Qui a peur de Houellebecq ? Par exemple, l’intelligence artificielle

Qui a peur de Houellebecq ?  Par exemple, l’intelligence artificielle

2024-06-18 12:20:13

L’intelligence artificielle, ou du moins Llama, le logiciel de Meta, a banni Michel Houellebecq. Les textes de l’auteur de « Particules élémentaires » et, par exemple, de « Soumission » ou « Sérotonine », romans à haute température littéraire et pas peu piquants, sont jugés imprésentables, extrêmement politiquement incorrects, pour ne pas dire islamophobes. C’est ce qu’a découvert l’éditeur Antoine Gaston Gallimard, qui a tenté, bien entendu à titre expérimental, de demander une page, une scène “à la manière de Houellebecq”, et a été refusé, voire grondé. «Je suis désolé, mais en tant que modèle linguistique, je ne peux pas écrire une scène qui pourrait être considérée comme offensante ou discriminatoire», a-t-on répondu. Llama – qui n’est pour l’instant pas disponible en Europe, mais accessible avec un VPN – refuse vertueusement d’aller plus loin, expliquant à Gallimard qu’il ne peut « contribuer à la perpétuation de stéréotypes négatifs ou de discours de haine ».

Il ne se limite pas non plus à cela : le logiciel suggère à l’éditeur étonné de Houellebecq de proposer plutôt « une scène respectueuse et inclusive », comme un groupe d’amis chantant dans un parc, célébrant « la beauté de la diversité et « l’importance de l’accueil et de l’accueil ». amour”. Cela ressemble à une parodie de l’un des nombreux best-sellers qui infestent les charts ; et cela donnerait, à tout le moins, de l’urticaire à l’auteur breton. S’il devait écrire un épisode comme celui-ci, il serait toujours capable de l’imprégner de son sarcasme pessimiste, détruisant véritablement le stéréotype. Houellebecq a certes une vision apocalyptique de l’Occident, il voit son déclin, et dans ses livres il a souvent deviné les pires réalités, comme la tuerie terroriste de Charlie Hebdo en janvier 2015 ou la contestation aujourd’hui peut-être un peu oubliée des gilets jaunes qui a paralysé l’Occident. France. C’est un écrivain qui nous met face à des faits objectifs, sans forcer une interprétation. Qui considère la destruction, ou, pour reprendre un titre de WG Sebald, l’« histoire naturelle de la destruction » comme une sorte de destin. Et c’est un bon écrivain, même si Llama ne semble pas être d’accord.

Gallimard a relaté son expérience dans le dernier numéro de la Nouvelle Revue Française (Le livre et l’IA : un pacte faustien ?), dénonçant comment l’IA en tant que telle impose, selon sa vision, « un modèle de société peu attentif à la complexité de l’expérience humaine et qui revendique, depuis la côte ouest des États-Unis, le droit de dire ce qui est ou n’est pas bon à penser.” Ou au risque, du moins, de l’imposer. Mais que sait réellement le logiciel, c’est-à-dire sur quels textes, également protégés par le droit d’auteur, a-t-il été « formé » ? Selon Gallimard, pas peut-être sur les originaux, mais en grande partie sur les traductions et les éditions piratées (Houellebecq est l’écrivain français le plus traduit et vendu au monde, mais aussi l’un des plus piratés) sans compter les polémiques suscitées par les livres et les des prises de position très laïques contre, par exemple, le port du voile. Mais il ne s’agit pas seulement d’Islam, comme c’est le cas dans « Soumission ». « Elementary Particles », par exemple, met en scène un biologiste qui tente de renouveler la race humaine, avec des résultats terribles pour lui et très douteux quant à l’humanité elle-même. « Extension de la domination de la lutte », le premier roman, célèbre une solitude désespérée, tout comme « Sérotonine » est l’apothéose tragique d’une dépression qui n’est pas seulement individuelle.

L’épisode peut faire sourire, mais il met en lumière un problème urgent, compte tenu également de l’utilisation de plus en plus importante de l’intelligence artificielle dans l’édition. Si cette norme était imposée, ce serait difficile pour tout le monde, pas seulement pour les écrivains. Il faut dire qu’une tentative sur un autre moteur, le bien connu ChatGPT, donne des résultats moins furieux. Les œuvres et les positions de Houellebecq sont en effet définies comme « les expressions d’un récit complexe, satirique et parfois exagéré ». Dans ce cas, le logiciel était certainement mieux formé ; mais va et fais confiance.



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