2024-02-26 00:17:32
Il ne s’attendait pas Ă un cortĂšge triomphal. Mais que c’Ă©tait sur le point d’ĂȘtre une sacrĂ©e aventure ? Emmanuel Macron a inaugurĂ© ce week-end le Salon de l’agriculture, le salon annuel de l’agriculture française Ă la porte de Versailles, Ă Paris, et cette manifestation a failli tourner au dĂ©sastre total. Pendant un certain temps, on a mĂȘme menacĂ© que le prĂ©sident doive annuler sa visite obligatoire, harcelĂ© par des agriculteurs en colĂšre. La vĂ©hĂ©mence du mĂ©contentement a surpris les organisateurs Ă l’ĂlysĂ©e, car Macron s’Ă©tait finalement montrĂ© trĂšs accommodant envers les agriculteurs ces derniĂšres semaines avec une longue sĂ©rie de concessions – notamment pour calmer les esprits avant le dĂ©but du salon agricole, si possible. Mais cela nâĂ©tait Ă©videmment pas suffisant.
Entre 300 et 500 agriculteurs en colĂšre avaient accĂ©dĂ© au parc des expositions avant l’ouverture des portes et se sont battus avec les forces de sĂ©curitĂ©, crĂ©ant un chaos sans prĂ©cĂ©dent. Il y a eu des Ă©chauffourĂ©es, des sifflets et des cris bruyants pour que le prĂ©sident s’enfuie ou dĂ©missionne immĂ©diatement. Mais Macron, qui a manquĂ© le sommet du G7 Ă Kiev pour cette date politique importante de lâannĂ©e civile nationale, ne sâest pas laissĂ© chasser. Finalement, il Ă©tait censĂ© rester treize heures, dĂ©battre, rassembler. Il a prouvĂ© une fois de plus qu’il aime que ce soit « musclĂ© », comme disent les Français, quand c’est Ă©nergique et que l’affrontement est dur. Il enlĂšve alors sa veste et passe au langage familier, appelle les gens par leur prĂ©nom et dit parfois Ă un citoyen critique qui l’interrompt grossiĂšrement : « ArrĂȘtez ces conneries !
Chirac Ă©tait bon en chiffre, mais avec Macron cela semblait artificiel
Le syndicat Coordination Rurale s’est montrĂ© particuliĂšrement Ă©nergique. Elle est proche du Rassemblement national d’extrĂȘme droite de Marine Le Pen, et la colĂšre des agriculteurs contre le prĂ©sident et son gouvernement ne saurait ĂȘtre assez virulente Ă la veille des Ă©lections europĂ©ennes de juin. Le jeune fidĂšle de Le Pen et prĂ©sident du parti, Jordan Bardella, a commencĂ© dimanche sa visite au salon – 48 heures Ă©taient prĂ©vues, presque d’un coup. L’entourage de Bardella a dĂ©clarĂ© qu’ils espĂ©raient secrĂštement que Gabriel Attal, le nouveau Premier ministre français, viendrait en mĂȘme temps, afin que la popularitĂ© des deux puisse ĂȘtre jugĂ©e au volume des applaudissements et des sifflets. Le salon est considĂ©rĂ© comme le lieu idĂ©al d’Ă©changes politiques, une sorte de confrontation avec la rĂ©alitĂ©.
Lors du salon, l’establishment politique parisien rencontre le “Monde rural”, le monde rural, l’autre France loin de la mĂ©tropole. Il s’agit avant tout d’un test d’humeur pour des prĂ©sidents qui souhaitent renforcer leur soudaine proximitĂ© avec cette autre France en tapotant les fesses des vaches. Jacques Chirac, prĂ©sident de 1995 Ă 2007, a particuliĂšrement bien fait le chiffre, il n’a pas eu besoin de trop se plier. Avec Macron, cela semble faux.
Lorsque le chaos a éclaté, Macron est resté à la foire pendant 13 heures
Son style a toujours Ă©tĂ© mieux adaptĂ© au monde des affaires et de la banque, mĂȘme s’il s’efforce de contrecarrer cette impression. Le journal du dimanche La Tribune Dimanche rapporte dĂ©sormais que le prĂ©sident tente de compenser ce manque de proximitĂ© avec la France rurale en faisant de ValĂ©rie Hayer, 37 ans, la tĂȘte de liste de son parti Renaissance pour les Ă©lections europĂ©ennes : Hayer est le chef de file du groupe centriste Renew Europe au Parlement europĂ©en – mais elle est surtout fille et petite-fille d’agriculteurs mayennais. Les mĂ©dias français attendent depuis des mois l’annonce de cette personnalitĂ©. L’expĂ©rience du salon a peut-ĂȘtre confirmĂ© les intentions de Macron.
Mais mĂȘme pour les lĂ©pĂ©nistes, les agriculteurs concernĂ©s constituent tout au plus un nouveau groupe dâĂ©lecteurs potentiels dont ils doivent encore gagner les faveurs. JusquâĂ prĂ©sent, les agriculteurs français ont eu tendance Ă pencher vers la droite gaulliste et bourgeoise. Ces certitudes ont Ă©voluĂ© au cours des derniĂšres annĂ©es. En tout cas, Le Pen estime que sa stratĂ©gie de « normalisation » pourrait aider le parti Ă sĂ©duire les agriculteurs. Ce nâest pas sĂ»r, mais ce nâest plus improbable non plus.
Câest aussi pourquoi il nâĂ©tait pas envisageable pour Emmanuel Macron de quitter le salon par la petite porte lorsque le chaos a Ă©clatĂ©. Au lieu de cela, il a promis aux agriculteurs qu’il veillerait Ă ce que l’industrie alimentaire et les chaĂźnes de supermarchĂ©s soient bientĂŽt obligĂ©es de payer des prix minimaux pour leurs produits afin qu’ils puissent eux aussi avoir des moyens de subsistance sĂ»rs. Ce serait une rĂ©volution. Et Macron aimerait avoir un dĂ©bat sur ces questions avec Marine Le Pen pour que leurs « bĂȘtises » soient sĂ©rieusement discutĂ©es, comme il l’a appelĂ©. Il faudrait probablement dire « musclé ».
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