Les contrôleurs routiers se battent pour obtenir une arme de service, une demande qu’ils ont adressée aux tribunaux pour contraindre Québec à répondre à leur requête, un appel qui dure depuis des années.
«Toutes nos démarches auprès du gouvernement ont été vaines. C’est notre dernier recours», confie Jean-Claude Daignault, président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec.
Depuis longtemps, les contrôleurs routiers réclament une arme de service et un accès élargi au Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ). Ces agents de la paix effectuent environ 100 000 interventions par an sur la route, «qui sont le fruit du hasard».
À leur insu, ils se retrouvent parfois face à des chauffeurs criminels ou à des cargaisons d’armes, de voitures volées, de drogues, ou de cigarettes de contrebande, liste M. Daignault.
Armes et conducteurs agressifs
Ces trois incidents où des contrôleurs ont évité le pire ont incité le syndicat à entamer une action en justice devant le Tribunal administratif du Travail (TAT) pour la première fois :
- Vers 2 heures du matin à Chambly, un homme venant de voler un tracteur a tenté à plusieurs reprises de foncer sur le véhicule de deux contrôleurs routiers qui tentaient de l’intercepter à l’entrée d’une terre agricole.
- À Gracefield, la situation a dégénéré lorsque deux contrôleurs ont tenté de saisir une carabine volée à un conducteur répertorié comme «personne violente» et n’ayant pas de permis de port d’arme.
- À Beauceville, des contrôleurs routiers ont arrêté un individu dans un véhicule rempli de centaines de munitions, de chargeurs et de trois armes à feu, dont une arme de poing chargée à portée de main et une arme d’assaut de type AR-15. Les policiers ont mis près de 30 minutes avant d’arriver en renfort.
La juge chargée du dossier doit déterminer si l’employeur Contrôle routier Québec, relevant de la SAAQ, a pris les mesures nécessaires pour protéger la santé, assurer la sécurité et garantir l’intégrité physique des travailleurs, et formuler des recommandations si ce n’est pas le cas.
«Nous aurions pu soumettre vingt dossiers devant le TAT», illustre le président. «Surtout que les événements dangereux se multiplient de plus en plus.»
Le mois dernier, Le Journal a rapporté qu’une contrôleuse routière a été agressée et même poussée sur une voie d’autoroute par le conducteur d’un véhicule commercial, armé de deux couteaux.
Le recours devant le TAT dure depuis des années, mais il arrive dans son dernier bras de fer. Les plaidoiries finales débutent mercredi et sont prévues pour trois jours à Montréal.
Des surprises potentiellement explosives
Pendant les audiences, le syndicat a fait témoigner l’expert Mario Berniqué, capitaine retraité de la Sûreté du Québec, qui a recommandé l’arme de service. Il plaide également en faveur d’un accès accru au CRPQ, une banque de données policières permettant aux agents de savoir «à qui ils ont affaire lors de leurs interventions», explique-t-il.
«Les contrôleurs routiers sont même plus exposés que les policiers sur la route en raison de leur pouvoir d’inspecter un véhicule ou d’ouvrir un chargement sans mandat. Ils peuvent tomber sur des situations explosives. Il faut réagir rapidement. On n’a pas le temps de gérer un danger tout en appelant la police en renfort», déclare M. Berniqué au Journal.
Selon lui, avec la prolifération des armes à feu et l’évolution du visage du crime organisé depuis la pandémie, «il est impératif de s’adapter».
Mandaté par l’employeur Contrôle routier Québec, le criminologue Rémi Boivin conclut que la demande d’une arme supplémentaire est justifiée. Selon lui, une arme à impulsions électriques pourrait être une option intéressante.
«Nous constatons que le statu quo n’est pas recommandable», résume Jean-Claude Daignault. «Pratiquement tous les autres corps d’agents de la paix ont été armés à la suite d’événements tragiques. Nous voulons simplement éviter d’en arriver là.»