La pollution de l’eau en Irak: une situation “catastrophique”

En Irak, frappé par la sécheresse et affaibli par des décennies de conflits qui ont ravagé ses infrastructures, une pollution “catastrophique” a touché les fleuves, charriant notamment des eaux contaminées par les égouts et les déchets hospitaliers.

Derrière cette pollution environnementale se trouvent également des institutions et des entreprises étatiques, admettent des responsables. Dans ce pays de 43 millions d’habitants, près de la moitié de la population n’a pas accès à un “service d’eau potable sûr”, selon des statistiques des Nations unies.

Pour ce pays riche en pétrole mais qui a une industrie très gourmande en eau, le danger est exacerbé par les pénuries d’eau. La sécheresse, les bouleversements climatiques et les rivalités géopolitiques sur le partage des eaux entre Bagdad et ses voisins sont en cause. En effet, plus le niveau d’un fleuve est bas, plus la concentration en polluants est élevée.

“Ce qui est étonnant, c’est qu’une majorité des institutions étatiques polluent l’eau”, admet le porte-parole du ministère des Ressources hydriques, Khaled Chamal, sans exempter le secteur privé de responsabilités.

Il mentionne “le réseau de tout-à-l’égout, qui déverse une grande quantité d’eaux usées dans les fleuves sans qu’elles ne soient entièrement traitées, ou alors de manière superficielle”. Il évoque également “les hôpitaux situés près du fleuve qui déversent déchets et eaux usées directement dans le fleuve, ce qui est dangereux et catastrophique.”

Les installations industrielles telles que les usines de pétrochimie, les centrales électriques et les eaux de drainage agricole sont également pointées du doigt comme sources de pollution, selon le responsable.

Désormais, assure M. Chamal à l’AFP, les autorités “n’approuvent aucun projet” pouvant présenter un risque de pollution, à moins que des plans comprennent “une station de traitement” des eaux.

“Infrastructures inadéquates, réglementations limitées et faible sensibilisation du public sont les principaux facteurs contribuant à une détérioration significative de la qualité de l’eau en Irak”, reconnaît Ali Ayoub, expert à l’Unicef.

Il souligne que les deux stations d’épuration de Bagdad reçoivent “le double de la capacité” d’eau qu’elles sont en mesure de traiter.

“Deux-tiers des eaux usées industrielles et ménagères sont rejetées sans traitement dans les rivières”, soit l’équivalent de six millions de mètres cubes chaque jour, indique-t-il.

La tragédie est parfois visible à l’oeil nu, comme l’illustre une canalisation à l’est de Bagdad filmée par l’AFP, déversant une eau verdâtre à l’odeur nauséabonde dans le fleuve de Diyala.

Cependant, l’Unicef assure que “le gouvernement irakien s’engage à améliorer la qualité de l’eau”.

L’organisation mentionne un plan ministériel sur trois ans visant à “renforcer le système de distribution et d’assainissement de l’eau”, notamment grâce à des “contrôles de qualité”, pour garantir “un accès à une eau potable sans danger, en particulier pour les communautés les plus vulnérables.”

En partenariat avec l’Unicef, la Cité médicale, complexe hospitalier d’État de Bagdad comprenant 3000 lits, vient d’inaugurer une station d’épuration.

La première phase a permis d’installer trois unités, chacune traitant 200 mètres cubes d’eau par jour. Quatre autres unités de 400 mètres cubes seront achevées “d’ici deux mois”, précise un responsable de la Cité, Aqil Salmane.

“Une fois traitée, l’eau pourra être utilisée pour arroser les jardins de la Cité médicale et alimenter les citernes des pompiers”, ajoute-t-il.

Auparavant, ces eaux usées étaient dirigées vers le tout-à-l’égout.

Plus on descend vers le sud, plus la pollution s’aggrave, explique Hassan Zouri, un habitant de la province de Dhi Qar, dans l’extrême sud de l’Irak. “Les eaux usées des autres régions sont déversées dans le fleuve et l’eau qui nous parvient est polluée”, déplore-t-il. “On doit acheter de l’eau.”

Le phénomène est exacerbé par les précipitations en recul, ainsi que par la diminution du niveau des fleuves Tigre et Euphrate à leur arrivée en Irak, retenue par les barrages construits en amont chez les voisins turcs et iraniens, selon Bagdad.

“La quantité d’eau arrivant en territoire irakien a chuté, ce qui augmente la concentration en polluants”, admet le porte-parole du ministère de l’Environnement, Amir Hassoun.

Auparavant, les autorités pouvaient augmenter le débit pour diluer une eau fortement polluée, mais cette pratique est aujourd’hui quasiment impossible en raison de la nécessité d’économiser les réserves.

Outre la sensibilisation du public pour “changer les comportements individuels”, les autorités tentent d’imposer une “surveillance sévère”, selon M. Hassoun.

“Nous demandons à tous les hôpitaux d’avoir des stations de traitement des eaux”, affirme-t-il, espérant que d’ici 2024, toutes les irrégularités des établissements sanitaires auront été éliminées.

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