine : Poutine ne suit aucune idéologie. Il veut juste montrer à tout le monde qu’il n’y a pas d’alternative à son règne. Pour lui, la Russie ne peut être gouvernée que comme il le fait. D’autres options, comme la démocratie, ne fonctionnent pas. Et puis il veut humilier l’Occident.
Si l’Ukraine perd la guerre et que Poutine la gagne, ce sera un coup dur pour l’Occident. L’image de l’Occident et sa crédibilité en matière militaire s’en trouveraient sérieusement ternies. Tous ces discours sur les valeurs libérales, sur la démocratie et les droits de l’homme… Et bien sûr, cela stimulera d’autres pays comme la Chine et l’Iran. Tous les dictateurs du monde.
Si la Russie perd, l’économie s’effondrera encore plus. Le mécontentement va grandir. La propre élite de Poutine finira par se demander de quoi il s’agit ? Il ne nous a apporté que du malheur.
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2024-02-14 14:10:00
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