Ne excluez pas la Turquie des efforts de défense européens à cause d’Erdoğan

Ne excluez pas la Turquie des efforts de défense européens à cause d’Erdoğan

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L’écrivain est directeur du programme sur la Turquie à l’Institut du Moyen-Orient et auteur de « La guerre d’Erdoğan : la lutte d’un homme fort chez lui et en Syrie ».

Les dirigeants de l’OTAN se réuniront à Washington en juillet à un moment critique pour la défense européenne. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a confirmé que l’Europe ne peut se défendre sans l’Amérique. C’est inquiétant, d’autant plus que Donald Trump, dont l’engagement en faveur de la sécurité européenne est pour le moins discutable, pourrait revenir à la Maison Blanche. Même si le prochain président est un europhile, la guerre en Ukraine et les efforts américains pour pivoter vers l’Indo-Pacifique présentent à l’Europe sa situation la plus dangereuse depuis des décennies.

Pour être autonome en matière de défense, l’Europe doit commencer à entretenir des idées inconfortables. Cela inclut l’intégration de la Turquie dans les plans visant à accroître les capacités militaires européennes. Toutefois, pour de nombreux dirigeants européens, le Turc Recep Tayyip Erdoğan arrive en tête de liste des partenaires peu recommandables – et pour cause. Son régime autocratique, son imprévisibilité et ses tirades contre l’Occident les mettent souvent en colère. Les longues hésitations de l’homme fort turc concernant l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN n’ont été que le dernier casse-tête en date pour les dirigeants occidentaux. Ajoutez à cela les relations chaleureuses d’Erdoğan avec le Russe Vladimir Poutine et l’histoire troublée de la Turquie avec la Grèce et Chypre, et vous comprendrez pourquoi Ankara n’est pas considérée comme un allié indispensable mais comme un perturbateur de la sécurité européenne.

Il n’est pas surprenant que la Turquie ait été exclue des efforts visant à renforcer la capacité de défense de l’Europe, notamment de la coopération structurée permanente. Créé par l’UE en 2017 au milieu des inquiétudes suscitées par l’engagement de Trump en faveur de la sécurité européenne, Pesco vise à approfondir la coopération entre les États membres mais est ouvert à l’implication de pays tiers. L’UE a cependant longtemps rejeté la participation de la Turquie à ce projet. raisons politiques. L’un des opposants déclarés à l’intégration de la Turquie est le président français Emmanuel Macron, qui appelle à une défense européenne plus forte et à une UE plus affirmée à l’échelle mondiale, mais considère la politique étrangère d’Erdoğan comme un obstacle.

Macron ne veut peut-être pas l’entendre, mais l’UE n’a pas les capacités militaires à la hauteur de ses aspirations. La défense de l’Europe contre une Russie révisionniste doit impliquer les pays non membres de l’OTAN. La triste vérité est qu’exclure la Turquie des efforts visant à renforcer la défense européenne à cause d’Erdoğan relève de la myopie.

La Turquie joue déjà un rôle essentiel dans la défense de l’Europe. Elle participe aux opérations de l’OTAN et à de nombreuses missions de l’UE. En outre, renforcer la capacité du continent à se défendre est un projet générationnel et Erdoğan ne dirigera pas la Turquie éternellement, quels que soient ses efforts. Les élections municipales de mars, qui ont porté un coup sismique au parti au pouvoir, soulignent l’affaiblissement de l’emprise d’Erdoğan sur le pouvoir. La Turquie de l’après-Erdoğan ne modifiera peut-être que partiellement sa politique étrangère, mais elle aura davantage à offrir une défense européenne contre la Russie. Voici trois raisons pour lesquelles.

Premièrement, malgré les liens étroits entretenus par Erdoğan avec Poutine, une Russie révisionniste constitue une grave menace pour la sécurité nationale turque. Deuxièmement, l’industrie de défense turque a reçu un coup de pouce sous Erdoğan, mais son avenir sera encore plus prometteur avec une gouvernance démocratique, la méritocratie et la stabilité financière. Des munitions aux systèmes de défense aérienne à courte et moyenne portée, l’industrie de défense turque peut rapporter des dividendes à la sécurité européenne à long terme et aider l’Europe à combler les lacunes laissées par les États-Unis. Enfin, la Turquie peut aider l’Europe à remédier à sa pénurie de main-d’œuvre. Sous Erdoğan, l’armée turque, comme toutes les autres institutions, a été politisée et composée de loyalistes. Mais elle reste la deuxième plus grande armée de l’OTAN et son professionnalisme sera restauré une fois que la politique autocratique aura disparu.

Reconstruire la défense européenne est une tâche monumentale. Lorsque l’Europe mettra en place son action militaire, elle devra intégrer la Turquie dans ses plans. Cela renforcera non seulement la défense d’une Europe post-américaine, mais ancrera également la Turquie post-Erdoğan dans l’architecture de sécurité européenne.

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