C’était le 23 janvier, lors de l’audience solennelle de rentrée du conseil de prud’hommes de Bobigny. L’un après l’autre, la présidente (CGT) Jamila Mansour, le vice-président (employeurs) Cherif Mansour, puis le greffier de la juridiction rendaient hommage à Patrick Beckerich, homme d’un « grand dévouement », aux « fortes convictions ». Syndicaliste FO, conseiller depuis dix-sept ans aux prud’hommes (dont il présidait la section industrie), ce père de famille de 56 ans s’est suicidé le 11 janvier, sur son lieu de travail, à l’usine Placoplâtre de Vaujours. Sa mort avait suscité l’émotion parmi ses collègues. Elle crée aujourd’hui le malaise au sein de son organisation syndicale et du conseil de prud’hommes.
Car sa compagne, elle-même greffière au sein de la juridiction, établit un lien entre le geste de désespoir de Patrick Beckerich, et un conflit qui l’opposait depuis quelques mois à un autre conseiller prud’homal, également membre de FO. Le défunt devait d’ailleurs comparaître le 30 janvier devant le tribunal de police pour « diffamation non publique ». « Depuis qu’il avait reçu cette convocation, il était complètement déprimé », assure Chantal, sa compagne. Selon plusieurs témoins, le quinquagénaire avait beaucoup maigri depuis qu’il avait reçu cette citation, à la mi-décembre.
La famille n’exclut pas de déposer plainte
Les faits remontent à la mi-septembre. Patrick Beckerich avait envoyé par mail une « lettre ouverte » à plusieurs conseillers prud’homaux FO, dénonçant des « agissements graves ». Il accusait l’un d’entre eux d’avoir volé une imprimante-scanner appartenant à l’union départementale FO, et d’avoir mis hors d’usage un ordinateur à coups de pied. C’est ce mail qui lui a valu ensuite d’être attaqué pour diffamation par le syndicaliste mis en cause. Ce dernier s’appuyait notamment sur l’attestation établie par un responsable départemental de FO, qui affirmait lui avoir cédé le matériel, « devenu obsolète ». « Patrick a eu l’impression d’être lâché par tout le monde. Or, il avait consacré sa vie au syndicat », souligne son avocate et amie Catherine Scotto, qui rappelle que le défunt était en pleins préparatifs de mariage.
« La veille du drame, il avait passé la soirée à recontacter les invités pour savoir qui viendrait à la fête, prévue en septembre. Il ne rencontrait pas de problème dans sa vie personnelle. » Contacté, le conseiller prud’homal mis en cause par Patrick Beckerich a indiqué qu’il ne souhaitait pas s’exprimer. « Il y avait un différend entre deux conseillers prud’homaux, c’est de notoriété publique », reconnaît Reza Painchan, secrétaire de l’union départementale FO. « Ce différend a débouché sur une affaire de diffamation. Mais pouvait-on penser que cela se terminerait sur un suicide? » La compagne et les enfants de Patrick Beckerich attendent les résultats de l’enquête de police, et n’excluent pas de déposer plainte.
2014-01-28 11:00:00
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