Si vous étiez enfant dans les années 1980, vous avez probablement appris le sens du paradoxe en regardant Dr Slump et Arale, une comédie loufoque très actuelle sur l’imperfection des machines et le désespoir des hommes qui comptent sur les machines. Si pourtant vous avez grandi dans les années 90, votre auto-ironie est le résultat de Dragon Ball, sorte de feuilleton de kung-fu qui est finalement un éloge à la diversité, à l’inclusion, ou mieux encore à la « fusion ». Dans les deux cas, il faut remercier Akira Toriyama, maître du manga et de l’anime japonais, décédé à l’âge de 68 ans des suites d’un hématome sous-dural.
Un auteur à 260 millions d’exemplaires
La disparition remonte au 1er mars dernier, mais la nouvelle n’est révélée que maintenant, en parfaite cohérence avec l’esprit d’un auteur qui, dans la vie, a su prendre les idées de partout mais n’a rien laissé au hasard. Un auteur toujours en pleine effervescence : « C’est avec un profond regret que nous vous annonçons son décès. Nous savons qu’il avait encore plusieurs ouvrages en production avec son grand enthousiasme habituel”, lit-on dans une note de l’éditeur Shueisha. Un auteur capable de vendre 260 millions d’exemplaires dans le monde.
Les débuts de Wonder Island
Né à Nagoya, ville de la région de Chūbu sur l’île de Honshū au Japon, la carrière de mangaka de Toriyama débute à l’âge de 20 ans, lorsqu’il envoie ses premières œuvres au magazine Weekly Shōnen Jump. Sa première bande dessinée publiée était L’Île des Merveilles en 1978, l’histoire d’un ancien pilote kamikaze de la Seconde Guerre mondiale échoué sur une île du Pacifique. Mais la notoriété vient grâce à Dr Slumppublié en série par le magazine Weekly Shōnen Jump de 1980 à 1984. On se rapproche d’Astro Boy, texte sacré de la littérature graphique japonaise, mais il n’y a rien de grave : le Dr Slump est un scientifique improbable qui vit dans un improbable « Penguin Village », où les super-héros sont vieux (Suppaman) et les crottes sont roses et peuvent sourire.
Arale, l’éloge du paradoxe
Pour lutter contre la solitude, Slump se construit une fille robot, Arale, mais cela ne se passe pas exactement comme il le souhaiterait : il y a un défaut de vision, corrigible avec des lunettes, et c’est la moindre des choses. Car il y a alors une force et une vitesse immenses qui doivent encore être « gérées » par une petite fille. Qui, dès qu’il le peut, lui arrache la tête et dribble avec en criant “Ciriciao, les amis !” face au désespoir du père qui ne voudrait que faire bonne impression à la charmante petite institutrice. Pour Toriyama Dr Slump c’est un succès avec 35 millions d’exemplaires vendus et un prix Shōgakukan remporté. Et, grâce à l’adaptation de Toei Animation, cela nous arrive aussi.
L’Ascension de Dragon Ball
Continuer à mélanger la haute et la basse culture – Le singe, un roman fondamental de la littérature et du cinéma chinois de Jackie Chan – Toriyama invente Dragon Boy, la première incarnation de Dragon Ball, initialement publiée sur Fresh Jump en 1983. Le héros est Son Goku, ce garçon qui est en réalité le singe sacré de Wu Ch ‘êng-ên : pratique les arts martiaux et aspire à l’ascèse, puis rencontre une fille nommée Bulma et la rejoint dans la recherche des sept boules de dragon et plus encore. Publié dans Weekly Shōnen Jump, Dragon Ball ce fut un succès immédiat dans le pays puis à l’étranger. La série de bandes dessinées s’est vendue à plus de 150 millions d’exemplaires rien qu’au Japon, ce qui en fait l’un des mangas les plus réussis de tous les temps. Comme dans le cas de Dr SlumpToei Animation l’adapte en série animée, avec des épisodes diffusés à la télévision japonaise de 1986 à 1989. Et puis, comme cela arrive souvent quand on parle de culture de masse, le succès devient autre chose : merchandising, jeu vidéo, cosplay.