2024-07-15 01:34:44
Rasha Khatib, Martin McKee, Salim Yusuf – The Lancet
Un cessez-le-feu immédiat et urgent dans la bande de Gaza est essentiel, accompagné de mesures permettant la distribution de fournitures médicales, de nourriture, d’eau potable et d’autres ressources pour répondre aux besoins humains fondamentaux. Dans le même temps, il est nécessaire de mesurer l’étendue et la nature des souffrances causées par ce conflit. Il est essentiel de documenter sa véritable ampleur pour garantir la responsabilité historique et reconnaître le coût total de la guerre. C’est aussi une obligation légale (1).
Selon le ministère de la Santé de Gaza, tel que rapporté par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, au 19 juin 2024, 37 396 personnes avaient été tuées dans la bande de Gaza depuis l’attaque du Hamas et l’invasion israélienne d’octobre 2023.1 Les chiffres du ministère ont été contestés par les autorités israéliennes, bien qu’ils aient été considérés comme exacts par les renseignements israéliens,2 l’ONU et l’OMS. Ces données sont étayées par des analyses indépendantes, qui comparent le nombre de décès signalés par le personnel de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) avec ceux signalés par le ministère,3 qui a jugé invraisemblables les litiges concernant la production des données.4
La collecte de données devient de plus en plus difficile pour le ministère de la Santé de Gaza en raison de la destruction d’une grande partie des infrastructures.5 Le ministère a dû compléter ses reportages habituels, basés sur les personnes décédées dans ses hôpitaux ou amenées mortes, par des informations provenant de sources médiatiques fiables et des premiers intervenants. Ce changement a inévitablement modifié les données détaillées précédemment enregistrées. En conséquence, le ministère de la Santé de Gaza rapporte désormais séparément le nombre de corps non identifiés parmi le bilan total des morts. Au 10 mai 2024, 30 % des 35 091 décès n’étaient pas identifiés.1 Certains responsables et agences de presse ont utilisé cette évolution, conçue pour améliorer la qualité des données, pour en affaiblir la véracité. Toutefois, le nombre de décès signalés est probablement sous-estimé. L’organisation non gouvernementale Airwars entreprend des évaluations détaillées des incidents survenus dans la bande de Gaza et constate souvent que tous les noms des victimes identifiables ne figurent pas sur la liste du ministère. 6 Par ailleurs, l’ONU estime qu’au 29 février 2024, 35 % des bâtiments de la bande de Gaza avaient été détruits, 5 le nombre de corps encore ensevelis sous les décombres est donc probablement considérable : on estime qu’ils sont plus de 10 000.7
Les conflits armés ont des conséquences indirectes sur la santé, en plus des dommages directs causés par la violence. Même si le conflit devait prendre fin immédiatement, de nombreux décès indirects dus à des causes telles que les maladies reproductives, transmissibles et non transmissibles continueraient à se produire dans les mois et années à venir. Le nombre total de morts devrait être élevé compte tenu de l’intensité de ce conflit ; la destruction des infrastructures de santé ; de graves pénuries de nourriture, d’eau et d’abris ; l’incapacité de la population à fuir vers des lieux sûrs ; et la perte de financement de l’UNRWA, l’une des rares organisations humanitaires encore actives dans la bande de Gaza.8
Lors des conflits récents, le nombre de décès indirects est de trois à 15 fois supérieur au nombre de décès directs. Appliquer une estimation prudente de quatre décès indirects pour chaque décès direct 9 sur les 37 396 décès signalés, il n’est pas improbable d’estimer jusqu’à 186 000, voire plus, qui pourraient être imputables au conflit actuel à Gaza. En utilisant l’estimation de la population de la bande de Gaza en 2022, soit 2 375 259 habitants, cela se traduirait par 7,9 % de la population totale de la bande de Gaza. Un rapport du 7 février 2024, alors que le bilan direct était de 28 000 morts, estimait que sans cessez-le-feu, il y aurait entre 58 260 décès (sans épidémie ni escalade) et 85 750 décès (si les deux se produisaient) d’ici le 6 août 2024.dix
Un cessez-le-feu immédiat et urgent dans la bande de Gaza est essentiel, accompagné de mesures permettant la distribution de fournitures médicales, de nourriture, d’eau potable et d’autres ressources pour répondre aux besoins humains fondamentaux. Dans le même temps, il est nécessaire de mesurer l’étendue et la nature des souffrances causées par ce conflit. Il est essentiel de documenter l’ampleur réelle de la guerre pour garantir la responsabilité historique et reconnaître le coût total de la guerre. C’est aussi une obligation légale. Les mesures provisoires établies par la Cour internationale de Justice en janvier 2024 exigent qu’Israël « prenne des mesures efficaces pour empêcher la destruction et assurer la préservation des preuves relatives aux allégations d’actes au titre de la… Convention sur le génocide ».11 Le ministère de la Santé de Gaza est la seule organisation à recenser les décès. En outre, ces données seront cruciales pour le relèvement post-conflit, la restauration des infrastructures et la planification de l’aide humanitaire.
MM est membre du comité de rédaction du Israel Journal of Health Policy Research et du Comité consultatif international de l’Institut national israélien de recherche sur les politiques de santé. MM a été coprésident de la 6e Conférence internationale de Jérusalem sur la politique de santé de l’institut en 2016, mais écrit à titre personnel. Il collabore également avec des chercheurs en Israël, en Palestine et au Liban. RK et SY déclarent qu’ils n’ont aucun conflit d’intérêts. Les auteurs souhaitent remercier les membres de l’équipe d’étude, Shofiqul Islam et Safa Noreen, pour leurs contributions à la collecte et à la gestion des données de cette correspondance.
(1) Publié en ligne le 5 juillet 2024. Notre traduction.
Les références
- Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies. Instantané de l’impact signalé. Bande de Gaza.
Date : 19 juin 2024
Date de consultation : 21 juin 2024
2. Prothero M
Les services de renseignements israéliens ont estimé que les chiffres du nombre de morts fournis par le ministère de la Santé dirigé par le Hamas étaient généralement exacts.
Date : 2024
Date de consultation : 2 mai 2024
3. Huynh BQ, Chin ET, Spiegel PB
Aucune preuve de surmortalité signalée par le ministère de la Santé de Gaza.
Lancette. 2024; 403: 23-24
4. Jamaluddine Z, Checchi F, Campbell OMR
Surmortalité à Gaza : du 7 au 26 octobre 2023.
Lancette. 2023; 402: 2189-2190
5. UNOSAT
Évaluation complète des dommages causés aux bâtiments et aux logements dans la bande de Gaza par l’UNOSAT, mars 2024.
Date : 2024
Date de consultation : 2 mai 2024
6. Guerres aériennes
Israël et Gaza.
Date : 2024
Date de consultation : 3 mai 2024
7. Office des Nations Unies à Genève
10 000 personnes seraient ensevelies sous les décombres à Gaza.
Date : 2024
Date de consultation : 3 mai 2024
8. Reuters
De nouveaux pays suspendent le financement de l’agence palestinienne de l’ONU.
Date : 2024
Date de consultation : 2 mai 2024
9. Genève. Secrétariat de la Déclaration. Le fardeau mondial de la violence armée.
Date : 2008
Date de consultation : 10 avril 2024
10. Jamaluddin Z, Chen Z, Abukmail H et al.
Crise à Gaza : projections d’impact sanitaire basées sur des scénarios.
Date : 2024
Date de consultation : 1er mai 2024
11. Cour internationale de justice
Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza.
Date : 2024
Date de consultation : 3 mai 2024
L’article Gaza. Le décompte des morts. vient de SaluteInternazionale.
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