Dans la nuit du 5 au 6 décembre, une attaque au rançongiciel [qui chiffre des données et réclame le paiement d’une importante rançon pour rétablir l’accès] a frappé les serveurs du Syndicat intercommunal d’informatique (SII) de Bobigny, dont dépendent plusieurs municipalités et organismes publics du département.
Depuis, les mairies de plusieurs villes de Seine-Saint-Denis se rabattent sur les moyens du bord pour assurer le service public après une importante attaque informatique : retour au papier et au stylo, à défaut d’avoir Internet. Administration la plus exposée aux infrastructures contaminées, la mairie de Bobigny a dû débrancher son accès à Internet pour tenter de limiter la propagation. Ne pouvant plus allumer les ordinateurs, privés de connexion, ses employés municipaux se sont retrouvés coupés du monde.
On peut encore se pacser, mais pas dissoudre un pacs
Or « nous avons un devoir de continuité du service public », explique Rached Zehou, conseiller municipal délégué à Bobigny et président du SII, en saluant « l’ingéniosité » des agents municipaux dans cette crise. Les adresses mails municipales ne sont plus accessibles ? Des boîtes Gmail temporaires sont créées pour pouvoir communiquer avec le public. Les postes fixes sont presque tous inutilisables ? Des boîtiers 4G sont installés dans certains services prioritaires pour leur permettre d’aller sur Internet depuis des ordinateurs portables.
Pour obtenir un acte de naissance ou de décès, les habitants doivent désormais se rendre en personne à l’état-civil et ne peuvent plus faire la démarche en ligne. Les factures pour les activités périscolaires ne peuvent être envoyées, ni les sommes encaissées. On peut encore se pacser, mais pas dissoudre un pacs.
Du jour au lendemain, « nous n’avions plus aucun mail »
A La Courneuve, autre ville fortement touchée mais moins lourdement que Bobigny, « on est en train de trouver un peu partout des solutions sous forme de tableaux Excel, d’archivage papier ou d’utilisation d’un autre logiciel », déclare son directeur général des services Anthony Giunta. Disposant de licences Microsoft, cette commune populaire de 45.000 habitants a pu ouvrir sur un autre serveur de nouvelles boîtes mails pour les agents en ayant le plus besoin. Mais ils n’ont plus ni leur historique de messages ni leur carnet de contacts.
Du jour au lendemain, « nous n’avions plus aucun mail. Entre parenthèses ce n’est pas si désagréable que ça au début, mais ça pose un vrai souci au niveau de la circulation de l’information », note Anthony Giunta.
Hors de question de payer la rançon de quatre millions d’euros
Aucun retour à la normale n’est en vue pour le moment. Hors de question, évidemment, de payer la rançon de quatre millions d’euros demandée par les pirates. Avant de pouvoir rallumer entièrement les serveurs, les autorités doivent s’assurer que la menace a été circonscrite et que les systèmes ne risquent pas une nouvelle attaque aussitôt après.
Au Blanc-Mesnil, les dommages sont plus circonscrits. Les mails fonctionnent toujours, mais certains logiciels professionnels nécessaires à la gestion des ressources humaines ou à l’urbanisme sont inaccessibles. En conséquence, les quelque 1.300 agents municipaux n’ont pas pu recevoir comme d’habitude leur paie de décembre avant Noël, elle ne leur sera versée que quelques jours après.
Privés de leur logiciel automatisé, les responsables des ressources humaines sont revenus à un certain artisanat. « Ça demande de travailler à l’ancienne. Ils reprennent les fiches une à une, refont les calculs à partir de ce qui a été payé le mois dernier. C’est plus compliqué à éplucher », indique le cabinet du maire Jean-Philippe Ranquet (Libres !).
Bondy, Pantin et Villepinte ont précédemment fait état d’agressions informatiques
Dans un récent rapport, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (AnssiI) notait une accélération des attaques au rançongiciel contre les collectivités locales. Rien qu’en l’espace d’une année, pour la seule Seine-Saint-Denis, les villes de Bondy, Pantin et Villepinte ont précédemment fait état d’agressions informatiques d’ampleur affectant leur fonctionnement.
« Les collectivités territoriales ont des enjeux qui sont de plus en plus importants, nous gérons de grandes quantités de données, tant sur les salariés de la ville que sur nos habitants », analyse Rached Zehou, par ailleurs ingénieur informatique spécialisé dans le déploiement d’infrastructures. « L’État nous transfère de plus en plus de compétences, dit-il, ce qui demande plus de numérisation, sans que de l’autre côté les moyens pour se protéger suivent ».
2021-12-25 11:00:00
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